Madame GV (elle est ainsi identifiée dans le communiqué de presse de la Cour de justice de l’Union européenne) n’a pas encore gagné la guerre, mais une bataille. Le conflit n’est cependant pas encore fini et ne date pas d’hier.
En 2015, GV et son compagnon concluent un pacs (pacte civil de solidarité), le signent et le font enregistrer à Metz. Tous deux résident en France, ont la nationalité française mais travaillent au Luxembourg. En 2016, le compagnon de GV est victime d’un accident de travail qui lui coûte la vie. GV demande alors l’octroi d’une pension de survie à la Caisse nationale d’assurance pension (CNAP). Cela lui est refusé au motif que le pacs du couple n’avait pas été inscrit au répertoire civil luxembourgeois du vivant des deux parties.
Ce refus a été contesté devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale, puis devant le Conseil supérieur de la sécurité sociale, sans succès.
En septembre 2020, GV a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation. Cette dernière a à tour son interrogé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) quant à une possible discrimination indirecte liée à l’obligation imposée par le droit luxembourgeois – aux partenaires et en particulier les travailleurs frontaliers dont le pacs est déjà enregistré dans un autre État membre – de le faire inscrire également dans le répertoire civil luxembourgeois afin de bénéficier d’une pension de survie.
Une inégalité de traitement fondée sur la nationalité
, la CJUE relève que la législation luxembourgeoise pose, à l’égard d’un partenariat conclu et enregistré ailleurs qu’au Luxembourg, une condition à laquelle n’est pas soumis un partenariat conclu au Luxembourg. En effet, les couples pacsés au Luxembourg n’ont pas besoin de faire enregistrer cette union dans les registres dans la mesure où cette procédure administrative est directement faite à l’initiative de l’officier de l’état civil. Ce qui «est susceptible de défavoriser les ressortissants d’autres États membres et d’instaurer une inégalité de traitement indirectement fondée sur la nationalité.»
Certes, «il est évidemment légitime, pour un État membre, de s’assurer qu’une pension de survie, financée par des fonds publics et versée au partenaire survivant en raison du décès, causé par un accident de travail, de l’autre partenaire, ne soit versée qu’à une personne qui peut prouver qu’elle était bien le partenaire du travailleur décédé. Elle relève cependant que, alors même que cette inscription n’est pas obligatoire mais facultative, le refus d’octroyer une pension de survie au motif que le partenariat sur lequel est fondée la demande de pension n’a pas été enregistré au Luxembourg va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi et méconnaît ainsi le principe de proportionnalité.»
Imposer de faire enregistrer le pacs étranger au Luxembourg va donc trop loin. «Il serait suffisant de produire un document officiel émanant de l’autorité compétente de l’État membre dans lequel celui-ci a été conclu», note la CJUE.
Sur base de cette analyse, la Cour de cassation prendra attitude et cassera, ou pas, la décision du Conseil supérieur de la sécurité sociale. Si c’est le cas, cette instance sera à nouveau saisie.