Chris Allen est CEO de Quintet Private Bank depuis juillet 2022.  (Photo: Blitz Agency 2022/Quintet)

Chris Allen est CEO de Quintet Private Bank depuis juillet 2022.  (Photo: Blitz Agency 2022/Quintet)

Il y a exactement 75 ans, le 23 mai 1949, la Kredietbank Luxembourg ouvrait ses portes rue Notre-Dame. Rebaptisée KBL European Private Bankers, puis Quintet Private Bank, la banque luxembourgeoise est aujourd’hui présente dans toute l’Europe. Chris Allen, CEO du groupe, et Siegfried Marissens, secrétaire général, évoquent l’histoire de la banque, ses liens avec Hollywood et ses projets de croissance.

Mai 1949, quelques années seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Comment la banque a-t-elle vu le jour?

«À l’époque, Quintet s’appelait Kredietbank Luxembourg», explique , secrétaire général de Quintet, lors d’une interview accordée à l’occasion du 75e anniversaire de la banque. Également membre du comité de gestion agréé de Quintet, il travaille pour la banque depuis plus de 30 ans, l’ayant d’abord rejointe en tant que gestionnaire de portefeuille, et a également travaillé chez Brown Shipley, la filiale britannique de la banque.

À l’époque, la société mère de Kredietbank Luxembourg était Kredietbank, l’une des plus grandes banques de Belgique, qui comptait une importante entreprise parmi ses clients: Goodyear. Dans le cadre du plan Marshall, qui visait à soutenir le redressement économique de l’Europe après la guerre, Goodyear a installé une usine au Grand-Duché, explique M. Marissens.

Mais il lui fallait une banque. «Ce qui était le plus facile à l’époque pour une entreprise, c’était de demander à son partenaire bancaire en Belgique de créer une banque au Luxembourg. C’est ainsi qu’est née Kredietbank Luxembourg, qui est devenue au fil du temps la Quintet d’aujourd’hui, et qui s’est transformée d’une banque d’entreprise, davantage axée sur le marché intérieur, en une banque privée paneuropéenne.»

La banque luxembourgeoise a acquis une participation dans Brown Shipley, dont le siège est au Royaume-Uni, en 1986, puis 100% de la société en 1992. Dans les années qui ont suivi, elle a acquis des gestionnaires de patrimoine en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique, créant une branche dédiée à la gestion d’actifs et une autre au service des clients institutionnels et professionnels. La fusion de toutes les années d’expérience des différents sites du groupe porte Quintet à un peu moins de 1.000 ans d’expertise: environ 500 ans si l’on inclut le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne; 400 ans de plus grâce aux Pays-Bas et 75 ans au Grand-Duché.

Le lien entre Quintet et les Oscars

Siegfried Marissens évoque une anecdote peu connue: «Il y a 30 ans, nous avions une activité de financement de films. Nous avons même eu un bureau de représentation à Los Angeles à un moment donné pour cela. Nous avons financé quelques films, dont un qui a été nominé aux Oscars.»

Le film en question? «Daens», un drame belge basé sur une histoire vraie qui se concentre sur une lutte sociale du 19e siècle et sur un prêtre nommé Adolf Daens, qui tente d’améliorer les conditions de travail dans les usines. Il a été nominé pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1992.

Le plus grand changement: la fin du secret bancaire

Quel est le plus grand changement, la plus grande surprise ou le plus grand défi que Siegfried Marissens ait connu au cours des trois dernières décennies?

La fin du secret bancaire au Luxembourg, répond-il. «Nous sommes une banque privée. Le secret bancaire au Luxembourg – il y a 30 ou 40 ans – faisait partie de l’environnement dans lequel les clients venaient au Luxembourg. Et le démantèlement du secret bancaire a été – bien sûr, pour toutes les banques au Luxembourg, mais aussi pour nous – un grand défi.»


