Christine Theodorovics occupe également plusieurs fonctions en tant qu’administratrice non exécutive indépendante, notamment au sein d’Athora Germany, de la Fondation SOS-Kinderdorf Suisse et de l’Association des compagnies d’assurances (Aca) depuis l’été 2023.  (Montage: Maison Moderne)

Christine Theodorovics occupe également plusieurs fonctions en tant qu’administratrice non exécutive indépendante, notamment au sein d’Athora Germany, de la Fondation SOS-Kinderdorf Suisse et de l’Association des compagnies d’assurances (Aca) depuis l’été 2023.  (Montage: Maison Moderne)

Dans son numéro Women on board, Paperjam met en lumière plus de 100 profils de femmes prêtes à rejoindre un conseil d’administration. Découvrez divers profils de femmes ainsi que leurs points de vue et leurs idées pour un meilleur équilibre des genres dans les instances de décision. 

CEO de Baloise au Luxembourg depuis juin 2023, évolue dans le secteur de la finance depuis 24 ans, dans les domaines de l’assurance et de la banque, à différents postes de direction. Outre ses fonctions de directrice générale, elle a été responsable dans le domaine de la digitalisation, de la distribution, du marketing et de la stratégie ESG. En plus de l’implémentation d’entités d’assurance aux Émirats et à Singapour, elle a été responsable de l’excellence opérationnelle à Zurich et à Paris, et a assumé des rôles au sein de conseils d’administration exécutifs et non exécutifs en Allemagne. Enfin, elle a été directrice vie en Suisse et en Autriche, ainsi que directrice mondiale de la distribution indépendante. Christine Theodorovics occupe également plusieurs fonctions en tant qu’administratrice non exécutive indépendante, notamment au sein d’Athora Germany, de la Fondation SOS-Kinderdorf Suisse et de l’Association des compagnies d’assurances (Aca) depuis l’été 2023. 

Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que femme administratrice indépendante?

Christine Theodorovics. – «Le principal défi reste le fait que de nombreux postes continuent d’être attribués via des réseaux établis, où les hommes sont encore largement majoritaires. Cela crée un certain effet de protection. Heureusement, les quotas ont permis de briser cette dynamique et d’ouvrir davantage de portes aux femmes.

Par ailleurs, plusieurs points sont essentiels pour exercer pleinement son rôle d’administrateur indépendant:

-Prendre son rôle au sérieux et être présent à la bonne fréquence: il y a vingt ans, la plupart des conseils d’administration se réunissaient seulement quatre fois par an. Avec une telle fréquence et sans interactions complémentaires, il est difficile d’assurer une supervision efficace d’une entreprise. Aujourd’hui, les offsites stratégiques sont devenus essentiels, tout comme les échanges informels avec la direction.

-Briser les stéréotypes: le leadership et l’autorité sont encore souvent perçus comme des traits masculins, alors que l’intelligence collective naît justement de la diversité des styles de leadership. Encourager cette diversité est un levier puissant pour une gouvernance plus performante et équilibrée.  

Comment gérez-vous les éventuelles résistances ou le scepticisme à votre égard?

 «Je n’ai jamais réellement ressenti de scepticisme une fois en poste. En revanche, le défi principal se situe en amont: avant d’être nommée, on n’est pas toujours sur le radar ou intégré aux réseaux qui facilitent ces nominations.

Ce qui compte avant tout, c’est la maîtrise de ses sujets et un réel engagement dans la matière. Pour cela, je lis, je me renseigne, je mène des analyses et je me forme régulièrement. J’accorde aussi une grande importance à mon réseau: s’entourer des bonnes personnes et créer des synergies permet de porter des idées collectivement et de renforcer son impact.

Un autre point clé est d’éviter l’auto-censure. Je n’hésite jamais à poser des questions. Se préparer en amont est essentiel, mais savoir poser les bonnes questions l’est encore plus.

Enfin, je veille toujours à respecter la règle du ‘nose in, arms out’: le rôle d’un administrateur est d’assurer une supervision et non de gérer (management). Il s’agit d’apporter un regard stratégique sans interférer dans l’exécution opérationnelle.

Pensez-vous que l’égalité hommes-femmes progresse au sein des conseils d’administration? 

