Les investissements par des entreprises dans les énergies fossiles, comme le charbon, sont particulièrement protégés par le traité sur la charte de l’énergie. (Photo: Shutterstock)

Les investissements par des entreprises dans les énergies fossiles, comme le charbon, sont particulièrement protégés par le traité sur la charte de l’énergie. (Photo: Shutterstock)

Le traité sur la charte de l’énergie, en protégeant les investissements par des entreprises dans les énergies fossiles, compromet la réalisation des objectifs climatiques de l’UE. Des négociations visent à le moderniser. Mais entre réforme a minima et retrait pur et simple, les solutions semblent insatisfaisantes.

1,4 milliard d’euros réclamés par le conglomérat allemand RWE aux Pays-Bas. 6,1 milliards d’euros demandés à l’Allemagne par le suédois Vattenfall. «Quand on voit les sommes demandées, c’est dingue, ce sont des milliards!», s’exclame la députée européenne (déi Gréng).

Le responsable? Le traité sur la charte de l’énergie (TCE), un accord international signé par 53 pays, dont l’UE et ses États membres (sauf l’Italie, sortie en 2016), qui permet à des entreprises du secteur de l’énergie de poursuivre devant des tribunaux d’arbitrage des États dont les décisions politiques pourraient remettre en cause leur profit futur. Ce qui menace directement les objectifs climatiques poursuivis par l’Union européenne.

Créé en 1990 suite au démantèlement de l’URSS, le traité visait alors à sécuriser l’approvisionnement énergétique de l’Europe, en protégeant les investissements des entreprises européennes. Mais les temps ont changé et, sur fond de crise climatique, le TCE permet désormais à des entreprises de réclamer des dédommagements pour protéger leurs investissements dans les énergies fossiles.

Et les sommes en jeu – le montant des compensations accordées s’élèverait à 55 milliards d’euros jusque-là – pourraient mener les gouvernements à sérieusement revoir à la baisse l’ambition de leurs mesures en matière de transition énergétique. Et ce d’autant plus que, devant un tribunal, le TCE prime sur d’autres accords internationaux, comme l’accord de Paris.

Moderniser le traité

Portées notamment par le ministre de l’Énergie, (déi Gréng), des négociations entre les pays signataires sont en cours, afin de moderniser le TCE pour le rendre compatible avec les objectifs climatiques. Le quatrième round de négociations a eu lieu début mars.

L’Union européenne est arrivée à la table, forte d’une position commune, après un an et demi de négociations pour trouver un compromis entre des pays plus ambitieux, comme la France, l’Autriche et le Luxembourg, et d’autres plus réticents, comme ceux du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie).

La proposition de la Commission, datée du 15 février, vise à exclure progressivement du champ du traité les hydrocarbures: les nouveaux projets concernant le charbon et le pétrole seraient exclus du texte, tandis que les investissements dans le gaz continueraient à être protégés jusqu’en 2030. «Cette position n’est pas aussi ambitieuse que la mienne, mais elle reste une bonne base», se réjouit Claude Turmes.

Impasse des négociations

Mais la proposition de la Commission est, pour l’instant, restée lettre morte. «Les autres membres de la charte n’ont pas réagi à ce stade», déplore Claude Turmes. Aucun progrès n’a ainsi eu lieu lors du quatrième round de négociations. Des pays comme le Kazakhstan ou le Japon refuseraient notamment d’aller dans cette direction.

Quelles sont les options si les négociations n’aboutissent pas? «Si l’on ne parvient pas à amender le traité, si rien n’est possible, alors ce sera le divorce», admet Claude Turmes.

Mais le traité est piégé: une clause permet aux dispositions du TCE de rester en vigueur dans un pays signataire jusqu’à 20 ans après son retrait. «Ce traité a été très bien pensé», ironise Tilly Metz. «Mais comment a-t-on pu le signer avec une telle clause?», s’interroge-t-elle.

Alternative insatisfaisante

L’alternative se résume donc ainsi: soit le traité est amendé et l’impact sur les énergies fossiles est immédiat, soit l’UE sort du traité, mais celui-ci s’appliquera malgré tout pendant 20 ans. Sans compter que les autres pays signataires continueront de recourir aux tribunaux privés et d’investir dans les énergies fossiles, sans que l’UE puisse influencer cela. «Sortir a aussi des désavantages», juge le ministre. «Amender le traité est ma position favorite.»

Un cinquième round de négociations, dédié aux énergies fossiles, aura lieu en juin. Claude Turmes reste confiant et veut croire en la force de négociation de l’UE. «En tant que bloc, c’est de loin la plus grande entité au sein du TCE», rappelle-t-il. «Nous nous sommes battus pour avoir une position claire et maintenant nous l’avons.»

Et ce même si cette position est loin de convaincre tout le monde au sein même de l’UE. «Pour moi, les standards minimaux fixés ne suffisent pas pour atteindre les objectifs climatiques», craint ainsi Tilly Metz, alors que l’UE doit atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. «Il faut une sérieuse réforme, ou sinon sortir.» Ou comment avoir à choisir entre la peste et le choléra.

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Green, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité verte au Luxembourg.