«Woven in Vegetal Fabric: On Plant Becomings», une exposition où l’art et le végétal s’entrecroisent. (Photo: Charles Rouleau)

«Woven in Vegetal Fabric: On Plant Becomings», une exposition où l’art et le végétal s’entrecroisent. (Photo: Charles Rouleau)

Le Casino Display, dédié aux jeunes artistes, fait la part belle aux plantes grâce au travail de Charles Rouleau. L’exposition «Woven in Vegetal Fabric: On Plant Becomings» se tient jusqu’au 27 février.

Initiative portée par le Casino Luxembourg, le Casino Display est un nouvel espace à destination des jeunes artistes s’articulant autour de la notion d’échange et de recherche, en partenariat avec les écoles d’art régionales. C’est dans ce contexte que Charles Rouleau, artiste, commissaire et étudiant en master de recherche de l’université d’Amsterdam, expose «Woven in Vegetal Fabric: On Plant Becomings». Son travail s’intéresse notamment à la «temporalité et à l’écoute polyphonique à travers une approche phytocentrée».

Charles Rouleau s’applique à remettre en question une vision du monde anthropocentrée. Un travail qu’il avait déjà commencé par une étude de la relation entre le temps et la glace, thème qu’il a d’ailleurs exploré lors de la dernière Triennale. En mars 2020, le confinement l’amène à reconsidérer la place des plantes. «Grâce au processus de photosynthèse, la vie animale et humaine est possible, et pourtant, le monde végétal, qui est partout autour de nous, passe complètement inaperçu la plupart du temps. Ce que propose la jeune branche intellectuelle de l’étude critique des plantes, courant de pensée dans lequel le projet ‘Woven in Vegetal Fabric: On Plant Becomings’ a été conceptualisé, c’est une resensibilisation au règne végétal.»

Temps et sons

La temporalité est l’un des thèmes que l’artiste aborde à travers son exposition. Un choix qui découle de ses réflexions sur le fonctionnement intrinsèque du monde végétal. «Dès que l’on commence à réfléchir sur et avec des non-humains, on est très rapidement confronté à un sentiment d’asynchronicité. Un ralentissement dans la méthodologie est indéniablement nécessaire. Au-delà de la démarche artistique, si l’on veut penser en termes de durabilité, il faudra à un moment ou un autre se réajuster au rythme des plantes.»

Le travail de Charles Rouleau est là pour questionner, mais aussi sensibiliser à un monde silencieux, bien souvent méconnu, et pourtant au centre des préoccupations environnementales. Et pour se saisir de ce monde, il faut donc une approche différente, qui pense le son non comme un bruit, mais comme une vibration. «À cause de leur silence, il a été longtemps supposé que le son n’affectait pas les plantes. Par contre, du moment où l’on considère le son comme ontologiquement vibratoire, les plantes réagissent à une panoplie de vibrations.»

Les sens des visiteurs sont mis en éveil pour prendre conscience de la richesse du monde végétal qui nous entoure, et que l’on a tendance à oublier. «C’est sans doute en réduisant la distance artificielle entre nature et culture qu’un éveil des consciences sera possible. Et pour éveiller les consciences, il faut d’abord réactiver les sens», explique l’artiste. 

Artistes et chercheurs

Ce travail a débuté par la formation d’une «unité de recherche» dont le but était de favoriser les discussions autour du végétal entre artistes et experts. «Il ne s’agissait pas seulement d’avoir des universitaires, mais des universitaires de différents milieux, de la philosophie aux sciences des forêts, de la recherche artistique à la biologie des plantes, en passant par les études muséales et curatoriales. Ce qui était important, c’était de créer un endroit pour une discussion sur une thématique qui nous préoccupe tous.» 

Ces échanges ont ensuite permis la mise en place de l’exposition présentée au Casino Display.

Le travail de Leonie Brandner, Catherine Duboutay et Carlos Molina sera aussi exposé, suite à un appel à projets organisé au sein des écoles d’art de la Grande Région et du Benelux. «Leonie présente une installation plurisensorielle autour de l’onagre, plante nocturne (…) aux vertus médicinales et ayant un bagage culturel relié au chant et au son. Chez Catherine, le visiteur est amené à réfléchir à son propre corps en relation avec des plantes aphrodisiaques, et cherche ultimement à contrer le modèle binaire du genre. Carlos, quant à lui, propose de se projeter dans un futur antérieur, après la catastrophe du changement climatique, où toutes les bases du savoir sont à refaire.» 

Certaines institutions participent également à l’exposition, comme le Lycée des arts et métiers, le Lycée Edward Steichen, ou encore le Musée national d’Histoire naturelle (MNHN). «Carlos Molina a, par exemple, rencontré Laura Daco, biologiste au MNHN, pour discuter avec elle et visiter l’herbier. Ainsi, le travail de Carlos est un dialogue direct entre spéculation artistique et sciences naturelles», précise Charles Rouleau. Afin d’enrichir l’exposition, des conférences publiques sont organisées jusqu’à fin février, et un recueil contenant des textes et interventions visuelles des participants à ce projet sera publié dans les mois à venir.

«Woven in Vegetal Fabric: On Plant Becomings» a lieu au Casino Display, 1, rue de la Loge, à Luxembourg. L’exposition est accessible le mercredi de 12h à 14h, le jeudi de 13h à 21h, et les vendredi et samedi de 13h à 19h.