Michel Nickels, associé chez Elvinger Hoss Prussen, a partagé son point de vue sur les droits et obligations des propriétaires et des locataires en matière d’augmentation des loyers d’habitation. (Photo: Elvinger Hoss Prussen)

Michel Nickels, associé chez Elvinger Hoss Prussen, a partagé son point de vue sur les droits et obligations des propriétaires et des locataires en matière d’augmentation des loyers d’habitation. (Photo: Elvinger Hoss Prussen)

Michel Nickels, associé chez Elvinger Hoss Prussen, a passé en revue avec Delano les différents éléments à prendre en compte lors de l’évaluation des augmentations de loyer: capital investi, fréquence d’adaptation, clauses d’indexation, loyers de luxe, processus de contestation auprès de la Commission des loyers, participation d’un expert et expulsion d’un locataire.

«Le contrat de bail peut être adapté tous les deux ans alors que le loyer peut évoluer à la hausse ou à la baisse», indique , associé du cabinet d’avocats Elvinger Hoss Prussen lors d’une interview le 7 février. Il précise que le niveau du loyer ne peut pas dépasser 5% du . Il est important de noter que «les baux d’habitation sont soumis à la loi du 21 septembre 2006».

«Contrairement aux baux commerciaux, par exemple, la loi de 2006 interdit les clauses d’indexation (clauses de valeur)… même si elles sont incluses dans le contrat de location.» Il explique que le locataire peut donc s’opposer à l’application de ces clauses.

En revanche, l’indexation des appartements de luxe (au-dessus de 2.500 euros par mois) est autorisée par la même loi. Toutefois, un projet de loi en cours d’examen à la Chambre «devrait supprimer la notion de loyers de luxe», commente M. Nickels. En outre, la notion de n’est pas applicable aux appartements de luxe. La location d’un logement de luxe n’est pas anodine, puisqu’elle peut facilement atteindre 2.500 euros au Luxembourg.

Illustration du processus à travers plusieurs scénarios

Prenons un scénario: le loyer d’un appartement est fixé à 1.000 euros et est porté à 1.200 euros deux ans plus tard. Si le loyer est inférieur à 5% du capital investi, l’augmentation mise en œuvre par le bailleur est légalement possible, même si le loyer augmente de 20%.

Si le locataire estime que le nouveau loyer reflète un niveau supérieur à 5% du capital investi, il a le droit de demander à la Commission des loyers de sa commune de calculer le niveau du capital investi tel que décrit dans la loi, après avoir reçu tous les documents du propriétaire.

Le locataire n’est pas en mesure de calculer le capital investi, car la documentation est détenue par le propriétaire.
Michel Nickels

Michel NickelspartenaireElvinger Hoss Prussen

Si la commission conclut que le loyer correspondant après calcul du capital investi est de 2.000 euros, elle jugera que l’augmentation de loyer est admissible. Toutefois, le propriétaire ne pourra pas augmenter son loyer au-delà des 1.200 euros initialement demandés. Le propriétaire devra attendre encore deux ans avant de demander un loyer supérieur à 1.200€.

La commission a un pouvoir de conciliation et vise à trouver un compromis entre les parties. «C’est généralement plus compliqué que cela, car les parties discutent généralement de ce compromis avant que la commission ne se réunisse», observe M. Nickels. Ce n’est qu’après avoir suivi cette procédure que les parties peuvent saisir le tribunal pour contester le calcul de la commission des loyers et la modification du loyer.

Seule la commission peut valider le calcul du capital investi et ensuite le tribunal si la conclusion de la commission est contestée par l’une ou les deux parties. «Le locataire n’est pas en mesure de calculer le capital investi, car c’est le propriétaire qui détient la documentation», note M. Nickels.

Il est recommandé au locataire d'envoyer une lettre recommandée au propriétaire pour valider la contestation. M. Nickels estime qu'envoyer un e-mail au propriétaire générant un accusé de réception est peu susceptible d'être rejeté par les tribunaux.

Le locataire peut déposer une demande auprès de la commission pour réviser le loyer si aucun accord n'a été trouvé entre les parties dans un délai d'un mois après avoir informé le propriétaire.

Les règles des 10% actuelles et futures

Il est important de noter que la loi actuelle prévoit que l’augmentation du loyer de plus de 10% doit être étalée sur trois ans. Ce mécanisme n’intervient que lorsque le dossier est soumis à la commission ou au tribunal. Selon M. Nickels, le projet de loi actuel propose de ne pas augmenter le loyer de plus de 10% tous les deux ans, ce qui protégerait mieux les locataires.

