Les entreprises de construction peuvent bénéficier d’un régime de chômage dû aux intempéries sous certaines conditions. Un régime qui devrait, à l’avenir, être ouvert à plus de secteurs, plaide la CSL.  (Photo: Shutterstock)

Les entreprises de construction peuvent bénéficier d’un régime de chômage dû aux intempéries sous certaines conditions. Un régime qui devrait, à l’avenir, être ouvert à plus de secteurs, plaide la CSL.  (Photo: Shutterstock)

En ce début d’année, marqué par un climat social tendu avec les débats sur les pensions et le travail dominical, et après une année 2024 qui a été la plus chaude jamais enregistrée, la Chambre des salariés s’intéresse aux impacts du changement climatique sur les travailleurs et propose des mesures pour mieux les protéger.

Selon les données de l’Organisation internationale du travail (OIT), 40% des travailleurs de l’Union européenne occupent des emplois qui seront impactés par le changement climatique. À l’échelle mondiale, l’ONG Oxfam estime que, sur les vingt dernières années, le changement climatique a entraîné la perte de 650 milliards d’heures de travail par an, soit l’équivalent de 148 millions d’emplois à temps plein. Bien que, pour l’instant, «le Luxembourg soit encore épargné, il est essentiel de surveiller l’évolution des tendances climatiques. Le changement climatique ne va pas s’atténuer, et nous devons apprendre à gérer ce phénomène», a souligné le psychologue du travail et conseiller de direction à la CSL, David Büchel.

La Chambre des salariés a réalisé un état des lieux de la situation actuelle, en particulier en ce qui concerne la réglementation liée à la protection des salariés. Elle attend désormais des actions concrètes de la part du gouvernement, notamment une révision des textes de loi qui ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux actuels.

«Les impacts sur les emplois et les conditions de travail ne sont pas forcément les premières choses qui viennent à l’esprit lorsqu’on parle de changement climatique, mais nous ne pouvons plus détourner le regard. Les dépenses allouées à la lutte contre le changement climatique ont diminué, et au niveau gouvernemental, nous avons le sentiment de prendre une mauvaise direction. Anticiper les effets du changement climatique a un coût, mais il existe des moyens de le financer, comme l’imposition sur le patrimoine, par exemple.» Ce sont les plus riches qui contribuent au réchauffement climatique, donc ils doivent participer financièrement» a insisté la présidente

Dans son analyse présentée ce mardi matin, la CSL s’est appuyée sur des critères étudiés par l’Organisation internationale du travail (OIT) pour identifier les risques pesant sur le Luxembourg et son économie. «Nous assistons à une multiplication des risques, avec des dangers directs et indirects», a précisé David Büchel. Canicules et fortes chaleurs, risques liés au rayonnement UV, épisodes de grand froid, phénomènes météorologiques extrêmes ou encore pollution de l’air sont autant de menaces concrètes identifiées à la fois par l’OIT et la CSL. Bien que tous les travailleurs soient concernés, ceux exerçant à l’extérieur ou dans certains secteurs sont particulièrement exposés.

Industrie, agriculture et construction: secteurs sensibles

Les secteurs de l’industrie, de l’agriculture et de la construction sont particulièrement exposés aux risques liés au changement climatique. Ensemble, ils regroupent environ 81.000 salariés au Luxembourg. «Ces secteurs nécessitent des adaptations urgentes pour protéger les emplois et les conditions de travail», a insisté David Büchel. Cela ne signifie pas pour autant que les autres secteurs ne sont pas concernés. Grâce aux retours du terrain, notamment ceux des délégués du personnel, qui jouent un rôle de relais essentiel, comme l’a souligné le vice-président Jean-Claude Reding, la CSL a identifié plusieurs problématiques et formulé des propositions de réflexion.

En ce qui concerne les épisodes caniculaires et les fortes chaleurs, la CSL s’inquiète d’une augmentation du risque de mortalité, de la dégradation des infrastructures et d’une baisse de la productivité. À l’échelle européenne, le changement climatique pourrait entraîner une diminution de productivité d’environ 0,1% d’ici 2030. La CSL redoute également une hausse des accidents de travail. À ce jour, l’ITM émet des prescriptions de sécurité, qui constituent des obligations légales, comme le maintien d’une température adéquate dans les locaux de travail. Cependant, selon la Chambre des salariés, ces mesures sont insuffisantes.

