L’outil d’IA Harvey d’Allen & Overy va permettre aux avocats de gagner du temps et de couvrir toutes les bases de données juridiques existantes, tandis que les clients pourront voir leur investissement dans leurs services s’améliorer, selon Baptiste Aubry.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

L’outil d’IA Harvey d’Allen & Overy va permettre aux avocats de gagner du temps et de couvrir toutes les bases de données juridiques existantes, tandis que les clients pourront voir leur investissement dans leurs services s’améliorer, selon Baptiste Aubry.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le cabinet d’avocats Allen & Overy a révélé le 15 février un partenariat exclusif avec OpenAI, la société à l’origine du programme ChatGPT, concernant une application qui permettra aux avocats d’économiser de nombreuses heures de travail.

Harvey est le nom du tout nouvel outil technologique élaboré par Allen & Overy. Un procédé d’intelligence artificielle «plus avancé que ChatGPT», une technologie «révolutionnaire» comme l’a déclaré à Delano , responsable de la réglementation des services financiers du cabinet au Luxembourg, dans une interview exclusive pour le Grand-Duché. «Au-delà de la création d’un contenu qui imite un type d’intelligence, elle démontre une véritable logique juridique et constitue un outil de travail immédiatement utile pour le juriste.»

Le partenariat avec OpenAI est une première, car A&O est le premier cabinet d’avocats à participer au lancement de Harvey, «dans le monde entier aussi, je crois», souligne Baptiste Aubry.

Des heures de recherche réduites à quelques secondes

L’outil d’IA – actuellement disponible en français et en anglais – permet aux avocats d’engranger des données juridiques, de les comprendre et d’en extraire les éléments pertinents. Le fonctionnement est similaire à celui d’autres chatbots: les avocats tapent une demande et reçoivent une réponse qui tient compte des aspects réglementaires existants extraits de diverses bases de données. Les procédures législatives en cours qui ne sont pas achevées sont également prises en compte par l’IA en tant qu’éléments à intégrer potentiellement à l’avenir.

C’est comme si nos avocats avaient un sparring-partner pour commencer toute analyse juridique.
Baptiste Aubry

Baptiste Aubryresponsable de la réglementation des services financiersAllen & Overy Luxembourg

Lors d’une démonstration pour Delano, Baptiste Aubry a démontré la rapidité avec laquelle le programme fonctionne. Lorsqu’on lui a demandé de fournir une présentation PowerPoint pour un avocat basé au Luxembourg traitant un sujet donné pour une banque allemande, Harvey a préparé, en quelques secondes, un schéma rassemblant différents aspects juridiques – pertinents pour les deux pays – à prendre en compte pour ce cas précis. En un temps tout aussi court, le programme pouvait produire un résumé envoyé par courriel ou un mémo de recherche pour d’autres cas.

«Cela nous fait gagner énormément de temps», déclare M. Aubry. «C’est comme si nos avocats avaient un sparring-partner pour commencer toute analyse juridique», quel que soit le domaine du droit. Bien sûr, comme c’est le cas avec l’IA, le programme évolue continuellement au fil du temps. Mais surtout, il fait preuve d’une «réelle compréhension» et d’une «logique juridique» plutôt que d’être une collection statique de données.

Une solution à l’inflation des données et des réglementations

Le partenariat exclusif avec OpenAI à propos d’Harvey est quelque chose qu’A&O est «très fier d’avoir pu négocier», souligne Baptiste Aubry. Cette technologie est susceptible d’avoir un impact sur l’ensemble du secteur, affirme le responsable de la réglementation des services financiers. Il est donc «bon d’être un pionnier» – surtout pour une entreprise qui veut être le cabinet d’avocats le plus avancé sur le plan technologique au monde.

L’inflation réglementaire nous a amenés à un point où nous nous sommes demandé comment nous pourrions continuer à garantir que les informations les plus récentes formulées par les autorités soient incluses dans les conseils juridiques que nous donnerons à nos clients à l’avenir.
Baptiste Aubry

Baptiste Aubryresponsable de la réglementation des services financiersAllen & Overy Luxembourg

Le budget investi dans ce partenariat n’a pas été divulgué, mais «il s’agit d’une manifestation claire des ambitions technologiques d’Allen & Overy», a-t-on indiqué à Delano.

Pour le cabinet, il était logique d’adopter l’IA dans le processus juridique, explique encore Baptiste Aubry, car la croissance exponentielle des quantités de données et «l’inflation réglementaire nous ont amenés à un point où nous nous sommes demandé comment nous pourrions continuer à garantir que les informations les plus récentes formulées par les autorités soient incluses dans les conseils juridiques que nous donnerons à nos clients à l’avenir.»

«Avec un outil de ce type, il y a une assurance supplémentaire que nous avons couvert davantage de bases de données», explique Baptiste Aubry.

3.500 avocats l’utilisent

Une critique fréquente à l’égard des chatbots IA comme ChatGPT ou Google Bard ne concerne pas seulement le parti pris qu’ils peuvent refléter – un parti pris largement détourné dans Harvey en raison de la nature de son contenu – mais aussi les erreurs factuelles qui peuvent se glisser dans un texte bien formulé. Malgré sa technologie supérieure à celle de ChatGPT, Harvey n’est pas à l’abri d’erreurs. Le cabinet Allen & Overy en est conscient.

Ce facteur pousse les avocats à faire plus attention lorsqu’ils lisent le contenu généré par Harvey. Le temps gagné sur la compilation des données réglementaires et l’examen de différentes bases de données permettra également aux avocats de «conserver leurs normes de qualité» et de «passer plus de temps sur le travail purement intellectuel comme l’analyse et la livraison d’un produit adapté à la demande du client».

Le programme a été lancé à titre d’essai en novembre 2022. 2.000 avocats du réseau A&O l’ont testé et ont donné des retours positifs. Actuellement, Harvey est utilisé par environ 3.500 avocats.

Une aide, pas un remplaçant

Pendant la phase-test, Harvey a été nourri d’environ 40.000 questions juridiques, ce qui lui a permis de progresser, mais malgré cela, l’outil ne remplace pas le personnel existant.

Malgré la pénurie de main-d’œuvre que connaît le monde juridique, comme tous les autres secteurs, Harvey n’est pas une réponse à ce problème, mais plutôt à «l’inflation des données». «Si nous devions embaucher autant de personnes que nécessaire pour suivre la croissance des données disponibles, nous ne pourrions pas y arriver.»

L’outil d’IA devrait également bénéficier directement non seulement aux stagiaires, mais aussi aux clients, confirme Baptiste Aubry. Pour les stagiaires, il leur permettra de recueillir des contenus qu’ils pourront vérifier et améliorer rapidement avant d’apporter une valeur ajoutée grâce à leurs propres connaissances. Pour les clients, son impact sur le temps consacré à la recherche se reflétera dans la facturation, puisque les avocats pourront facturer ce pour quoi ils sont payés: l’analyse et le conseil.

Les risques de confidentialité et de cybersécurité sont également couverts, assure le cabinet, qui ajoute qu’il est en contact avec OpenAI pour continuer à l’améliorer.

«Harvey a vraiment le potentiel pour révolutionner le monde du conseil juridique», Baptiste Aubry. Bien qu’il ne puisse pas remplacer les avocats et la touche humaine qu’ils apportent, il est un «outil d’amélioration, protège l’avocat et agit comme un filet de sécurité».

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.