«Ni la ministre des Finances, ni la commission de contrôle budgétaire de la Chambre des députés n’ont contesté notre analyse.» À trois mois des élections législatives, le président du Conseil national des finances publiques (CNFP), , présentait, ce lundi après-midi 26 juin, à la Chambre des salariés, une dernière évaluation des finances publiques sous l’actuel gouvernement, dont les conclusions n’invitent guère à l’optimisme béat et qui remettent en perspective les propositions de certains partis en campagne.
Accompagné par Simone Delcourt, Romain Bausch a évoqué «des détériorations significatives» et un endettement de plus en plus proche de la fatidique limite des 30% du PIB.
SUR LA CROISSANCE. «Les prévisions de croissance économique sur lesquelles repose le Programme de stabilité et de croissance (PSC) risquent de se révéler trop optimistes si l’on considère les prévisions les plus récentes des différentes institutions internationales et du Statec, le tout au vu des risques et des incertitudes qui entourent le contexte économique», dit le CNFP. Problème, le PSC2023 prend en compte l’analyse d’Oxford Economics basée sur des chiffres de janvier, scénario qui s’écarte des autres institutions internationales, et n’a pas été actualisé, regrette le CNFP. «Les prévisions les plus récentes (…) tablent sur une croissance plus faible pour le Luxembourg (1,5% en 2023 et 2,5% en 2024)», dit le conseil.
SUR L’INFLATION. Après une inflation très élevée en 2022 (6,3%, taux le plus élevé depuis 1983), l’inflation devrait revenir à 3,4% en 2023 et 2,8% en 2024 avant un nouveau rebond en 2025 (3,4%) et en dessous des 2% en 2026 et 2027. Mais le léger mieux cache des disparités: il est surtout porté par une accalmie sur les marchés de l’énergie, tandis que d’autres agrégats restent à des niveaux élevés, à l’instar du poste «alimentation, alcool et tabac», à 12,5% sur un an en mai selon la première estimation, des «biens industriels hors énergie», à 5,8%, ou encore des «services», à 5%.
SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL. Le PSC table sur un coup de frein quant aux créations d’emplois, qui passeront de 3,5% en 2022 à 2,2% en 2027, et sur un taux de chômage en hausse, de 4,8% en 2022 à 5,7% en 2027.
Les deux visages du budget
Comme si les incertitudes extérieures n’étaient pas assez nombreuses, le CNFP a dit son désarroi devant deux analyses antagonistes: la première montre une surestimation du déficit (avec une sous-estimation de certaines recettes, une surestimation des dépenses d’investissement et une surestimation de l’enveloppe pour financer le Solidaritéitspak et l’Energiedësch); la seconde, une sous-estimation, en raison des perspectives économiques défavorables.
Le solde de l’administration publique devrait rester négatif de -1,12 milliard cette année à -887 millions d’euros en 2027 (soit un déficit de 1,5% du PIB à 0,9% du PIB). Sur la période 2020-2024, le solde de l’administration centrale a été entamé par une augmentation annuelle moyenne des dépenses (+8,2% ou +7,9% hors paquets de mesures et dépenses exceptionnelles, dont les 190 millions d’euros du satellite militaire) par rapport aux chiffres «habituels» (+6,4% ou +6,8% hors paquets de mesures). Sur la période suivante (2025-2027), le taux de croissance des dépenses devrait rester en dessous de celui des recettes… mais les recettes ne devraient pas permettre de compenser les dépenses de la période 2022-2024. Et pendant que les administrations locales devraient conserver un peu de marge, le CNFP invite à considérer «la détérioration au niveau du solde de la sécurité sociale», qui devrait se réduire de 1,097 milliard d’euros cette année à 573 millions d’euros en 2027.
«L’évolution des finances publiques risque de mettre en péril la marge de manœuvre budgétaire en cas d’aggravation de la situation macroéconomique ou en cas de crise», surtout à cause de la difficulté à réduire les dépenses, à l’augmentation de la dette publique et au coût de son financement.
Des murs et des calculs
«Les autorités budgétaires compétentes devraient surveiller l’évolution à moyen terme des dépenses publiques», d’autant que différents murs arrivent, du vieillissement de la population à la défense en passant par le logement, la transition énergétique, la mobilité… et l’avenir des frontaliers, qui, s’ils décidaient de travailler davantage de chez eux, pourraient y payer des impôts sur le revenu qui ne reviendraient plus au Luxembourg. Autrement dit, l’endettement aura du mal à rester sous la barre symbolique des 30% du PIB. Et donc grèvera les possibilités du prochain gouvernement d’avoir les moyens de ses ambitions.
D’autant que, le 26 avril, la Commission européenne a remis une pièce dans le jukebox de la rigueur en annonçant une réforme de la gouvernance économique. Pour l’instant, les États membres dont le déficit public est supérieur à 3% du PIB ou dont la dette publique est supérieure à 60% du PIB seraient «invités» à suivre une «trajectoire technique» pour les remettre sur le droit chemin. Loin de cela, le Luxembourg se verrait seulement proposer des informations techniques.
Les hommes politiques qui promettent des réductions d’impôts spectaculaires sont-ils crédibles? Quand ils tablent sur une augmentation de la consommation, sur une redynamisation de l’économie, il faudra voir leur chiffrage. C’est ce que dit Romain Bausch avec la diplomatie de l’expérience. «Quand la marge est faible ou n’est pas là, on peut réduire les impôts quand on réduit les dépenses ou quand on augmente les recettes. Au minimum quand on a cette approche cohérente qui consiste à dire comment on finance ses mesures!»