Après les propositions, voici venues les prises de position – parfois tranchées. Démographie, logement, fiscalité, climat, main-d’œuvre, territoire transfrontalier, pensions… La Fondation Idea s’était basée sur ces thématiques, omniprésentes dans le débat luxembourgeois, . L’organisation publie, ce mercredi 6 septembre, la suite: “Face aux grands défis”. Un recueil de plus de 200 pages contenant 20 contributions de 22 auteurs de tous les horizons.
Voici cinq «punchlines» qui, si elles peuvent paraître caricaturales, servent à illustrer où leurs auteurs veulent en venir.
«Si on demandait aux électeurs de voter pour ou contre cette évolution, il y a fort à parier qu’ils répondraient par un refus franc et massif.»
«Le pays a un besoin chronique de croissance, mais il vit mal avec les conséquences de cette évolution», écrit (président du Conseil scientifique de la Fondation Idea et ancien président du Conseil économique et social, entre autres) dans sa carte blanche intitulée “Comment se préparer à loger un million d’habitants?”. Avant d’y répondre, il analyse: «si on demandait aux électeurs de voter pour ou contre cette évolution, il y a fort à parier qu’ils répondraient par un refus franc et massif. D’ailleurs, ils ne sont pas seuls: des pans entiers de nos administrations semblent davantage occupés à empêcher un tel scénario qu’à le rendre viable et vivable.» Suivi d’une série de critiques, de la «pénurie organisée des décharges pour matières inertes» au «dénigrement endogène de la place financière» ou encore les «bâtons dans les roues d’installations industrielles».
«Le chemin de la croissance est une nécessité et non pas un scénario parmi d’autres.»
Pour (président de la Fondation Idea et d’ArcelorMittal Luxembourg) aussi, la réponse est claire: «le chemin de la croissance est une nécessité et non pas un scénario parmi d’autres». Dans sa contribution intitulée “Pourra-t-on poursuivre le développement économique et démographique soutenu sans réformes?”, il propose de revoir la gouvernance publique en matière d’aménagement du territoire, de développer une vision transfrontalière, ou encore de se donner plus de flexibilité. «Nos gouvernants ont introduit progressivement des mesures visant à protéger des surfaces de plus en plus étendues et à les rendre inaménageables».
«L’État et les communes multiplient les obstacles bureaucratiques, tolèrent les recours longs et coûteux contre tout projet immobilier nouveau, les gentils voisins deviennent toujours plus Nimby et les écologistes trouveront toujours une fleur ou une chauve-souris à protéger.»
Dans ses pages “Politique(s) du logement, que faire?”, (ancien ministre LSAP) s’attaque aux «lenteurs administratives» et «obstacles bureaucratiques» à la création de logements. «L’État et les communes multiplient les obstacles bureaucratiques, tolèrent les recours longs et coûteux contre tout projet immobilier nouveau, les gentils voisins deviennent toujours plus Nimby (pour Not In My Backyard, ndlr) et les écologistes trouveront toujours une fleur ou une chauve-souris à protéger. Quand après de longues années un Plan d’aménagement est enfin autorisé, le ministère de l’Environnement, ceux de l’Énergie ou de l’Intérieur, respectivement leurs services, ne se privent jamais d’intervenir, même en cours de construction, pour imposer des règles toujours plus pointues en matière de protection de la nature, de sauvetage de la biodiversité, d’isolation thermique ou simplement de prévention d’incendies ou d’inondations. C’est parfois légitime, mais toujours très coûteux.» L’homme politique dénonce aussi le manque de terrains. Pour lui, «L’État, avec le concours des communes, doit mettre sur le marché un nombre important de terrains à bâtir. En élargissant le périmètre actuel, ou en cas de besoin par une expropriation de propriétaires trop gourmands. Que serait la Ville de Luxembourg aujourd’hui, si un gouvernement composé de chrétiens-sociaux et de libéraux n’avait pas pris en main via l’expropriation la destinée du Kirchberg?»
«Le manque chronique de personnel fait augmenter le risque de burnout et d’abandon de la profession, et mène à un cercle vicieux qu’il est impératif de rompre rapidement.»
