Face à la hausse continue et spectaculaire des loyers, la colocation se développe. Et le législateur veut encadrer cette pratique pour rassurer à la fois les propriétaires et les locataires. Mais les avis sont, pour l’instant, assez mitigés. (Photo: Shutterstock)

Face à la hausse continue et spectaculaire des loyers, la colocation se développe. Et le législateur veut encadrer cette pratique pour rassurer à la fois les propriétaires et les locataires. Mais les avis sont, pour l’instant, assez mitigés. (Photo: Shutterstock)

Tout le monde se félicite de l’arrivée, dans la future loi du droit au bail d’habitation, de directives pour encadrer la colocation. Mais personne n’est vraiment satisfait du dispositif imaginé.

L’idée n’est pas neuve, mais les tensions sur le marché de l’immobilier l’ont popularisée à un niveau record au Luxembourg: et si on louait à plusieurs? Il n’est plus rare de voir des propriétaires louer leur maison à la découpe à de jeunes salariés, de la main-d’œuvre internationale, qui ont des moyens financiers.

Dans son projet de loi sur la réforme du bail d’habitation, présenté en juillet, le ministre du Logement, (Déi Gréng), s’est largement inspiré du «modèle» belge, pour présenter un «pacte de colocation» qui prévoit un certain nombre d’informations à fournir dès la conclusion du bail entre le propriétaire et les locataires.

Comme la répartition du loyer entre colocataires lorsque celle-ci n’est pas prévue par le contrat de bail; la répartition des charges communes entre colocataires; l’inventaire des biens meubles précisant leur propriétaire; les modalités de conclusion des contrats d’approvisionnement et d’assurance relatifs au bien loué; les modalités d’arrivée, de départ et de remplacement d’un colocataire, y compris la forme de notification du congé aux autres colocataires; les conditions de constitution et de récupération de la garantie locative; les modalités de résolution des conflits entre les colocataires.

Un pacte impératif et des sanctions

Les guillemets s’imposent pour parler du modèle belge, rappellent les autorités judiciaires dans l’avis qu’elles ont rendu en fin d’année. Aucune sanction n’est prévue ni dans le texte belge ni dans le futur texte luxembourgeois, pour ceux qui ne respecteraient pas cet impératif. Même le caractère impératif de ce pacte n’est pas exprimé. Les tribunaux appellent aussi à mieux préciser ce qui se passera si la moitié des locataires décident de quitter la colocation et que l’autre moitié souhaite y rester, et dans les conditions initiales.

Tandis que la Chambre de commerce relève les deux mêmes éléments, la Chambre des salariés insiste sur le fait que la somme des loyers ne peut pas augmenter plus que les 5% prévus de manière générale par la loi par rapport au capital investi, alors même que cette augmentation «n’est tout simplement plus adaptée à la réalité du marché locatif. Dans la grande majorité des cas, des revenus locatifs représentant 5% du capital investi ne sont aujourd’hui généralement plus réalistes et atteints dans le cadre des locations ‘traditionnelles’ à cause de la déconnexion importante entre l’évolution des prix immobiliers et du pouvoir d’achat des locataires.»

La Chambre des salariés relève aussi que le propriétaire peut plus facilement aller jusqu’à l’augmentation de 5% avec quelques colocataires qu’il ne pourrait le faire avec un ménage «classique», tout en s’assurant de davantage de sécurité dans le paiement des loyers. «Les colocations pourraient augmenter la pression sur les loyers et donc également la pression financière sur, par exemple, des familles modestes. Ceci est un souci tout à fait sérieux vu la situation serrée sur le marché locatif, mais qui risque toutefois de mener à la mauvaise conclusion.»

Un contrat à individualiser pour les aides

Pour l’asbl Mieterschutz, la loi ne doit pas permettre que le risque d’un éventuel non-paiement de loyer par une partie soit simplement réparti entre les autres locataires. «Il faut responsabiliser chaque colocataire par un contrat de bail individualisé, ce qui permet aussi des démarches pour l’obtention du Revis et de l’allocation de vie chère. La loi pourrait prévoir la possibilité de lier les contrats de bail individualisés à une convention générale pour tous, réglant les aspects communs», dit l’association de défense des locataires.

Colocation à bail unique ou colocation à baux multiples, préconise le Syvicol. Ce qui permettrait, sans caractère impératif du pacte de colocation, de mieux répondre à une kyrielle de situations différentes.

Le syndicat des villes et des communes luxembourgeoises, qui craint que le dispositif prévu par la loi soit trop lourd d’un point de vue administratif, invite aussi les autorités à demander aux loueurs de déclarer chaque partie qu’ils louent, de manière détaillée. «L’obligation de déclarer au préalable, à la commune, la ou les chambres données en location prévue à l’article 3 de ladite loi n’est souvent pas respectée en pratique par les propriétaires ou les exploitants, de sorte que le contrôle par la police des bâtisses du respect des prescriptions légales et règlementaires est compromis. Pour le Syvicol, le respect de cette règle doit absolument être assuré en amont, afin de protéger les (co)locataires et de garantir la sécurité publique, en responsabilisant encore davantage les propriétaires et les exploitants et en renforçant l’information de toutes les parties et surtout des futurs locataires sur la législation applicable.»

Loin des avis de ces institutions, de nouveaux acteurs du marché immobilier se lancent dans le coliving en mettant en place des «paniers all-inclusive» pour rassurer loueurs et locataires dans le même but que le législateur. Une autre manière d’aborder l’évolution d’habitudes de vie dans un pays qui manque de 30.000 appartements ou maisons et où le coût du logement peut absorber jusqu’à 50% du budget mensuel, selon le Statec.