Le syndicaliste Gilbert Goergen a été élu président du conseil d’administration de la CMCM le 3 juillet dernier. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Le syndicaliste Gilbert Goergen a été élu président du conseil d’administration de la CMCM le 3 juillet dernier. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Les déboires de la Caisse médico-complémentaire mutualiste donnent un écho nouveau aux revendications des assureurs commerciaux. Ceux-ci dénoncent depuis longtemps un terrain de jeu inégal. Le nouveau président de la CMCM, Gilbert Goergen, marque son désaccord, mais s’engage à professionnaliser la gouvernance.

Les concurrents de la Caisse médico-complémentaire mutualiste (CMCM) ne vont pas jusqu’à se réjouir ouvertement de la . Mais les assureurs commerciaux y voient manifestement l’opportunité de récupérer des clients. Comme en témoigne , début avril, à l’adresse des clients dont la «confiance» aurait été «ébranlée» par la situation à la CMCM.

Il faut dire que le marché est porteur. «Les différentes couvertures d’assurance maladie complémentaire ont un rôle important dans la prise en charge des frais médicaux réels, au-delà de l’intervention de la Caisse nationale de santé», explique l’Aca, l’association professionnelle des assureurs et réassureurs établis au Luxembourg. «Les coûts de la santé ne cessent de croître et le nombre de contrats d’assurance maladie privée augmente de façon soutenue.»

La CMCM profite à plein de cette tendance. «Nous avons aujourd’hui une croissance qui, pour un acteur qui a déjà presque la moitié du pays comme membres, reste tout de même impressionnante: environ 2 à 3% nets de croissance chaque année», nous indiquait le CEO, , début février. Et les récentes turbulences n’ont pas brisé cette dynamique, précise aujourd’hui le président de la CMCM, Gilbert Goergen. «Nous continuons à gagner des clients au même rythme qu’auparavant.»

On n’a pas besoin de commenter les produits des autres acteurs du marché.
Gilbert Goergen

Gilbert GoergenprésidentCMCM

Il y a dix ans, la mutuelle n’affichait pas une telle forme. À son arrivée comme CEO, en 2015, le banquier Fabio Secci a reçu pour mission de redynamiser l’entreprise pour attirer une clientèle jeune. Il y est parvenu. Non sans faire grincer les dents des assureurs, qui ont peu à peu pris en grippe le tonitruant patron de la CMCM.

Gilbert Goergen ne pense pas que l’approche commerciale ait été trop agressive: «Il y a dix ans, la structure démographique de notre clientèle était préoccupante et il était nécessaire d’attirer des jeunes. M. Secci a réussi dans cette mission. Le véritable problème était plutôt sa façon de communiquer avec les autres acteurs du marché. Je pense qu’il nous suffit de communiquer sur nos produits, on n’a pas besoin de commenter les produits des autres acteurs du marché. M. Secci a été peut-être trop agressif dans ce sens-là, ce que je n’accepterai plus.»

Pour son président, la Caisse doit se recentrer sur sa mission de mutuelle et non sur la concurrence avec les assureurs. «En fait, nous n’avons pas de concurrents au sens traditionnel car nous sommes une mutuelle. Nous acceptons tout le monde, indépendamment de l’âge ou de l’état de santé. La mutualité est d’ailleurs régie par des lois spécifiques.»

Action en justice

Du point de vue des assureurs, c’est bien là le problème. Alors que la CMCM n’est pas soumise aux mêmes règles de solvabilité et de surveillance que les assurances, la mutuelle s’est aventurée sur «leur» terrain en proposant des contrats de groupe. L’Aca exige de «rétablir des conditions de concurrence saines et loyales». Après des années de discussions infructueuses avec le gouvernement, l’association a saisi le Tribunal administratif pour contester l’agrément accordé par le ministère de la Santé à la CMCM. Une délibération a eu lieu en janvier dernier.