 «Oui, des progrès sont visibles, notamment grâce aux quotas.

En Allemagne, les femmes occupaient plus de 25% des postes de direction au sein des 40 plus grandes entreprises cotées en bourse en 2024, contre 13,3% en 2020. Cette progression s’explique en partie par une loi de 2020 imposant qu’au moins un poste au sein des conseils d’administration de plus de trois membres soit occupé par une femme.

En Suisse, une réforme entrée en vigueur en janvier 2023 impose aux grandes entreprises 30% de femmes dans les conseils d’administration et 20% dans les directions exécutives. Les entreprises ont cinq ans pour se conformer à ces quotas pour les conseils et dix ans pour la direction.

Malgré ces avancées, cette évolution reste encore trop lente. C’est pourquoi, bien que la compétence soit essentielle, je suis favorable aux quotas: ils permettent de briser certaines barrières et d’accélérer la transformation.

Un autre défi est le syndrome de l’imposteur, qui freine encore de nombreuses femmes. Elles doivent oser davantage prendre leur place et postuler à des rôles de leadership.

Le véritable progrès viendra lorsque la diversité ne sera plus un enjeu, mais une évidence. Une gouvernance inclusive ne devrait pas être une exception, mais la norme.

Que pensez-vous des quotas pour les femmes dans les conseils? 

«Je les vois comme un levier de changement structurel. L’objectif étant d’atteindre une culture du mérite où les femmes accèdent naturellement aux postes clés.

En tant que femme administratrice, sentez-vous une responsabilité particulière de défendre la parité et l’inclusion?

«Bien sûr! Je suis fière de voir des femmes réussir et je les aide et pousse en ce sens et puis soyons honnête ça fait du bien de ne pas être la seule femme dans les conseils! Ceci étant, l’inclusion va dans les deux sens et doit profiter à tous.

Selon vous, comment la diversité influence-t-elle la performance d’un conseil d’administration?

«Plus de diversité offre un regard plus large, plus de créativité, plus d’échanges et de découvertes.

Quelles solutions ou politiques encourageraient une meilleure parité?

«Plus de femmes aux postes de direction créeront naturellement plus de femmes dans les conseils d’administration, en apportant les compétences requises. La visibilité de rôles modèles est essentielle pour inspirer et encourager les générations suivantes.

Je vois différentes clés pour accélérer la parité:

-le mentorat et le sponsoring: accompagner et ouvrir des opportunités aux talents féminins;

-le networking: intégrer davantage de femmes dans les cercles de décision;

-les quotas: comme en Allemagne (25%), en Suisse (objectif 30%) ou au Luxembourg (38,6%), ils ont prouvé leur efficacité.  

Quel conseil donneriez-vous à une femme qui hésiterait à se lancer?

«À un certain stade de carrière, lorsqu’on vous propose un rôle au sein d’un conseil d’administration, c’est rarement par hasard. Si une hésitation subsiste, posez-vous cette question: si on vous a sollicitée, c’est que vous avez les compétences et la légitimité pour ce poste.

Faites confiance à votre parcours, osez saisir l’opportunité et entourez-vous des bonnes personnes pour réussir.

Avez-vous une anecdote qui illustre la réalité d’être une femme dans ce rôle?

«Une secrétaire de séance m’a confié qu’après mon arrivée – en tant que seule femme au conseil – le ton des échanges avait nettement changé. Certains mots ou expressions couramment utilisés auparavant avaient soudainement disparu… Une preuve que la diversité a un impact, même subtil, sur la dynamique et la culture d’un conseil d’administration.

Que conseilleriez-vous concrètement à une jeune femme qui veut trouver sa place dans la société? Et que lui déconseilleriez-vous?

«Sois compétente, bosse à fond et n’hésite pas à en faire plus que ce qu’on attend de toi. Aie confiance en toi et entoure-toi des bonnes personnes. Le réseau, ça fait la différence! 

N’aie pas peur de parler, et surtout, montre ce que tu fais: si tu ne mets pas en avant ton travail, personne ne le fera à ta place. Ne cherche pas à tout gérer toute seule: savoir demander de l’aide, c’est une vraie force.»