Pour rappel, les chiffres de demandeurs d’asile qui auraient «changé d’avis» avant que leur demande ne soit enregistrée sont faramineux: 345 personnes sur 788 en 2020 et 1304 sur 3351 en 2019 selon les chiffres de l’administration.
Selon eux, il s’agit là du résultat de leur devoir d’information fourni aux administrés: «Si nous sommes en présence de cas où nos services voient qu’il n’y a aucune chance d’aboutir, nous le leur disons» nous dit le Directeur de l’Immigration.
Les juridictions administratives françaises ont eu à gérer un important contentieux portant sur les contours de cette obligation d’information. Dans un avis du Conseil d’État, il est clarifié sur quoi doit porter cette obligation: «sur les droits et obligations des demandeurs d’asile, sur les organisations susceptibles de leur procurer une assistance juridique, de les aider ou de les informer sur les conditions d’accueil qui peuvent leur être proposées», afin notamment de «leur permettre d’exercer leurs droits et de se conformer aux obligations qui leur sont imposées par les autorités».
On peine à comprendre en quoi l’administration serait habilitée en vertu d’une telle obligation d’information à «faire réfléchir» un demandeur aux chances de succès de sa demande. Cela semble une révision complète, un dévoiement d’une obligation protectrice.
Lorsque les demandes de protection internationale ne sont pas enregistrées, les personnes perdent les mesures d’accueil. Nous avons eu plusieurs cas de familles avec enfants qui se sont retrouvés dans la rue. L’administration répond que ce n’est pas sa responsabilité.
Or ces enfants accompagnés sont venus demander de l’aide et la Convention relative aux droits de l’enfant ne laisse aucun doute sur l’attention à leur porter: «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale» (article 3).
Le tribunal administratif semble considérer que l’intérêt supérieur de l’enfant est une question «à part» puisqu’on peut lire dans une décision N° 43965 du rôle qu’«il ne lui appartient pas de se prononcer [dans le cadre d’une demande de protection internationale], sur la question d’une éventuelle méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant du demandeur de protection internationale, protégé, notamment, par l’article 3 de la Convention de New York».
Est-ce que le tribunal administratif veut dire que la Convention relative aux droits de l’enfant n’est pas applicable en matière d’asile? Il est visiblement utile de rappeler que les textes relatifs aux droits fondamentaux, qu’ils protègent les enfants, les femmes victimes de violence, les victimes de la traite humaine, sont applicables en tout lieu, à toute heure, pour tous et par tous, et surtout par l’administration et les juridictions.
Cassie Adélaïde est cofondatrice de l’asbl Passerell, qui accompagne notamment les demandeurs d’asile et les réfugiés dans la défense de leurs droits.
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