Un nouveau dispositif devrait entrer en vigueur ce 1er janvier pour les frontaliers français au chômage: le calcul de leur indemnité se fera à partir d’une réduction de près de 50 % de leurs revenus luxembourgeois. (Photo: Shutterstock)

Un nouveau dispositif devrait entrer en vigueur ce 1er janvier pour les frontaliers français au chômage: le calcul de leur indemnité se fera à partir d’une réduction de près de 50 % de leurs revenus luxembourgeois. (Photo: Shutterstock)

Les partenaires sociaux français se sont mis d’accord sur la réduction des indemnités des chômeurs frontaliers. S’ils devaient d’aventure perdre leur emploi, le manque à gagner atteindrait 47% dès ce 1er janvier. La notion «d’offre raisonnable d’emploi» sera de plus durcie.

Le sujet était sur la table : l’Unédic, organisme paritaire qui gère l’indemnisation du chômage en France veut récupérer le manque à gagner résultant de l’application du Règlement européen 883/2004 de coordination des régimes de sécurité sociale. Règlement qui met à charge du pays de résidence l’indemnisation des périodes chômées alors que les cotisations sont payées dans le pays où s’effectue l’activité. Un mécanisme qui compte tenu des différences de niveaux de salaires entre la France et ses pays frontaliers coûte 800 millions d’euros par an pour 77.000 travailleurs frontaliers français indemnisés. Dont 17.000 actifs au Luxembourg et qui «coûtent» au système français 164 millions.

Coefficient magique

La renégociation de ce règlement européen lancée en 2016 est dans toujours dans l’impasse. L’Unédic qui n’a aucune prise sur le sujet s’est donc livrée à l’occasion de la renégociation entre syndicats et patronats des nouvelles règles pour l’assurance chômage pour la période 2025-2028 à un tour de passe-passe: il a été décidé de modifier la formule de calcul de leur allocation en y ajoutant un coefficient censé tenir compte des différences de salaires entre pays d’emploi et de résidence. Ce sont les salariés travaillant au Luxembourg et en Suisse qui sont les plus visés. Partant de 1 pour la France, ce coefficient serait de 0,9 pour l’Allemagne, 0,76 pour la Belgique, 0,53 pour le Luxembourg et 0,47 pour la Suisse. Le manque à gagner pour un chômeur frontalier français atteindrait 47% par rapport à ce qu’il perçoit actuellement. 1.000 euros deviendraient 530 euros.

À lui seul, cet ajustement devrait permettre 1,4 milliard d’euros d’économies entre 2025 et 2028. Globalement, l’ensemble des nouvelles règles d’indemnisation des chômeurs devraient engendrer des économies substantielles en France: 179 millions en 2025, 405 millions en 2026, 893 millions en 2027, un milliard en 2028 et 1,7 milliard par an d’économies en vitesse de croisière. Un niveau inédit dans l’histoire des conventions d’assurance chômage selon les observateurs en France. Des chiffres à mettre en perspectives avec les prélèvements de 13,05 milliards programmés par l’État français entre 2023 et 2026 afin de financer deux opérateurs destinés à l’emploi et à la formation (France Travail et France Compétences). En 2024, sans cette ponction, les excédents de l’Unédic se seraient élevés à 3,1 milliards d’euros en 2024 contre 300 millions attendu au final. La dette de l’Unédic atteindra fin 2024 59 milliards.

Suivi renforcé des chômeurs frontaliers

Pour ce qui est du suivi des chômeurs, les partenaires sociaux renvoient au ministère du Travail et à France Travail. Et demandent une révision de la notion «d’offre raisonnable d’emploi» pour que les frontaliers ne puissent pas refuser un poste au niveau de salaire français.

Paradoxe, c’est ce suivi des chômeurs et leur réinsertion qui bloque un accord sur la réforme du système. Les principales réserves du Luxembourg portent d’abord sur les conséquences pratiques que le dernier État membre où le travailleur a été employé devienne entièrement compétent pour les prestations de chômage. Pour le ministère de la Sécurité sociale, outre les implications financières, il faudrait avoir plus de personnel pour suivre les demandeurs d’emploi frontaliers et créer de nouvelles procédures d’échanges d’informations avec les autorités de l’État membre de résidence.

«En plus du changement de paradigme proposé, ce sont les conditions qui le détermineraient qui sont tout aussi problématiques. Il s’agit essentiellement de la durée d’emploi à partir de laquelle le dernier État membre d’emploi deviendrait compétent pour le paiement des prestations et le suivi du demandeur d’emploi résidant dans un autre État membre. Par ailleurs, les périodes d’exportation des prestations de chômage proposées dans les échanges interinstitutionnels ne favorisent pas une réinsertion rapide des chômeurs dans les marchés du travail», explique le ministère.

La CGT opposée à l’accord

Négociées par les cinq organisations syndicales représentatives (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) et les trois organisations patronales (Medef, CPME, U2P) les nouvelles règles pour l’assurance chômage devraient s’appliquer au 1er janvier et jusqu’en 2028. Sous réserve de validation par les instances syndicales. Validation loin d’être acquise du côté de la CGT. Globalement, le texte reprend les dispositions arrêtées fin novembre 2023 – baisse de la cotisation patronale sur les salaires de 4,05% à 4%, mensualisation du versement des allocations, amélioration des conditions d’affiliation pour les saisonniers, refonte des aides aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise – en y intégrant la prise en compte des conséquences de la réforme des retraites – une réforme que les syndicats espèrent bien voir enterrée – et donc la question des frontaliers.