Avec l’entrée en fonction de la Commission von der Leyen II, le 1er décembre 2024, s’ouvre une nouvelle phase réglementaire de cinq ans. Mais plusieurs dossiers majeurs hérités de la période précédente restent sur la table. Responsable des affaires européennes de l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL), l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi) et l’Association des compagnies d’assurance et de réassurance (Aca), Antoine Kremer cite trois dossiers qui «devraient trouver leur épilogue d’ici à l’été 2025»:
• la stratégie d’investissement de détail (RIS), une en rendant les produits financiers plus transparents, accessibles et équitables, tout en limitant les pratiques commerciales abusives dans ce secteur;
• le cadre de gestion de crise et de garantie des dépôts (CMDI);
• le cadre d’accès aux données financières (FiDA).
La RIS éloigne-t-elle les investisseurs particuliers en voulant mieux les protéger? C’est ce que continue de craindre le monde financier vis-à-vis d’exigences qui, dit-il, pourraient dissuader les investissements à long terme – notamment pour la retraite. Cette initiative ajoute de nouvelles obligations à celles existantes, telles les tests d’adéquation («suitability») déjà pratiqués pour évaluer les besoins, l’appétit au risque et les connaissances des épargnants. Les banques, gestionnaires d’actifs et assureurs critiquent notamment la façon de calculer les benchmarks dans le cadre du test de «value for money». Un test qui compare surtout les coûts et la performance, mais néglige l’essentiel à leurs yeux: les besoins des clients.
Actuellement en pause, les discussions entre les représentants des États membres et ceux du Parlement européen doivent reprendre dans les semaines à venir. Antoine Kremer prône, au minimum, un ajustement de la RIS à la lumière du (qui «appelle à une révision de la réglementation pour éviter de nuire à la compétitivité européenne face aux États-Unis et à la Chine») et dans un contexte marqué par une nouvelle Commission européenne davantage orientée vers la simplification des règles.
Il serait même judicieux, selon lui, d’envisager une suspension des négociations afin de prendre du recul et, potentiellement, de revenir avec un projet repensé. «Le texte actuel est devenu si complexe et peu satisfaisant que même les autorités européennes compétentes en matière de marchés financiers et de titres s’en sont plaintes dans une lettre adressée en novembre aux co-législateurs.»
Banques moyennes: un cadre à revoir
Initialement conçu pour les grandes banques, le cadre actuel de gestion des crises bancaires s’est avéré inadapté aux établissements de taille moyenne, relève le représentant à Bruxelles de la Place: «Certains États membres ont contourné le cadre européen pour sauver des banques en difficulté, soulevant des questions sur l’intégration des banques moyennes dans ce système. La situation actuelle pèse sur l’efficacité du système de résolution et sa crédibilité.»
La réforme CMDI cherche notamment à , un enjeu épineux. Des propositions utilisant les garanties de dépôts nationales ont rencontré des oppositions au Parlement et au Conseil. La prolifération de «banques zombies», maintenues artificiellement en activité, complique également ce débat qui joue les prolongations.
Données financières: un accès controversé
La réglementation FiDA vise à , tels que les fournisseurs de services d’information financière. Antoine Kremer relaie le scepticisme des associations qu’il représente: «Cette obligation représente un coût élevé pour les banques et les assureurs, sans bénéfices clairs. Pour les petites et moyennes banques, le business case est particulièrement incertain. La mise en place de ces règles pourrait en fait avantager uniquement les prestataires de services d’information financière.»
Parmi les autres points d’attention de 2025 figure la réforme PSD/PSR (directive et règlement sur les services de paiement), qui a pour objectifs principaux l’amélioration de la protection des consommateurs et de la concurrence, ainsi que la lutte contre la fraude. Si le Parlement européen a déjà arrêté sa position, le Conseil doit encore finaliser la sienne. «Les débats sont encore ouverts entre autres sur la question, centrale, de la responsabilité en cas de fraude entre les banques, les opérateurs télécoms et les plateformes», relève le représentant de la Place.
Mentionnons enfin le règlement T+1 relatif au . La Commission européenne doit prochainement présenter une loi visant à réduire ce délai à un jour ouvrable d'ici 2027 pour tous les instruments concernés dans l’UE et au Royaume-Uni. Synonyme de contraintes accrues en matière de liquidité, ce modèle, déjà adopté aux États-Unis, représente également un enjeu de compétitivité pour l’Europe. «La question n’est pas de savoir si l’UE adoptera le T+1, mais si nous serons prêts.
Cette problématique est particulièrement épineuse pour nos fonds d’investissement, distribués dans le monde entier et soumis à des décalages horaires significatifs. Un rachat à Hong Kong peut s’effectuer en matinée là-bas, alors que les marchés financiers seront encore fermés en Europe», note Antoine Kremer.
En relançant la titrisation, on peut permettre aux banques de libérer leur bilan.
Ambitieuses, ces réformes comportent des risques significatifs pour la Place. L’augmentation des coûts et de la complexité pourraient peser sur la compétitivité des acteurs locaux, affectant les épargnants et investisseurs de détail. «L’enjeu sera de trouver un équilibre entre protection des consommateurs et efficacité économique. La simplification réglementaire et une meilleure coordination entre les acteurs sont essentielles pour préserver la dynamique européenne et le rôle central du Luxembourg», résume le lobbyiste de l’ABBL, l’Alfi et l’Aca.
La Commission européenne est en train de préparer son programme de travail, marquant l’ouverture d’un nouveau cycle réglementaire de cinq ans. Un cycle que le monde financier souhaite placé sous le signe de la compétitivité et de l’union des marchés de capitaux (renommée «union de l’épargne et de l’investissement»), un projet fondateur visant à mobiliser l’épargne privée au service des objectifs de l’UE.
Pour développer cette union, Antoine Kremer insiste sur deux pistes: «Il faut inciter les particuliers à investir pour préparer leur retraite, en leur offrant des produits adaptés. Cela suppose d’informer clairement les citoyens sur leurs perspectives de retraite. Une autre piste est la relance de la titrisation, soit la transformation d’actifs peu liquides – comme des prêts hypothécaires – en titres financiers négociables sur les marchés. Cela peut permettre aux banques de libérer leur bilan et de financer davantage l’économie.»
Compétitivité: l’intention et les actes
Quant à la compétitivité, elle est présentée comme une priorité par la Commission européenne et sa présidente Ursula von der Leyen. Dans sa lettre de mission, cette dernière appelle notamment la nouvelle commissaire aux services financiers, Maria Luís Albuquerque, à concentrer son action sur «l’assurance de la compétitivité du secteur financier».
Antoine Kremer applaudit l’intention, mais attend des actes. Exemple: la en matière de fonds propres des banques. «Cela va . Alors que la Commission européenne et les régulateurs restent attachés à l’application stricte de ces règles, les États-Unis envisagent de les assouplir, voire d’y renoncer complètement.»