Tous les acteurs du monde économique luxembourgeois s’accordent généralement sur la nécessité de stimuler la productivité au Luxembourg. «C’est possible, mais personne ne sait vraiment comment y arriver», note la Fondation Idea, en titre de son document de travail, dans lequel elle pointe quelques difficultés pour accroître cette productivité. En cause, un manque de consensus, une complexité des leviers consensuels, et des difficultés à trouver «de bonnes idées génératrices de gains de productivité». Elle donne cinq grands principes sur lesquels s’appuyer pour accroître cette productivité.
1. Optimiser la composition sectorielle de l’économie
Selon ce principe mis en avant par Idea comme un moyen de relancer la productivité, il s’agit d’avoir un bon équilibre entre les secteurs à haute et à faible productivité. De cette façon, les secteurs à faible productivité ne doivent pas pénaliser la productivité globale de l’économie. Les branches présentent des niveaux de productivité très variables. Certains secteurs méritent ainsi, selon Idea, une attention particulière, comme la construction ou l’Horeca. Plus globalement, le document souligne l’importance d’une montée en gamme de l’industrie, car sa productivité est aujourd’hui inférieure au reste de l’UE. Quant au secteur financier, centre névralgique de l’économie luxembourgeoise, il dispose d’une attractivité qu’il faut préserver.
2. Prendre en compte la taille et l’âge des entreprises
Pour Idea, il est essentiel de distinguer les entreprises selon leur taille et leur ancienneté. Les entreprises de taille intermédiaire et grande (ETI/GE) sont les principaux moteurs de l’économie luxembourgeoise. Elles contribuent de manière significative à l’emploi, à la formation, à l’investissement et à l’exportation. Prendre en compte la taille et l’âge des entreprises est donc primordial pour stimuler la productivité au Luxembourg selon la Fondation Idea. Les entreprises de taille intermédiaire et les grandes sont plus susceptibles d’innover et leur croissance bénéficie généralement à l’ensemble de l’économie.
«S’il est primordial de permettre aux micro-entreprises de grandir et d’innover, force est de constater que la bonne tenue du tissu productif repose dans des proportions importantes sur les épaules et le développement continu des entreprises de taille plus importante. Dès lors, le Luxembourg devrait viser le double objectif de permettre que les start-up quittent le ‘start’ pour le ‘up’ et de multiplier le nombre de PME passant du statut de micro à petite/moyenne/grande entreprise», détaille l’économie Michel Edouard Ruben dans le document.
En conclusion, la politique entrepreneuriale du Luxembourg devrait porter une attention (plus) soutenue à la croissance des entreprises. Cela implique un accès facilité au financement pour les entreprises en croissance. Les fusions peuvent aussi permettre d’encourager la croissance externe. Réévaluer les aides est aussi nécessaire selon Idea afin que ces aides ne freinent pas la croissance réelle des entreprises.
3. Réindustrialiser, pour augmenter la R&D
Idea pointe d’emblée un point négatif: «Dans l’indifférence générale, les dépenses de R&D sont passées au Luxembourg sous la barre des 1% du PIB en 2022 alors que l’objectif qui semble hors de portée dans un horizon prévisible était de les porter entre 2,3% et 2,6% du PIB». Le document souligne que l’industrie est à l’origine de 60% des dépenses de R&D des entreprises, mais ce secteur ne représente que 6% de la valeur ajoutée du pays (contre 20% en moyenne dans l’UE). Cela suggère qu’un renforcement du tissu industriel luxembourgeois, notamment via une politique industrielle ambitieuse, permettrait d’augmenter les investissements en R&D et, par conséquent, la productivité globale du pays.
La poursuite de l’objectif de réindustrialisation devrait reposer sur trois piliers, selon Idea: une politique bien pensée, un écosystème complet de soutien à la R&D et une attractivité de la main-d’œuvre qualifiée.
4. Des investissements publics de meilleure qualité
Selon Idea, en termes d’investissements publics, la qualité doit primer sur la quantité, afin de stimuler la productivité. L’investissement public joue un rôle moteur dans la capacité d’une économie à être et à demeurer productive. En la matière, le Luxembourg – où l’investissement public avoisine les 5% du PIB – est relativement bien positionné. Il est toutefois important de s’assurer, à tout instant, que les investissements publics, qui sont des dépenses et donc accroissent le besoin de financement des administrations publiques, contribuent «effectivement» à alimenter le potentiel de croissance de l’économie» détaille la fondation dans son document.
Pour évaluer l’impact des investissements et identifier les besoins, Idea suggère la création d’un comité d’étude. Cela devrait aider à prévenir un effet d'éviction, où certaines aides pourraient en réalité avoir un impact négatif sur l'allocation des ressources en prolongeant artificiellement la survie de «sociétés zombies».
5. Monitorer le marché du travail
Selon Idea, le cinquième grand principe permettant de relancer la productivité implique de «prêter attention aux transformations du marché du travail». Le marché du travail a évidemment un impact significatif sur la productivité. Cela implique notamment de mesurer l’impact des congés et de l’absentéisme. Le document met en évidence une évolution divergente de la productivité dans le pays depuis 2016, selon qu’elle est mesurée par rapport à l’emploi ou aux heures travaillées. Cette différence est attribuée en grande partie au recours croissant aux congés extraordinaires ou spéciaux et à l’absentéisme au travail.
Le document d’Idea souligne aussi la nécessité d’intégrer efficacement les demandeurs d’emploi, tout en veillant à ce que leur arrivée sur le marché du travail ne nuise pas à la productivité. Plus globalement, Idea préconise de lancer une réflexion sur la motivation des travailleurs et d'explorer de nouveaux modes d'organisation du travail, plus flexibles et respectueux de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.