«Dans les lieux de travail, la température intérieure ne peut normalement pas dépasser 26°C, sauf si la température extérieure dépasse cette valeur. Cela revient donc à dire que la température intérieure autorisée peut augmenter avec la température extérieure, sans qu’il y ait de température maximale clairement définie», explique David Büchel. En complément de ces prescriptions, l’ITM formule des recommandations, telles que prévoir des zones d’ombre et de l’eau potable pour les travailleurs à l’extérieur. Certaines entreprises peuvent également recourir au chômage dû aux intempéries, sous certaines conditions.

Pour la CSL, ces dispositions sont insuffisantes face à l’évolution des températures et à la fréquence croissante des épisodes de chaleur extrême. Elle préconise «l’établissement d’une réglementation européenne ou nationale pour la protection contre la chaleur au travail, incluant des valeurs limites d’action définissant à partir de quel seuil des mesures doivent être prises, ainsi que des valeurs limites d’exposition pour déterminer à quel moment l’activité doit être interrompue», détaille David Büchel. Parmi les autres mesures proposées, figurent l’utilisation de l’indice WBGT (‘Wet Bulb Globe Temperature’), qui fournit des indicateurs plus précis, ainsi que la reconnaissance des maladies liées à la chaleur comme maladies professionnelles.

La CSL a présenté son analyse à la presse ce mardi 11 février au matin. (Photo: Maëlle Hamma/Paperjam)

La CSL a présenté son analyse à la presse ce mardi 11 février au matin. (Photo: Maëlle Hamma/Paperjam)

Lié aux vagues de chaleur, le risque lié au rayonnement UV a également été analysé par la CSL. Il est particulièrement élevé pour les personnes travaillant en extérieur. «Pendant les mois d’été, les limites d’exposition sont généralement dépassées en seulement dix minutes pour les salariés non protégés. Le rayonnement UV est reconnu comme cancérogène, mais aucune loi spécifique n’impose la protection des salariés, en dehors des obligations générales», a indiqué David Büchel. Il préconise la mise en place d’une réglementation spécifique, la distribution de vêtements à haute protection ou encore de crème solaire. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Europe est le continent le moins exposé à ce risque, mais 18,5% de la population y est tout de même concernée.

À l’inverse des vagues de chaleur, les vagues de froid et les perturbations météorologiques, comme les tempêtes, les chutes de neige ou le verglas, posent également des risques pour la sécurité au travail, «bien que pour l’instant, le Luxembourg s’en tire encore bien», a noté David Büchel. Les obligations légales actuelles régissent les températures minimales dans les bureaux (20 °C), et l’Association d’assurance accident reconnaît les accidents de trajet, prenant en charge les frais de santé ou les dommages matériels qui en découlent.

Cependant, la CSL estime que ces mesures ne suffisent pas. Elle plaide pour la mise en place d’aménagements des horaires de travail en fonction des conditions climatiques et pour la fourniture de vêtements isolants aux salariés concernés.

De manière plus générale, la CSL milite également pour un renforcement du droit de retrait. Cette disposition du Code du travail permet à un salarié de quitter son poste lorsqu’il estime, pour des raisons raisonnables, que son poste présente un danger grave et imminent. La CSL souhaite que ce droit s’impose aux employeurs en cas d’alerte émise par le gouvernement en lien avec un phénomène météorologique extrême.

En matière d’économie, le gouvernement, dans son dévoilé le 7 février dernier, prévoit de prendre une mesure pour mieux informer les entreprises et réduire les risques. «L’industrie et les entreprises jouent un rôle clé dans le développement d’innovations, de compétences et de partenariats susceptibles de contribuer à atténuer et à s’adapter au changement climatique. Pour mobiliser pleinement le potentiel du secteur économique, cette mesure vise à encourager les entreprises à intégrer activement l’adaptation au changement climatique dans leur fonctionnement et leur structure. Cela pourrait inclure l’adaptation des processus de production pour renforcer leur résilience face aux perturbations climatiques, l’intégration de nouvelles technologies visant à améliorer les conditions de travail en période de vagues de chaleur, ou encore l’optimisation de l’efficacité des ressources dans les processus de production, notamment face à des situations telles que les pénuries d’eau.

L’engagement des entreprises pour améliorer leur impact sur le climat se ferait sur une base volontaire, participative et, si nécessaire, incitative. Par ailleurs, les notions d’adaptation aux effets du changement climatique pourraient être intégrées dans des initiatives existantes», précise la stratégie gouvernementale.