Le directeur général de Home pour personnes âgées (HPPA) et membre du conseil d’administration de la Confédération des organismes prestataires d’aides et de soins (Copas), Christian Ensch, se rappelle ses études à Bruxelles, dans les années 90. «Le sujet de la pénurie de personnel dans les institutions de soins était déjà présent de même que la thématique du burnout chez le personnel soignant. Aujourd’hui, 30 ans après, aucune amélioration ne peut être constatée: la pénurie s’est aggravée, le personnel soignant s’oriente vers d’autres métiers et le manque d’inscriptions dans les écoles pour infirmières et aides-soignantes est alarmant.» Face à ce constat, il appelle au développement de l’offre de formation, notamment dans le cadre de reconversion en cours d’emploi, et à la création de passerelles.
«Le maintien d’un système de pension (…) passera par une hausse de la productivité, qui est atone depuis de nombreuses années au Luxembourg.»
Vieillissement de la population et inversement du rapport entre cotisants et pensionnés: la directrice des Affaires économiques de la Chambre de commerce, Christel Chatelain, s’interroge sur le financement des pensions, un «défi trop peu considéré». «Tendre vers une croissance qualitative, non gourmande en emploi, ni en consommation environnementale, reposant sur la matière grise et l’accroissement de la productivité, doit être l’objectif, et ce afin de conserver à son niveau actuel le taux de cotisation, véritable facteur de compétitivité du pays», analyse-t-elle. Productivité qu’elle juge comme «atone depuis de nombreuses années au Luxembourg.»
15 autres contributions
Ce ne sont les extraits que de cinq contributions. Dans les 15 autres, de nombreux textes sur la croissance démographique («Bombe D» selon Jean Hamilius, économiste et ancien ministre DP,) et le logement. Les architectes et Stephanie Law (Saharchitects) écrivent par exemple qu’«il est difficilement compréhensible que certains bâtiments sans valeur architecturale ou historique particulière puissent être désignés comme bâtiments protégés.» Sur ce thème, «l’État doit participer activement et sans tarder au déblocage du foncier dont il est propriétaire», estime Christophe Serredszum, Head of valuation and partner chez IVBSA Expertises.
Les pages de Flora Castellani, Head of Tax à l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL), se concentrent sur la nécessité d’une «fiscalité incitative» pour contribuer aux objectifs climatiques. «Sous-traiter sa création de richesse à des travailleurs venant de l’étranger: ne serait-ce pas insoutenable?», demande de son côté Georges Heinrich (économiste, membre du conseil d’administration de Raiffeisen).
Le directeur de l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI), , revient aussi sur ce «syndrome Nimby». Alors que Caroline Faber explique comment «vivre plus nombreux en limitant les impacts environnementaux».
La vision transfrontalière intéresse le secrétaire général de la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), Aurélien Biscaut, pour qui un tel projet avec les voisins n’est «peut-être pas tant que ça» une utopie. Le coordinateur scientifique du Lepur-Université de Liège et membre du comité de pilotage du Center for Border Studies de l’Université de la Grande Région, Jean-Marc Lambotte, donne alors sa vision d’un réseau ferroviaire transfrontalier pour le «Grand Luxembourg» d’ici 2050. Un «modèle de développement intenable qui appelle de profondes réformes», complètent Julien Schmitz (directeur général) et Michaël Vollot (chargé d’études) à l’Agence d’urbanisme et de développement durable Lorraine Nord (Agape).
Un recueil disponible sur commande
Le directeur de la Chambre des salariés (CSL) qualifie l’augmentation de l’âge de départ à la retraite de «fausse bonne idée».
Robert Urbé, expert indépendant en inclusion sociale, protection sociale et soins de longue durée ainsi que coordinateur pour le Luxembourg du réseau européen European Social Policy Analysis Network (ESPAN), analyse le lien entre vieillissement et pauvreté.
Le directeur du Statec, , prône une «vraie révolution copernicienne de la gestion budgétaire». Le directeur des affaires économiques de la Chambre des métiers, Norry Dondelinger, propose de son côté le renforcement de la «gouvernance des finances publiques pour bien maîtriser les défis actuels et futurs». Et Frédéric Meys de Greenpeace Luxembourg partage ses «pistes de réflexion sur le coût de la transition nécessaire aux défis climatique et énergétique».
«C’est la dernière étape de notre cycle lié à la campagne électorale», résume le directeur de la Fondation Idea, Vincent Hein. «Les contributeurs ont tous un point commun: ils prennent du recul.» Le recueil sera disponible gratuitement sur commande sur le site Internet de l’asbl dès jeudi, dans la limite des stocks disponibles. Il sera également envoyé aux principaux décideurs politiques, économiques et sociaux.