Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’il faut des millions pour acheter et un salaire très confortable pour louer afin d’espérer rejoindre le contingent des résidents de Luxembourg-ville. (Photo: Maison Moderne)

Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’il faut des millions pour acheter et un salaire très confortable pour louer afin d’espérer rejoindre le contingent des résidents de Luxembourg-ville. (Photo: Maison Moderne)

Le compte rendu régulier de l’évolution des prix de l’immobilier sur une période trimestrielle ou annuelle ne dit pas tout de l’explosion du coût du logement à Luxembourg-ville. La mise en perspective des données sur 10 ans souligne autrement l’ampleur d’un phénomène bouleversant.

Les dernières études d’opinion sont formelles: l’accès à un logement abordable est . À l’échelle du Grand-Duché, mais de manière plus prononcée dans la capitale, les prix des appartements et des maisons à l’achat ont suivi une pente de plus en plus raide ces dernières années: +10,1% en 2019, , et .

«L’urgence se lit dans les chiffres», disait-on que nous organisions le 28 mars dernier. Pour les plus de 130.000 habitants de la capitale, pour tous ceux qui cherchent à se rapprocher de leur bureau au Kirchberg ou à la Cloche d’Or, mais aussi pour les dizaines de milliers de salariés – des résidents en puissance – que la place financière (entre autres secteurs d’activité) se devra d’attirer dans les années à venir, les chiffres synthétisés ci-dessous sont autant d’alarmants signaux et d’appels à la tranquillité immobilière après des années d’une incontrôlable frénésie. Les candidats aux élections communales (11 juin) et législatives (8 octobre) devront s’atteler à les contenir pour convaincre leurs électeurs.

Acheter un appartement, pari osé

Si, au niveau national,  a été relevée, celle-ci ne se manifeste pas dans les chiffres annuels concernant le prix d’un appartement à Luxembourg-ville. 

Dans sa dernière publication annuelle sur les prix du logement, le Statec a fait état, dans le canton de Luxembourg, d’un prix de vente à 11.071€/m2 pour un appartement existant, et d’un prix de vente à 12.804€/m2 pour un bien en construction (VEFA). C’est une hausse autour de 5% par rapport aux prix constatés en 2021.

Dans les mêmes eaux, les prix annoncés ont augmenté de 3,9% (ancien) et de 6,2% (neuf). Sans commune mesure toutefois avec les chiffres des années antérieures (+19,9% et +17,3% pour les VEFA en 2020 et 2021, par exemple). Ce ralentissement est le signe éventuel d’un changement de paradigme dans les mois à venir, .

Pour autant, la hausse est toujours là. Il suffit d’observer la fourchette 2022 des prix au m2 pour s’en convaincre: entre 8.776€ et 15.343€ pour un appartement ancien; entre 10.513€ et 17.566€ pour un appartement en construction. Des valeurs record trois fois supérieures à celles observées 15 ans plus tôt, selon les données officielles…

Sans réelle surprise, ce sont les très huppés quartiers de Belair et du Limpertsberg qui proposaient, fin 2022, les biens les plus chers du marché dans la capitale. Dans ces quartiers, à la lecture des prix annoncés l’an passé, on tutoyait les 15.000€ du m2. «Pour certains projets ou quartiers, on peut même dépasser les 16.000 euros par mètre carré, ce qui dépasse les prix parisiens», souligne Julien Licheron, research associate Urban development & Mobility au Liser.

Un focus quartier par quartier permet de souligner que ceux éloignés du centre-ville, vers l’est notamment, proposent des prix moins élevés tout en résistant tant bien que mal à l’inflation immobilière sur une décennie, à l’image de Dommeldange ou Cents.

À l’inverse, disséquer l’évolution des prix annoncés fait émerger des chiffres assez édifiants: +120% d’augmentation sur l’ensemble du territoire, +169% à Limpertsberg, +168% à Hollerich ou +163% au Kirchberg.

Acheter une maison, très cher privilège

Il n’est pas surprenant de constater que le marché de l’achat pavillonnaire est beaucoup plus limité que celui des appartements à Luxembourg-ville, qui concentrait, en 2022, 57% du nombre d’offres d’appartements à louer sur l’ensemble du pays, 29% du nombre d’offres d’appartements à acheter, mais seulement 7% du nombre d’offres de maisons à acheter. Aussi, il apparaît clair depuis de nombreuses années qu’acheter une maison dans la capitale exige des ressources financières peu communes.


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Dans sa publication annuelle sur les prix du logement, le Statec fait état d’un prix de vente moyen de 1.591.097€ dans le canton de Luxembourg en 2022 (1.460.000€ pour le prix médian). Le prix annoncé moyen relevé par l’Observatoire de l’habitat est nettement plus élevé: 2.060.022€. Et ce dernier est intéressant, car il signale – pour la toute première fois si l’on se fie aux 15 années de données mis à disposition par l’Observatoire – que ce prix est en baisse par rapport à l’année précédente (-2,5%).

Mais ce coup d’arrêt intervient après des années d’une folle inflation, à trois chiffres, localement supérieure à 200% sur la dernière décennie.

Si l’on porte le regard à l’échelle des quartiers, il convient de souligner les disparités évidentes qu’expliquent à la fois la démographie, la géographie et le bâti local. Ainsi, Clausen (1.060 habitants et 4 annonces publiées en 2022), Gare (11.895 habitants mais 3 annonces), Grund (1.030 habitants mais 1 annonce), Pfaffenthal (1.303 habitants, mais 9 annonces): autant de quartiers où le volume des maisons est fondamentalement assez faible, notamment en comparaison avec Belair, Bonnevoie ou Cessange, par exemple.

Louer un appart, de plus en plus inaccessible

L’accession à la propriété exigeant chaque année une surface financière toujours plus importante, entre flambée des prix de l’immobilier et fulgurante hausse des taux d’intérêt, pour un nombre plus grand de résidents. Au niveau national, l’Observatoire de l’habitat a ainsi constaté une hausse plus prononcée des loyers annoncés ces derniers mois, avec les limites qu’impose la seule lecture du marché foncier en l’absence de données officielles: l’opacité des marges de négociation entre bailleur et locataire, et la possibilité que certains biens ne trouvent pas preneurs du fait, notamment, de prix trop élevés.

Dans la capitale, la lecture de ces données témoigne d’une croissance discontinue du coût des loyers, avec de saisissants pics d’inflation supérieurs de 17% par rapport à l’année précédente en 2018 ou 2020. Désormais, il faut débourser presque 40€ du m2 pour louer un bien moyen à Luxembourg-ville (soit une augmentation de 107% sur 10 ans), même si, comme partout ailleurs, il convient de nuancer le panorama en fonction de la réputation des quartiers et du type de biens proposés.

«Les quartiers les plus prestigieux, comme Belair, le Limpertsberg ou la Ville Haute, sont plus chers que les quartiers comme Bonnevoie ou même le quartier de la gare», , à l’heure de commenter les chiffres du dernier trimestre 2022 et donc du bilan annuel. À ce titre, il est intéressant de constater que plus la taille des surfaces louées est faible, plus le prix du m2 peut avoir tendance à augmenter. Une manière pour le propriétaire de rentabiliser son investissement foncier. Ainsi, c’est à Bonnevoie que le prix moyen annoncé du loyer au m2 était le plus élevé (presque 47€). Or, quelques calculs simples démontrent que c’est aussi dans le quartier populaire de Bonnevoie que la surface moyenne des biens mis en location était la plus faible: 23,9 m2. Des studios en majorité, donc. La flambée n’épargne aucun bien.