Le centre commercial surplombé de deux tours, qui en font un complexe inédit au Luxembourg. (Photo: Nader Ghavami)

Le centre commercial surplombé de deux tours, qui en font un complexe inédit au Luxembourg. (Photo: Nader Ghavami)

Initié il y a cinq ans, le centre commercial Cloche d’Or joue le rôle de nouveau cœur de quartier à Gasperich. Son bâtiment, surplombé par deux tours de logements, répond à une stratégie urbaine qui place le commerce comme liant de la société.

Le 28 mai dernier, le nouveau centre commercial Cloche d’Or a ouvert ses portes pour la première fois au public. Un bâtiment conçu par Fabeck Architectes, associé, suite à un concours international, à Schemel Wirtz Architectes Asso­ciés pour la phase de développement et d’exécution. Le centre commercial est surplombé par deux tours de logements encore en construction, faisant de ce complexe mixte un programme inédit au Luxembourg.

Mais c’est aussi un îlot qui joue le rôle de cœur de quartier et répond à une vision qui place le commerce comme étant le ciment fédérateur d’une vie de quartier. Un complexe immobilier qui est aussi le reflet d’un urbanisme laissé entre les mains d’investisseurs, qui privilégient la rentabilité des espaces construits à la production d’une urbanité durable.

Un extérieur plutôt fermé

L’enveloppe du bâtiment est un cube relativement fermé, correspondant à l’architecture généralement introvertie des centres commerciaux. Ainsi, l’animation des longues façades sans ouvertures est uniquement assurée par le rythme du parachèvement et la scansion des modules verticaux. Il est évident que la vie urbaine ne pourra pas avoir lieu à proximité immédiate de ce bâtiment, laissant les abords principalement aux voitures.

Pas de vitrine donnant sur la rue, pas de restaurant ouvrant sur une terrasse. Pour trouver l’animation, il faut pénétrer dans le centre commercial. Seule l’entrée principale, «place des miroirs», reflète l’environnement dans un plafond miroitant et offre une large vision de l’intérieur par le mur-rideau vitré.

Nous avons cherché à créer des vues lointaines, à la fois au niveau horizontal pour donner le plus possible de visibilité aux différentes marques.
Tatiana Fabeck

Tatiana FabeckfondatriceFabeck Architectes

«Pour l’entrée principale, notre inspiration a été celle de la galerie des Glaces du château de Versailles. Si, dans la phase concours, nous avions imaginé un grand lustre urbain ou une installation artistique lumineuse pour cette entrée placée en retrait de la rue, l’idée a finalement évolué vers un plafond facetté et miroitant, créant à la fois une amplification de l’espace et une valorisation du piazza, qui se poursuit à l’intérieur. Cet effet se prolonge sur les colonnes intérieures, recouvertes, elles aussi, d’éléments de miroirs», explique .

On trouve aussi une «boîte» vitrée à l’étage, qui correspondra à la zone de restauration, et une autre dans le coin opposé, mais qui sert à la communication des marques vers l’espace urbain.

Un intérieur qui contraste

À l’intérieur, en revanche, l’espace est plus organique, avec des puits de lumière zénithale. «C’est important que les personnes qui fréquentent cet espace puissent avoir un lien avec l’extérieur, un contact avec le ciel, savoir s’il pleut ou s’il fait beau, et qu’elles bénéficient de lumière naturelle», explique Tatiana Fabeck.

L’amé­nagement intérieur offre une certaine liberté à chaque marque pour aménager sa devanture de magasin, comme cela est possible en centre-ville. Ce qui laisse la possibilité à une dynamique intérieure portée par le rythme des façades de boutiques.

Un parcours «urbain»

La déambulation dans ce centre commercial est ainsi conçue un peu à la manière d’une rue piétonne, avec de larges allées, éclairées le plus possible par la lumière naturelle, des vitrines hautes et individualisées.

Ce parcours, élaboré en circuit fermé, fluide et sans cul-de-sac, est ponctué par des espaces de repos, rebaptisés «moments», comme autrefois les bancs publics. On trouve aussi une agora de 300 m2, qui agit comme une place publique, un lieu de rencontre et de divertissement. L’intérieur du centre commercial est donc appréhendé à l’image d’un espace urbain, mais intérieur.

À côté de cela, tout est mis en œuvre pour porter l’activité commerciale: «Nous avons cherché à créer des vues lointaines, à la fois au niveau horizontal pour donner le plus possible de visibilité aux différentes marques, et au niveau vertical pour une meilleure appréhension globale de l’espace», explique l’architecte. Le cheminement permet au visiteur de toujours voir les commerces suivants. Pour cela, les dalles intérieures sont affinées, et un maximum de colonnes sont supprimées pour ne pas couper le regard.

Autrefois, les cœurs de quartiers étaient occupés par la place du village, avec le parvis de l’église, une place arborée bordée de quelques commerces, un bureau de poste ou une terrasse de café. À la Cloche d’Or, le cœur de quartier est occupé par un centre commercial qui singe l’espace urbain. Une autre façon de concevoir la fabrique de la ville.