Cela fait 17 ans que Gérard Moulin gère le fonds Amplegest Pricing Power. Lancé en 2005 avec 400.000 euros – «le minimum légal pour lancer un OPCVM en France à l’époque» –, le fonds a vu son encours multiplié par 1.000 pour atteindre aujourd’hui 440 millions d’euros – «un demi-milliard de dollars» – et sur les quatre dernières années, les actifs ont triplé. «C’est un fonds qui a trouvé son public et qui est dans le sens de l’histoire», estime le gérant.
L’idée de départ part d’une observation: «Il existe des sociétés qui ont plus de visibilité que la moyenne et qui, lors des publications, délivrent de façon régulière des résultats supérieurs ou égaux aux prévisions. Ce qui, considérant que la mécanique pour gagner de l’argent en bourse est de profiter de ce qui n’est pas dans les cours, est une très bonne chose.»
Gérard Moulin s’est très vite rendu compte que ces sociétés qui avaient ces capacités à surprendre agréablement les marchés avaient en commun d’avoir des barrières à l’entrée et des avantages compétitifs supérieurs à la moyenne et que leur point commun était la capacité de pouvoir imposer leurs prix à leurs clients. Le fameux pricing power. Dont personne ne sait donner une définition qui serait admise par tous.
Le bon rapport de force face aux clients
Pour Amplegest, cette définition serait «des sociétés qui sont dans un rapport de force avec leurs clients». «Mais ce qui compte, c’est d’avoir une méthode avec laquelle on est à l’aise dans le temps», rajoute-t-il.
Comment, «en tant que financier», détecter ce pricing power? Il faut se référer au compte de résultat, indique Gérard Moulin.
Dans le bilan, on trouvera bien sûr la capacité à dégager du cash flow et la progression des actifs immatériels. «Mais ce ne sont que des conséquences.» Pour lui, les critères principaux sont l’évolution du chiffre d’affaires; l’évolution de la croissance de ces groupes à périmètres et changes constants; l’évolution de la marge d’exploitation et du ratio valeur/revenus croissants (le PEG pour «price/earnings to growth»). Autant de critères qu’il faut apprécier sur la longue durée. «C’est parce que nous sommes exigeants sur plusieurs années que l’on va pouvoir trouver les groupes exceptionnels et éviter les faux amis.»
Pour Gérard Moulin, la société incontournable est celle qui est fiable dans ses prévisions, qui met la pression sur les marges de ses concurrents, gage constamment des parts de marché et crée de la valeur.
Des valorisations acceptées par le marché
Attention cependant, si le pricing power est un gage de longévité pour une entreprise, il n’est pas éternel. «C’est un état provisoire.» Et la situation peut vite se renverser. D’où la nécessité de surveiller constamment l’évolution du jeu concurrentiel.
L’intérêt d’une stratégie de pricing power ne se discute pas. «Une entreprise capable de fixer ses prix protège sa croissance et sa marge. Elle s’affranchit ainsi des cycles économiques et s’adapte aux mutations de son époque. Ce qui, dans un contexte désinflationniste, de concurrence exacerbée, de guerre des prix et d’infidélité des consommateurs, est un enjeu stratégique.»
Face à de telles perles rares se pose inévitablement la question de la valorisation de ces entreprises. Un faux problème pour Gérard Moulin pour qui, quelles que soient les phases économiques, la valorisation de ces titres est acceptée par le marché. «La matière première d’une entreprise, c’est son activité, sa croissance. Combien vaut donc une entreprise unique?», s’interroge-t-il. Tout en précisant que le fonds a fixé des limites. «Nous ne suranticipons pas les bénéfices. Et nous aimons bien les dynamiques. Tant qu’une société a de l’accélération dans sa profitabilité, le marché va en vouloir.»