Expert de l’industrie satellite passé chez SES et directeur de la stratégie du Rhea Group, Pascal Rogiest a aussi dirigé LuxTrust, ce qui lui donne une vision à 360 des besoins à venir en termes de cybersécurité.  (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Expert de l’industrie satellite passé chez SES et directeur de la stratégie du Rhea Group, Pascal Rogiest a aussi dirigé LuxTrust, ce qui lui donne une vision à 360 des besoins à venir en termes de cybersécurité.  (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Post, Rhea Group, Hitec, le SnT de l’Université du Luxembourg et l’Agence spatiale européenne ont présenté, le mercredi 7 décembre en soirée, un nouveau projet de plateforme «opérationnelle» de distribution de clés quantiques. L’avenir de la protection des communications va ainsi s’écrire très vite.

Pas de bla-bla, des résultats! Le directeur de la stratégie du RHEA Group, en charge des services de cybersécurité et de RHEA Luxembourg, , passé par SES et par LuxTrust, ne s’en cache pas: il n’était pas question de lancer un projet de recherche sur la distribution des clés quantiques, mais bien une plateforme qui commercialisera directement des services à des utilisateurs finaux, au premier rang desquels la place financière.

Comment le comprendre, c’est une autre histoire. Si l’on simplifie à l’extrême, après les signaux de fumée, les pigeons voyageurs et les débuts des messages codés, face aux développements technologiques, on sait déjà aujourd’hui que les technologies censées protéger le contenu de nos communications seront inefficaces à court terme devant les ordinateurs quantiques, ces grosses machines capables d’effectuer des millions d’opérations en même temps.

La physique de la lumière comme outil

Comment reprendre une longueur d’avance? En associant deux familles de technologies: d’un côté des clés quantiques, chiffrées avec des algorithmes de nouvelle génération, et de l’autre une plateforme pour que celui qui envoie le message et celui qui le reçoit aient la bonne clé pour accéder au message et que personne n’ait pu se glisser au milieu. Le tout en utilisant non plus les mathématiques, mais les lois de la physique. Ce sont les particules élémentaires de la lumière qui vont jouer un rôle essentiel. Si quelqu’un intercepte un signal lumineux, la particule change de nature et le message ne peut plus être décodé.

Le projet est unique car il offre la possibilité d’utiliser le satellite SpeQtral-1 comme banc d’essai réel sur trois continents.
Björn Ottersten

Björn OtterstenDirecteur du SnT à l’Université du Luxembourg

Première particularité du projet INT-UQKD – comme «international use cas for operational quantum key distribution services» – il est «hybride», a indiqué le directeur général adjoint de Post en charge de la stratégie, , en rappelant qu’il avait fait des études de cryptographie et était passionné de quantique. Autrement dit, il utilise aussi bien la lumière et les lasers venus du ciel, que des réseaux de fibres optiques spécialement équipés pour pouvoir délivrer des photons sans qu’ils soient gâchés par la fibre.

Trois ans et huit millions d’euros

Ensuite, l’Agence spatiale européenne, qui a déjà lancé des initiatives sur ce sujet comme EuroQCI avec une série de partenaires autour de SES et de son satellite spécifique Eagle-1, mettra 5,6 des 8 millions dans cette aventure de trois ans pour l’instant, à charge pour les partenaires privés de compléter le tour de table et de libérer des équipes pour avancer, a indiqué la directrice des télécommunications et des applications intégrées de l’ESA, Elodie Viau. La Belgique et la Grèce ont déjà manifesté le souhait de rejoindre ce projet, connexe à d’autres projets de l’ESA comme le programme de connectivité sécurisée (Iris-2).


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Le RHEA Group annonce cinq cas d’usages très concrets, qui seront menés avec d’autres partenaires, internationaux, comme le centre de la cybersécurité de l’espace de l’ESA à Redu, les Canadiens de , très avancés dans le quantique, et les Singapouriens de , qui doivent lancer le premier satellite de distribution de clés quantiques en 2024. Au lieu d’attendre SES et le projet européen, le consortium luxembourgeois manifeste là clairement une envie d’aller très vite. A l’instar de ce qui existe à Singapour, Hitec devrait en outre installer un téléscope, sur les terrains de Post.

Cinq cas d’usage en vue

INT-UQKD va directement «sandboxer» la technologie développée sans passer par les cases «recherche et développement» ni «proof of concept»… même quand ce n’est pas vraiment possible en Europe ni au Luxembourg dès lors qu’on touche aux communications de la place financière. «Comme dans beaucoup de projets technologiques, nous devrons discuter avec le régulateur financier, la CSSF, qui a l’habitude des discussions avec les hubs technologiques, pour être très transparents sur ce que nous faisons», a indiqué M. Zimmer.

À chaque partenaire sa contribution: à Post la cybersécurité comme en témoigne la présence au côté du directeur général adjoint du «Monsieur Cybersécurité» de l’opérateur, ; à Rhea la coordination du projet et les compétences d’intégrateur de services, à Hitec tout ce qui concerne le matériel au sol et au SnT de l’Université du Luxembourg le soin de peaufiner les algorithmes du futur. Parmi les objectifs figure aussi la certification de la technologie pour devenir un tiers de confiance. Jusqu’à amener LuxTrust à utiliser les services du consortium pour continuer à sécuriser les services bancaires et financiers. 

Le projet est stratégique pour le pays, a rappelé Mathias Link, directeur et membre du comité exécutif de l’Agence spatiale luxembourgeoise et ancien directeur des affaires spatiales au ministère de l’Économie. «La communication par satellite est une priorité nationale depuis le début des années 2000 et le programme Artes», a-t-il dit en l’absence du directeur général de la LSA, citant les initiatives LuxQCI et EuroQCI. «Le Luxembourg entend rester à l’avant-garde, stimuler les cas d’utilisation et amener au Luxembourg de l’expertise internationale.»