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«Cela dit, comme nous avions construit entre-temps un réseau de banques privées en Europe, nous étions bien préparés à cette éventualité, car nous avions des activités de banque privée dans la plupart des pays d’où venaient nos clients.»

Au «cœur» de l’écosystème financier de l’UE

Mais au-delà du secret bancaire, et au-delà du Luxembourg, le secteur des services financiers a évolué au cours des dernières années, explique le CEO du groupe . Dans certains cas, la réglementation a été renforcée, dans d’autres, elle a été affaiblie. «Le marché et les pays qui le composent ont dû s’adapter pour trouver leur place.»

Le Luxembourg a évolué et trouvé sa place au cœur de l’écosystème financier de l’UE.
Chris Allen

Chris AllenCEO du groupeQuintet Private Bank

Chris Allen a rejoint la banque en juillet 2022, en provenance de Londres. «Je trouve – en tant que nouveau venu, pour quelqu’un qui passe la majorité de sa semaine de travail au Luxembourg – que c’est un endroit minuscule, et pourtant, il a évolué et trouvé sa place au cœur de l’écosystème financier de l’UE. Et il a développé une stratégie d’accueil des entreprises et des personnes», affirme-t-il. «Je pense que le pays a fait un travail remarquable.» Après le Brexit, note-t-il, «le Luxembourg est devenu beaucoup plus important pour l’UE».

«Le Luxembourg est notre maison»

Quintet a étendu sa portée au-delà du Grand-Duché. Pourquoi le Luxembourg reste-t-il un site important pour le groupe?

«Le Luxembourg est notre maison», répond Chris Allen. «C’est notre siège social, mais spirituellement, c’est plus que cela, c’est notre maison – et ça le restera. Décrivant Quintet comme «une banque de l’Union européenne avec une filiale au Royaume-Uni», il poursuit en disant que «notre place ici, au Luxembourg, est incroyablement importante pour réaliser non seulement ce que nous faisons aujourd’hui, mais aussi ce que nous voulons faire demain».

«Et je pense que la stabilité du centre financier luxembourgeois est extrêmement importante pour les clients. Ils confient à Quintet la gestion de leur patrimoine, mais en même temps, ils ont besoin de savoir que nous sommes réglementés par la Commission de surveillance du secteur financier [CSSF] au Luxembourg; nous sommes sous l’égide de la  Banque centrale européenne [BCE]. C’est également très important pour les clients qui nous confient leur patrimoine familial ici, au Luxembourg.»

«Le Luxembourg a été – et est toujours – un bon endroit pour nous», ajoute Siegfried Marissens. Le réseau de banques privées de Quintet était auparavant constitué d’entités juridiques distinctes dotées de licences bancaires locales. «En 2020, nous avons décidé de les fusionner avec notre licence bancaire luxembourgeoise, de sorte qu’elles sont devenues, au lieu de banques, des succursales d’un point de vue juridique. Cela n’a pas changé grand-chose pour les clients locaux, car nous tenons toujours à conserver la proximité avec nos clients. Mais d’un point de vue organisationnel, cela a simplifié notre structure et a rendu le Luxembourg encore plus important dans le pilotage du groupe.»

Possibilité d’expansion géographique à l’avenir

Quintet  fin 2021, mais sa a connu plus de succès. Est-il prévu de poursuivre l’expansion géographique à l’avenir?

«Nos investissements dans la banque en Suisse sont arrivés au mauvais moment à bien des égards», explique Chris Allen. «C’était juste au début du Covid, puis du confinement, et cela a radicalement changé le plan d’affaires qui avait été mis en place avant la pandémie. La décision a donc été prise vers la fin de l’année 2021 de ne pas poursuivre un plan d’affaires qui était devenu incroyablement difficile à cause du Covid.»


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Mais la situation entre la Suisse et le Danemark est différente, explique-t-il. «La Suisse était une banque autonome, une banque filiale. Ce que nous avons fait avec le Danemark, c’est que nous avons créé une succursale du Luxembourg.» Le modèle opérationnel est «beaucoup plus simple: les actifs des clients sont comptabilisés dans la banque luxembourgeoise, mais nous avons une succursale à Copenhague, au Danemark, où notre personnel s’occupe de nos clients et les conseille.»

