Matthieu Croissandeau, directeur éditorial. (Photo: Maison Moderne)

Matthieu Croissandeau, directeur éditorial. (Photo: Maison Moderne)

On peut sans doute reprocher des choses à Greta Thunberg, ironiser sur ses poses et ses postures, s’inter­roger sur son instrumentalisation.

On peut sourire de voir les petits et les grands de ce monde dérouler le tapis rouge à cette jeune Suédoise de 16 ans devenue la Cassandre des temps modernes. Il n’empêche. Les grandes causes ont toujours eu besoin d’icônes pour avancer. Et son grand mérite est d’avoir su, en quelques mois seulement, populariser les enjeux du réchauffement climatique à une très grande échelle.

On ne peut pas dire pourtant qu’on ait manqué jusque-là de discours, d’études, de films, de rapports, de tribunes, ou encore de reportages pour tirer la sonnette d’alarme. Oui, mais voilà, tous n’avaient pas le charisme désarmant de cette adolescente habitée par sa croisade verte. Du jour au lendemain, la jeunesse qui l’écoute s’est mise à battre le pavé pour en appeler à notre (mauvaise) conscience et nous sommer collectivement de prendre enfin les mesures qui s’imposent pour inverser la donne.

Car il ne suffit plus, on le sait, de constater ou de s’émouvoir. La banquise ne s’arrêtera pas de fondre à coups de photos d’ours polaire, ni la forêt brésilienne de brûler à coup de hashtags #PrayforAmazonia. Ravalons donc nos larmes comme nos prières et agissons, au quotidien et dans la durée, pour faire perdre à notre planète les quelques degrés supplémentaires qui la mettent en surchauffe.

Or, c’est bien là que le bât blesse. Alors que chacun ici se déclare volontiers concerné par le réchauffement climatique et solidaire de ces jeunes qui manifestent le vendredi dans la capitale, le Luxembourg est encore loin de prendre toute sa part dans ce combat planétaire. Le Grand-Duché détient non seulement le triste record d’émissions de gaz à effet de serre par habitant sur le Vieux Continent, avec un taux plus de deux fois supérieur à la moyenne européenne, mais il continue également de rejeter chaque année davantage de dioxyde de carbone dans l’atmosphère (+3,7% en 2018), alors que les émissions de CO2 diminuent chez tous nos voisins!

Il reste donc du chemin à faire pour respecter l’objectif «zéro émission» en 2050 que le pays s’est fixé. Celui-ci ne sera atteint que si tout le monde s’y met. Au gouvernement de déterminer le cadre réglementaire et d’engager les réformes nécessaires, ainsi qu’il a commencé à le faire. Aux entreprises de comprendre que le mot «green» n’est pas seulement intéressant pour leur communication, mais aussi pour leur chiffre d’affaires. À condition, toutefois, de ne pas se contenter de ­bannir les gobelets en plastique de leurs cantines, mais de transformer en profondeur leur façon de travailler. Aux citoyens enfin d’accepter de changer leur façon de vivre, ce qui n’est pas une mince affaire… À voir la taille et le nombre de voitures qui se croisent sur les routes du Grand-Duché, on se dit qu’il ne suffit pas d’entendre ce que clament les jeunes avec Greta Thunberg. Mais qu’il va bien falloir, un jour ou l’autre, se résoudre à les écouter.