La docteure An Van Nieuwenhuyse consulte deux fois par mois au sein du service national de médecine environnementale. Mais le nombre de créneaux pourra évoluer selon les demandes.  (Photo: Dr An Van Nieuwenhuyse/Montage: Maison Moderne)

La docteure An Van Nieuwenhuyse consulte deux fois par mois au sein du service national de médecine environnementale. Mais le nombre de créneaux pourra évoluer selon les demandes.  (Photo: Dr An Van Nieuwenhuyse/Montage: Maison Moderne)

Au Centre hospitalier Émile-Mayrisch (Chem) de Niederkorn, un service unique a ouvert ses portes fin 2022: le service national de médecine environnementale accueille des patients dont les symptômes ou maladies sont liés à des facteurs environnementaux, souvent difficiles à identifier. Cette branche de la médecine se concentre sur la phase de diagnostic et permet parfois de mettre fin à des années d’errance médicale.

Sarah a 32 ans. Six mois après avoir déménagé dans un nouvel appartement, elle souffre de fatigue chronique, de maux de tête récurrents et d’irritations cutanées, sans qu’aucun traitement pour ses maux de tête et ses problèmes de peau n’aient eu l’effet escompté. Marc, 45 ans, ouvrier dans le bâtiment, traine cette mauvaise toux, au point de faire un peu d’asthme, depuis toujours. Des douleurs articulaires aussi. Sur des chantiers depuis plus de 20 ans, il a récemment remarqué une aggravation de ses problèmes respiratoires, surtout depuis qu’il a travaillé sur ce site qui utilisait certains solvants… Et puis il y a Emma, 8 ans, une écolière qui a du mal à se concentrer inquiète ses parents avec ses allergies récurrentes et plutôt sévères, voire ses éruptions cutanées. 

Ces trois patients n’existent pas. Ou seulement pour illustrer ces personnes dont les symptômes récurrents et difficiles à associer entre eux laissent des médecins sans réponse. De 3 à 10% de la population selon les premières enquêtes qui existent dans certains pays. C’est pour eux que le service de médecine environnementale a vu le jour. «Nous recevons des patients dont la maladie est causée ou exacerbée par leur environnement. Nous sommes un service considéré comme de deuxième ou troisième ligne et recevons les patients qui sont adressés par un médecin généraliste ou spécialiste», explique la médecin responsable du service depuis ses débuts, la Dr An Van Nieuwenhuyse.

En lien avec le Laboratoire national de santé (LNS) et plus particulièrement son département «Protection de la santé», le Chem a travaillé plusieurs années pour mettre sur pied le concept, et le concrétiser. «Nous avons élaboré le concept. Nous avons regardé ce qui se faisait ailleurs. Nous avions soumis le concept en mai 2022, et le service a accueilli ses premiers patients à partir de novembre 2022. Aujourd’hui, environ 250 patients ont déjà été reçus», retrace An Van Nieuwenhuyse. 

Déjà 250 patients accueillis

Une fois le patient adressé à la Clinique environnementale, il est accueilli pour une première consultation qui dure environ deux heures. D’abord, auprès d’infirmières qui vont opérer quelques prélèvements biologiques de base, avant de rencontrer la professeure. «C’est un premier rendez-vous au cours duquel nous explorons, avec l’étape de l’anamnèse qui est très importante», souligne la médecin. L’anamnèse, c’est le récit des antécédents d’un malade, et tous les renseignements que ce dernier peut fournir au médecin. «Souvent, il s’agit de pathologies qui ‘trainent’ depuis un certain temps», note-t-elle. Le travail mené par les médecins du service repose sur un diagnostic différentiel, une méthode permettant de différencier une maladie d’autres pathologies qui présentent des symptômes proches ou similaires, en prenant en considération tant les éléments permettant d’exclure une maladie plutôt que ceux permettant de la confirmer.

Puis vient la deuxième phase d’exploration, sur le terrain. Les techniciens du LNS opèrent des mesures, des prélèvements, au domicile du malade ou sur son lieu de travail. Des poussières, échantillons d’air ou de surface qu’ils analyseront ensuite. «Selon les pathologies, nous adoptons des approches diversifiées. Lorsque nous disposons des résultats, nous organisons une réunion multidisciplinaire afin de discuter les résultats et décider des actions à mettre en place», détaille la spécialiste.

Le patient est alors convoqué pour une deuxième consultation, en moyenne trois à quatre mois après le premier rendez-vous. Les actions recommandées lui sont alors exposées pour améliorer son état de santé. «Les actions diffèrent vraiment d’un patient à l’autre, mais par exemple, il nous est arrivé d’écarter des patients de leur domicile ou de leur lieu de travail car ils étaient la cause directe de leur état. Pour la plupart des patients, le parcours s’arrête après cette seconde consultation. Mais il y a aussi des cas pour lesquels nous devons aller plus loin pour constater une amélioration.»

Beaucoup de problèmes respiratoires au Luxembourg

Quand c’est le travail qui pose problème, la clinique environnementale contacte la Médecine du travail. «Nous essayons de collaborer, nous écrivons et leur transmettons un rapport pour documenter la situation. Nous avons aussi eu quelques cas où ce sont eux qui nous ont adressé des patients», rapporte An Van Nieuwenhuyse.

Les patients malades à cause de leur emploi ne travaillent pas forcément dans des secteurs à risque. Après un peu plus d’un an de service, la médecin responsable indique avoir eu quelques surprises. «Ce qui m’a étonné en tant que médecin, ce sont d’abord les 19% d’enfants que nous avons pris en charge. Ils ont principalement des problèmes respiratoires, d’asthmes et d’allergies. Les adultes souffrent davantage de problèmes neurologiques ou de maladies systémiques telles que l’arthrite», détaille la professeure. Au début de la phase-pilote, les responsables du service tablaient sur 75 patients accueillis la première année, bien moins que les 250 en un an et demi de service. «C’est tout de même en phase avec ce que l’on observe dans d’autres pays. Mais ce nombre montre qu’il y avait un besoin», souligne-t-elle.

Initialement située au premier étage, la clinique environnementale est désormais installée au troisième étage du Chem. (Photo: Chem)

Initialement située au premier étage, la clinique environnementale est désormais installée au troisième étage du Chem. (Photo: Chem)

Au Luxembourg, la problématique la plus observée reste celle des problèmes respiratoires pour lesquels «les médecins commencent à traiter, mais malgré le curatif, ne voient pas d’amélioration».  Et parfois, la médecine environnementale peut s’élargir au domaine de la santé environnementale, c’est-à-dire non plus à l’échelle du patient, mais de la santé publique. Si cela n’est pas la vocation de la clinique, elle pourrait toutefois jouer le rôle de lanceur d’alerte pour repérer des cas pouvant devenir des enjeux de santé publique s’ils sont très régulièrement observés. Cela pourrait être le cas des problèmes respiratoires évoqués, ou «si par exemple nous avons beaucoup de personnes qui doivent quitter leur logement parce que leur santé en dépend. On a tout de même aujourd’hui beaucoup de problèmes liés à la maison, cela peut être des problèmes de moisissures, d’humidité, de composés organiques volatils liés au système de chauffage», illustre la médecin.

La phase pilote s’achèvera fin 2024, l’occasion de dresser un premier bilan et de définir, si besoin, de nouvelles orientations. D’ici là, le service doit aussi s’approprier ses nouveaux quartiers. Il a récemment déménagé du premier au troisième étage du Chem 2. «Nous organisons pour l’instant deux journées de consultation par mois, cela peut évoluer selon le développement du service.»