«C’est un modèle opérationnel vraiment bon et efficace», détaille Chris Allen. «Oui, je m’attends à ce que nous fassions plus souvent cela à l’avenir. Mais, étant donné qu’il s’agit d’une succursale luxembourgeoise, je m’attends à ce que nous le fassions au sein de l’UE. C’est là que les synergies et les gains d’efficacité fonctionnent vraiment.» En ce qui concerne les marchés cibles, «je m’attends à ce que nous le fassions dans un pays où nous n’avons pas de présence sur le terrain aujourd’hui.»

Et «nous sommes toujours à la recherche de personnes pour nous rejoindre et participer aux 75 prochaines années», ajoute-t-il. «Nous sommes les gardiens de la marque à bien des égards. Mais vous savez, nous disparaîtrons un jour ou l’autre, et les prochains Chris et Siegfried arriveront, et il s’agit de s’assurer que nous conservons cette place au cœur de l’économie également.»

75 ans dans le futur?

Un bond de 75 ans nous amènerait en 2099. Quintet sera-t-il toujours présent au Grand-Duché? Avec l’arrivée des nouvelles technologies, l’humain sera-t-il encore impliqué dans les activités bancaires? À quoi pourrait ressembler la banque du futur?

«Pour autant que nous puissions nous projeter dans l’avenir, oui. Le Luxembourg est notre siège social et notre maison», répond Chris Allen. «Et je m’attends à ce que cela reste le cas.»

«L’humain sera-t-il encore impliqué dans les activités bancaires? Je pense qu’il restera impliqué dans la gestion du patrimoine personnel», poursuit-il. «Bien sûr, la technologie sera de plus en plus intégrée dans tout ou partie des processus que nous gérons. Mais je m’attends à ce que la touche personnelle, le service personnel complété par une utilisation toujours plus poussée de la technologie, soit un modèle de fonctionnement au moins – soyons réalistes – pour les 10 à 20 prochaines années peut-être.»

Mon point de vue sur la technologie: dans notre secteur d’activité, nous devons l’utiliser lorsqu’elle nous permet d’être plus sûrs.
Chris Allen

Chris AllenCEO du groupeQuintet Private Bank

«Mon point de vue sur la technologie: dans notre secteur d’activité, aujourd’hui, nous devons l’utiliser là où elle nous permet d’être plus sûrs. Que cela soit plus sûr pour les clients, plus sûr pour les économies et les sociétés dans lesquelles nous opérons.»

«Derrière nos processus d’investissement, nous utilisons déjà la technologie et nous continuerons à l’utiliser», ajoute-t-il. «Mais d’après moi, l’un des domaines dans lesquels nous apportons la plus grande valeur ajoutée à nos clients est l’interaction personnelle, le fait d’être rassuré.» Aussi prospères que soient les clients, nombre d’entre eux n’ont peut-être pas les connaissances financières nécessaires pour gérer leur patrimoine. Compte tenu du volume de patrimoine qui sera transféré à la prochaine génération au cours des 20 prochaines années, «notre travail consiste à leur donner un sentiment de sécurité».

Que veulent donc les clients?

«Que nous restions au fait de l’évolution de l’environnement, des risques et des opportunités pour qu’ils n’aient pas à s’en préoccuper», répond Chris Allen. Se référant à l’une des premières conversations avec un client qu’il a eues en rejoignant Quintet, «je leur ai demandé ce qu’ils attendaient de nous. Le client m’a répondu: ‘Je veux que vous vous inquiétiez, pour que ma femme et moi puissions profiter de ce pour quoi nous avons travaillé au cours des 35 dernières années.’» Les clients, dit Chris Allen, «veulent que nous restions éveillés la nuit pour qu’ils puissent dormir sur leurs deux oreilles».

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.