Gilbert Goergen s’affiche serein: «Nous continuons nos activités comme avant. Si le Tribunal en décide autrement, nous sommes prêts à nous adapter.» On lui fait remarquer que la CMCM a changé ses statuts à plusieurs reprises récemment. Signe que tout n’est pas en ordre? «Pas du tout. Ces changements étaient en réponse à nos défis internes, notamment en remplaçant la position de directeur général par un collège de direction. Ces modifications sont indépendantes de toute pression externe des assureurs.»

Nous devons éliminer cette idée reçue que les syndicats dirigent la CMCM.
Gilbert Goergen

Gilbert GoergenprésidentCMCM

Pour son président, la CMCM n’a pas à être soumise aux mêmes règles que les assurances. «Une mutuelle diffère fondamentalement d’une assurance, notamment parce que nous n’effectuons pas de sélection de risques», argumente-t-il. Tout en se disant favorable à un renforcement des contrôles internes et externes: «Nous avons déjà une commission d’audit interne et BDO audite nos comptes, mais ce n’est pas suffisant. J’ai organisé des commissions au sein du conseil d’administration pour améliorer notre surveillance.»

Objectif: se professionnaliser. «Pas nécessairement comme une assurance, plutôt comme une association sans but lucratif professionnalisée», précise Gilbert Goergen. «Nous allons le faire nous-mêmes parce que je souhaite répondre à ce reproche des assurances, que j’accepte. Mais j’aimerais aussi que la loi sur les mutuelles soit adaptée pour qu’on ait le devoir de le faire. Nous prévoyons de rencontrer les responsables gouvernementaux dans les semaines à venir pour discuter de nos projets.»

Ministre en retrait

La ministre de la Santé, Martine Deprez, a déjà entendu les assureurs. Jusqu’à présent, elle s’est tenue en retrait dans ce dossier. La ministre CSV ne concentre pas moins les espoirs des concurrents de la mutuelle, longtemps confrontés à des responsables de la Santé socialistes peu enclins à toucher à la CMCM. La Caisse reste très liée au monde syndical. Pour les assureurs, cette influence a joué un rôle dans les dérapages observés. Notamment en permettant au CEO Fabio Secci, accusé de s’être octroyé des rémunérations injustifiées, de se sentir intouchable.

«Notre conseil d’administration est diversifié, composé à moitié de syndicalistes et à moitié d’autres membres», réplique Gilbert Goergen. «Nous devons éliminer cette idée reçue que les syndicats dirigent la CMCM. Nous sommes une mutuelle, c’est fondamentalement différent. Nous travaillons à instaurer une gouvernance digne d’une entreprise professionnelle, en nous appliquant à nous-mêmes des règles de gouvernance strictes. Tout en opérant comme une mutuelle, nous acceptons et appliquons les normes modernes de gestion d’entreprise.»

Après deux ans sans nouveautés, nous recherchons activement de nouvelles idées.
Gilbert Goergen

Gilbert GoergenprésidentCMCM

Lui-même syndicaliste, le président de la CMCM se voit avant tout comme un «administrateur»: «Ma position est totalement neutre. Au sein de la Confédération générale de la fonction publique, où je suis également actif, nous avons une règle stricte qui interdit tout engagement politique pour ceux qui occupent des fonctions centrales ou exécutives. C’est essentiel pour maintenir l’intégrité de notre travail.»

Comment la CMCM entend-elle se positionner dans le futur? «Bien que nous attirions toujours de nouveaux clients, je pense que nous pourrions faire mieux», répond Gilbert Goergen. «Il est crucial de continuer à améliorer notre offre et nos services pour renforcer notre croissance. Après deux ans sans nouveautés, nous recherchons activement de nouvelles idées pour mieux servir nos membres. J’ai établi une commission spécifiquement dédiée à cet objectif.»

Ces idées seront centrées sur «les besoins réels de nos membres», se contente d’indiquer le président. «Il ne s’agit pas d’offrir des vacances gratuites ou des avantages superficiels. Modifier le catalogue de remboursements est une possibilité. Mais nous explorons aussi d’autres idées pour enrichir nos offres.»