Romain Bausch se réjouit de l’introduction d’un plafond de dépenses dans la loi de programmation des finances publiques. Une première. (Photo: Sebastien Goossens/Maison Moderne/Archives)

Romain Bausch se réjouit de l’introduction d’un plafond de dépenses dans la loi de programmation des finances publiques. Une première. (Photo: Sebastien Goossens/Maison Moderne/Archives)

Si dans sa dernière évaluation des finances publiques le CNFP ne juge pas la situation du budget et de la dette dramatique, il s’inquiète de l’évolution des marges de manœuvre si d’aventure de nouvelles crises devaient solliciter les finances publiques.

Le Conseil national des finances publiques (CNFP), c’est l’arbitre des élégances en matière de gouvernance budgétaire. Et, en se basant sur le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP 2023-2027), il ne voit pas d’exubérance dans la politique budgétaire du gouvernement à moyen terme, comprendre à l’horizon 2027.

Ce qui ne l’empêche pas de se montrer inquiet. «Selon les chiffres du PLPFP 2023-2027, le solde nominal des administrations publiques resterait négatif sur toute la période considérée. Tout en notant que les finances publiques continuent de respecter les critères de Maastricht, la question qui se pose est de savoir de quel potentiel d’accroissement de ses moyens l’État disposerait en cas de futurs chocs économiques face à la rigidité de la baisse de beaucoup de dépenses, du repli continu de l’excédent de la sécurité sociale, du maintien de solde négatif pour l’ensemble des administrations publiques et de l’accroissement de la dette publique et de son coût de financement», détaille le président du CNFP, .

Un Romain Bausch qui souligne comme une circonstance aggravante le contexte dans lequel évolue le Luxembourg: un contexte de «ralentissement économique, d’inflation toujours élevée et de durcissement des conditions financières». Un contexte aggravé par une faiblesse «structurelle» de l’économie – «la vulnérabilité aux aléas conjoncturels du secteur financier» et la crise du logement et de la construction.

Un solde budgétaire sous contrôle malgré tout

«La situation n’est cependant pas dramatique», temporise-t-il cependant. Si l’Objectif budgétaire à moyen terme (OMT) d’avoir un solde nominal des administrations publiques de 0% du PIB ne sera plus respecté à partir de 2025, l’écart sera limité à 0,32% du PIB. Dans le détail, le solde nominal des administrations publiques devrait s’établir à -987 millions (-1,2% du PIB) en 2024 et se stabiliser à moyen terme à -0,9% du PIB (soit 921 millions). Le déficit de l’administration centrale – 1,910 milliard d’euros en 2024 et 1,293 milliard en 2027 – persisterait à cause des mesures prises par le gouvernement; à savoir les mesures de solidarité et de protection prises suite au Covid et à la guerre en Ukraine et, tout récemment les mesures du nouveau gouvernement en matière de baisse de pression fiscale et de soutien au secteur de la construction et du logement.

Pour le reste, le solde des administrations locales resterait en surplus jusqu’en 2027 alors que l’excédent de la sécurité sociale continuera à se creuser autour du milliard jusqu’en 2027. «La détérioration au niveau du solde de la sécurité sociale est un élément important à considérer dans l’appréciation de la soutenabilité à long terme des finances publiques», poursuit le CNFP. Si ce dernier solde reste dans le positif, il passera d’un excédent de 1,055 milliard d’euros en 2023 à 261 millions en 2027.

Du mieux dans l’encadrement des dépenses

Des soldes corrects, mais qui «sont moins favorables que les soldes enregistrés au cours des années précédentes» relève Romain Bausch qui précise que «toutefois, le CNFP a déjà relevé qu’historiquement, les soldes budgétaires ont systématiquement sous-estimé».

Fait positif, le CNFP voit un équilibre s’installer entre recettes et dépenses, les premières progressant en moyenne de 5% contre 4% pour les secondes à l’horizon 2027. Ce faible taux de croissance moyen des dépenses «présuppose la prise de mesures visant à infléchir la rigidité à la baisse des dépenses courantes».

Le Conseil salue au passage l’introduction pour la première fois dans la PLPFP 2023-2027 des montants maximaux des dépenses de l’administration centrale. Une demande de plus de 10 ans est ainsi satisfaite, note Romain Bausch. «Cette nouvelle disposition permettra au gouvernement d’agir pour infléchir la rigidité à la baisse des dépenses courantes, comme annoncé récemment par le ministre des Finances. En outre, le CNFP sera en mesure d’évaluer le respect des montants maximaux dans les prochains PLPFP, d’éventuels dépassements des plafonds de dépenses devant dès lors obligatoirement être expliqués.»

Une dette soutenable

Si le gouvernement Frieden se refuse à augmenter la pression fiscale, sa porte de sortie en cas d’échec de son pari de politique budgétaire consisterait à emprunter. Ce qui reste possible si on ne regarde que les chiffres.

Sur le front de la dette, même s’il constate une pente ascendante – de 2019 à 2023, la dette a augmenté de 6,4 milliards d’euros pour se situer à 22,2 milliards, soit 26,5% du PIB et elle devrait croître sur la période 2024-2027 de 4,3 milliards pour se situer à 26,5 milliards, soit 27,3% du PIB –, Romain Bausch ne se montre pas plus inquiet. Ce dernier met dans la balance le montant des actifs détenus par les administrations publiques, soit 29 milliards d’euros – des actifs financiers théoriques en grande partie illiquide reconnaît-il, à l’exception des participations détenues dans le groupe BNP Paribas et dans la filiale luxembourgeoise, la BGL – et les actifs du fonds de compensation (environ 24 milliards d’euros).

«Si la situation actuelle en matière de dette publique nette peut encore être qualifiée de relativement bonne, les défis à moyen et à long terme entraîneront des coûts additionnels, tels que ceux liés au vieillissement de la population, au logement, à la transition énergétique et digitale, à la mobilité et à la défense», conclut le président du CNFP.