«L’affaire Limpertsberg»

M. Nickels explique que «l’affaire du Limpertsberg» est célèbre étant donné le loyer demandé par le locataire (300 euros) par rapport au loyer actuel (environ 1.600 euros). L’affaire a également révélé que le calcul du capital investi est «excessivement compliqué», surtout lorsque l’expert ne dispose pas de tous les éléments pour effectuer le calcul. Il estime que l’affaire est encore devant les tribunaux.

Que se passe-t-il si le bailleur n’a pas ou ne veut pas fournir la documentation?

Si le bailleur n’est pas en mesure de fournir toute la documentation nécessaire à l’évaluation du capital investi, il peut être fait appel à un expert pour évaluer son niveau. M. Nickels fait remarquer «que si le calcul de l’expert était disproportionné par rapport à l’évaluation du marché, la commission pourrait être autorisée à évaluer le niveau du capital investi en fonction de divers éléments». Il ajoute: «Le processus est beaucoup plus compliqué que le simple fait de demander à un expert de regarder les évaluations dans le voisinage de l’appartement.»

Le propriétaire doit faire preuve de bonne foi en fournissant sa documentation, car «s’il n’y a pas de capital investi, il n’y a pas de points de référence» et il n’y a pas d’augmentation de loyer, déclare M. Nickels. Si l’information n’est pas disponible, le propriétaire et/ou le locataire doivent alors faire appel à un expert.

Le projet de loi propose d’afficher le capital investi directement dans le contrat de location, «un gros problème pour les propriétaires», note M. Nickels. «Sans cela, le loyer serait plafonné à 8 euros/m2, un niveau très bas par rapport aux niveaux actuels du marché.»

Se faire une idée du capital investi

«Il est probable que le loyer des bâtiments anciens atteigne 5%, alors qu’il est plus probable qu’il atteigne 3,5% pour les constructions récentes», souligne M. Nickels. Il explique que si vous avez investi un million d’euros pour un appartement, il est peu probable que vous trouviez un locataire pour un loyer aussi élevé que 4.166 euros (1 million d’euros x 5%/12 mois). Mais cela signifie aussi que le propriétaire dispose d’une plus grande marge de manœuvre pour augmenter le loyer.

Il est intéressant de noter que le projet de loi suggère une limite de capital investi de 3% pour les logements de la classe des faibles économies d’énergie, alors qu’elle pourrait aller jusqu’à 3,5% pour la «classe A». Il pense que cela pourrait inciter les propriétaires à rénover leurs bâtiments. Les propriétaires ne devraient pas s’affoler avec les 3%-3,5% proposés. Le législateur a également revu les tableaux de manière à ce que l’évaluation des bâtiments plus anciens soit augmentée, ce qui se compensera d’une manière ou d’une autre.

Un propriétaire peut-il facilement expulser un locataire?

Que la location soit à durée indéterminée ou à renouvellement automatique annuel, le propriétaire ne peut reprendre possession de l’appartement qu’en raison:

1.  d’un besoin personnel;

2.  d’une faute du locataire (par exemple, le non-respect de ses obligations)

3.  d’autres motifs sérieux et légitimes: des travaux importants rendant le logement inhabitable.

M. Nickels estime que le fait que le bailleur invoque le troisième motif pour repeindre l’immeuble n’est pas un motif suffisant pour expulser un locataire. Il est important de noter que le locataire peut demander des explications sur la nature des travaux entrepris. Si les travaux ne sont pas exécutés, les locataires peuvent demander des dommages et intérêts au propriétaire.

Statut du projet de loi

M. Nickels ne pense pas qu’il y ait de désaccords majeurs sur le projet de loi actuel. Le ministère du Logement et de l’Aménagement du territoire était auparavant dirigé par les Verts. «Il n’est pas certain que le nouveau gouvernement maintiendra la disposition relative au passeport énergétique», indique M. Nickels. Le maintien des éléments précédents et le calendrier de leur adoption restent incertains.

Le groupe de défense des droits des locataires Mieterschutz Luxembourg n’a pas pu répondre avant publication. Georges Krieger, président de l’association des propriétaires luxembourgeois, a refusé de participer à cet article.

Cet article a été publié pour la newsletter Delano Finance, la source hebdomadaire d’informations financières au Luxembourg. .