Christine Muller s’est emparée du texte d’Anne Berest et le met en scène au TOL. (Photo: Luc Muller)

Christine Muller s’est emparée du texte d’Anne Berest et le met en scène au TOL. (Photo: Luc Muller)

Pour sa première mise en scène, Christine Muller s’est penchée sur «La Visite», un texte d’Anne Berest, cru et sans filtre, portant sur les questions et les illusions liées à la maternité. Une pièce proposée au TOL jusqu’au 1er février.

«La Visite» d’Anne Berest est un huis clos dans lequel une jeune mère, débordée par ses responsabilités, doit recevoir la famille de son mari. À travers un monologue explosif, elle remet en question les illusions et les idéaux de la maternité, défiant ainsi les attentes de la société.

Anne Berest est considérée comme l’une des voix importantes de la littérature contemporaine et est connue pour son style d’écriture vivant, incisif et introspectif. Elle signe avec «La Visite» une pièce intense et déchirante qui plonge les spectateurs au cœur du ressenti de cette femme au bord de la crise de nerfs. C’est sur cette pièce de théâtre contemporain que Christine Muller s’est penchée pour sa première mise en scène, qui est proposée jusqu’au 1er février au Théâtre Ouvert Luxembourg qui fête cette année ses 50 ans.

Comment avez-vous découvert ce texte et qu’est-ce qui vous a donné envie de le mettre en scène?

 Christine Muller – «Il s’agit en fait d’une commande que m’a passée Véronique Fauconnet, directrice du TOL. Je ne connaissais pas encore le texte, même si je connaissais l’autrice. Quand elle m’a demandé la mise en scène de la pièce, elle m’en a juste dit le nom. Je ne savais pas encore de quoi cela parlait. Je me suis alors renseignée et le résumé disait qu’il s’agissait de la maternité et de la quête du bonheur. Je me suis dit que c’était intéressant, mais j’espérais sincèrement que concernant la maternité, ce serait un texte qui déculpabiliserait les femmes et qu’au sujet de la quête du bonheur, ce serait une approche qui dénoncerait ce culte de la ‘happycratie’. Et il s’est avéré que le texte était pile cela. J’étais très touchée que Véronique ait pensé à moi en lisant ce texte, car cela montre qu’elle m’a bien cernée. En plus, le texte est profond, mais aussi très drôle. C’est un humour névrosé que je partage et pratique aussi complètement!

Vous êtes familière des planches du théâtre, notamment en tant qu’actrice. Il s’agit ici de votre première mise en scène. Comment l’avez-vous abordée?

«Je me sens assez confiante pour ce projet. C’est en effet la première fois que je mets en scène une pièce de cette durée et que je n’ai pas écrite moi-même, mais j’ai quand même eu des expériences précédentes de co-mise en scène, de textes que j’avais écrits ou de performances. J’ai quand même une expérience qui me permet d’aborder ce type de projet avec une certaine confiance et je me sens très à l’aise dans ce type d’exercice. Mais c’est aussi une question de confiance dans l’équipe avec laquelle on travaille et des personnes qu’on a en face de soi.

Justement, toute la pièce est portée par une seule comédienne, Rosalie Maes, puisqu’il s’agit d’un monologue. Comment vous êtes-vous rencontrées?

«C’est évident que de traiter un monologue est une expérience un peu à part, car on a en face de soi une seule personne. Il faut par conséquent que l’acteur ait aussi confiance dans le metteur en scène. Et c’est le cas avec Rosalie. Nous nous connaissions depuis longtemps, mais plutôt de vue. J’ai eu l’occasion de beaucoup mieux la connaître fin 2022 et en 2023, lorsque nous avons travaillé ensemble en tant qu’actrices dans «Songe d’une nuit» de Myriam Muller. Elle a un rapport au travail qui m’a beaucoup plu. C’est une comédienne qui propose beaucoup de choses sur le plateau. C’est une approche que je trouve précieuse. C’est aussi quelqu’un de très sensible et de très drôle. Elle correspondait donc parfaitement au personnage de «La Visite», puisque son personnage utilise l’humour pour cacher la profondeur des choses.

Par conséquent, avez-vous beaucoup dialogué toutes les deux pour cette mise en scène? «Oui, naturellement, mais aussi avec le reste de l’équipe, car la parentalité concerne beaucoup de personnes, avec des avis différents sur le sujet. Certains sont déjà parents, d’autres veulent l’être, d’autres ne souhaitent pas d’enfant. Les discussions ont été très riches.

Pensez-vous que ce texte reflète les réflexions de la génération Z qui se pose beaucoup de questions justement sur le fait d’avoir ou non des enfants? «Cela dépend de chacun bien évidemment, et on ne peut pas tirer de généralités. Mais effectivement, la pièce aborde des questions que se pose souvent la génération des jeunes d’aujourd’hui, notamment sur la pression sociale qui va avec la maternité et la parentalité, sur comment on agit quand on a des enfants. Cela concerne effectivement les gens de ma génération (Christine Muller a 30 ans, ndlr), mais aussi la génération au-dessus de moi. J’ai eu aussi beaucoup de témoignages de personnes qui ne pouvaient pas avoir d’enfant, et qui apprécient qu’il puisse y avoir un discours alternatif sur la maternité, d’entendre parler de la réalité et pas que du fantasme. C’est un sujet qui concerne tout le monde, y compris les hommes bien évidemment.

La pièce a déjà été présentée, au Théâtre du Rond-Point à Paris, dans une mise en scène d’Anne Berest elle-même. Qu’avez-vous apporté à la mise en scène?

«J’ai vu effectivement des captations de cette mise en scène. Mais j’avais déjà une idée assez précise de ma pensée et j’ai fait ce qui correspondait le plus à ma sensibilité. Une fois que la comédienne était là, j’ai aussi fait en sorte que la mise en scène s’enrichisse du travail avec Rosalie. J’espère bien évidemment que ce sera fidèle à ce que l’autrice a ressenti quand elle a écrit le texte, mais j’ai aussi essayé de me sentir aussi libre que possible par rapport à cela. Et c’est un texte qui est très riche et qui offre de nombreuses possibilités. J’ai été particulièrement intéressée par la révolte qui se dégage de ce personnage. Je me suis vraiment appuyée sur ce point dans la direction de l’actrice et de la pièce. Au début, elle ressent juste qu’il y a quelque chose qui cloche et qu’elle a l’impression qu’elle n’est pas à la hauteur. Mais au fur et à mesure de la pièce, elle commence à se révolter, car elle se rend compte que ce n’est pas elle qui est nulle, mais que les gens lui donnent l’impression qu’il faut qu’elle corresponde à un certain rôle et qu’il faut que cela cesse pour qu’elle puisse se sentir libre dans son rôle de mère, accepter la maternité, et accepter son enfant.»

«La Visite», au , les 18, 19, 20, 24, 25, 26, 27, 31 janvier et le 1er février à 20h. Le 28 janvier à 17h.