Bernard Michaux et le réalisateur de «Collective», Alexander Nanau, lors d’une projection au Luxembourg.  (Photo: Massimo Cataldo)

Bernard Michaux et le réalisateur de «Collective», Alexander Nanau, lors d’une projection au Luxembourg.  (Photo: Massimo Cataldo)

Doublement nommée lors des prochains Oscars, la coproduction luxembourgeoise «Collective» va gagner en visibilité aux États-Unis en faisant son apparition cette semaine sur Hulu, une des plus grandes plateformes de streaming américaines. Un choix stratégique. 

On ne le répètera jamais assez: dans le monde du cinéma, les récompenses telles que les Oscars, les Golden Globes, les Bafta, voire les César en France, ne reviennent pas toujours aux objets cinématographiques les «plus forts» dans le panel proposé. Déjà parce que tout classement est subjectif. Mais aussi parce que remporter une telle statuette se révèle souvent être la conséquence d’une véritable campagne électorale de haut niveau. Une quête sous la forme d’un marathon où les grands studios sont capables de dépenser des millions de dollars en marketing pour l’emporter.

Un constat valable pour les catégories les plus importantes de ces cérémonies. Forcément un peu moins pour celles dont le prestige est moindre. Celles où on retrouve souvent des productions bien moins dotées. Mais ce n’est pas pour autant que ces dernières en oublient le côté stratégique de ces cérémonies.

On en a d’ailleurs aujourd’hui le parfait exemple avec (la cérémonie se tiendra dans la nuit du 25 au 26 avril): meilleur documentaire et meilleur film étranger. Mais avant ça, il prendra place, à partir de ce 25 mars, dans la programmation de Hulu, l’un des géants américains du streaming aux côtés des Netflix, Amazon Prime, Disney+, Apple TV+ ou HBO Max.

«Il faut être vu»

«Si nous voulons convaincre de voter pour nous, il faut avant tout que notre film soit vu. Les membres de l’académie qui votent pour les Oscars ont accès à une plateforme spéciale afin de pouvoir regarder les films et se faire un jugement. Mais est-ce que tout le monde respecte bien les règles à ce niveau-là? Être disponible sur une grande plateforme, et donc visible, est donc important», explique Bernard Michaux. Qui plus est quand vos concurrents, eux, le sont déjà. Or, dans la catégorie du meilleur documentaire, celle qui semble la plus ouverte pour «Collective», les quatre autres films nommés étaient déjà sur Netflix («My Octopus Teacher» et «Crip Camp: A Disability Revolution»), Amazon Prime («Time») ou Hulu («The Mole Agent»).

«De notre côté, nous étions aux États-Unis sur Amazon Prime. Mais en VOD, c’est-à-dire disponible à la location. De manière payante, donc. Alors que là, nous allons être en SVOD. Notre film sera donc accessible sans frais supplémentaires à tous les abonnés de Hulu. Une des plateformes les plus connues aux USA. En agissant de la sorte, on veut mettre toutes les chances de notre côté.» Et donc, ne pas avoir de regrets après coup.  

Une exposition énorme pour un investissement de 200.000 euros

Mais ne croyez pas que Samsa Film a touché le jackpot dans cette opération avec le géant américain. «La somme n’est pas forcément énorme, le but de la manœuvre n’étant pas financier», explique le producteur luxembourgeois. Et puis, les droits américains du film sont détenus par deux distributeurs US: Magnolia Pictures et Participant (qui était notamment derrière des films comme «Spotlight», «Green Book», «Pentagon Papers»…). C’est à eux que ce deal a éventuellement rapporté. «Ce sont eux qui ont choisi Hulu. Ce sont de super partenaires qui ont montré leur intérêt pour le film après le festival de Toronto à l’automne 2019!», se félicite Bernard Michaux.

Alexander Nanau et Bernard Michaux.  (Photo: Massimo Cataldo)

Alexander Nanau et Bernard Michaux.  (Photo: Massimo Cataldo)

Du côté du Film Fund Luxembourg, on ne doit pas être mécontent non plus du parcours de «Collective». Un film dans lequel le Luxembourg a investi 200.000 euros («sur un budget qui avoisine les 700.000», dixit Bernard Michaux). Un investissement assez réduit, donc, pour une exposition au final assez incroyable.

«Si le succès de ‘Collective’ me surprend? D’un côté, je crois en ce film depuis la première fois où on m’en a parlé. Voici quatre ans, j’avais même dit que c’était ‘mon film pour aller aux Oscars’», explique Bernard Michaux. «De l’autre, on ne sait jamais si cela va marcher. Votre produit peut être très bon, mais la sauce ne prend pas… Mais ici, tout a vraiment été dans le bon sens. On a présenté le film au festival de Venise à l’automne 2019. Et les critiques ont été bonnes. Du coup, quand on est arrivés quelques jours plus tard à Toronto, qui, en plus d’être un festival, est un grand marché du film, tout le monde voulait voir notre production. Et tout a alors commencé à s’enchaîner dans le bon sens.»

Reste maintenant à voir si cette bonne étoile continuera à briller jusqu’aux Oscars, le 25 avril prochain…