Un discours d’anniversaire est un exercice délicat qui permet de faire passer des messages. Actuel président de la Chambre des fonctionnaires et employés publics (CHFEP), s’est livré au jeu, ce mercredi 20 novembre au Cercle Cité. Avec comme revendication principale envers les politiques que le travail législatif de l’institution soit pris au sérieux. L’occasion également de lancer la campagne pour les élections de mars prochain pour le renouvellement de la Chambre. Morceaux choisis.
60 ans, donc. «60 ans qui auraient pu faire 100.» Car si la création des chambres professionnelles au Luxembourg remonte à 1924, la Chambre des fonctionnaires et employés publics n’a officiellement vu le jour que 40 ans plus tard avec le vote de la loi du 22 janvier 1964, entrée en vigueur le 12 février suivant. Pourquoi un tel retard? Parce qu’il a longtemps été considéré que les fonctionnaires jouissaient d’une protection des plus efficaces en vertu des lois en vigueur que celle des autres ressortissants des chambres professionnelles qui existaient alors.
Un état d’esprit, «une discrimination» qu’il faudra 40 ans pour faire évoluer. Entre 1924 et 1964, l’Association générale de l’État et des services publics (AGF), qui donnera naissance à la Confédération générale de la fonction publique (CGFP), continuera de revendiquer la création d’une chambre professionnelle tout en en faisant office. Elle sera entendue en 1959. Mais entre le dépôt du projet de loi en 1959 et son adoption en 1964, cinq années se seront passées. Un délai imputé au fait que les auteurs du texte recherchaient une composition de la Chambre équilibrée et représentative par rapport à ses ressortissants. Et il faudra encore attendre 20 années de plus pour que la CHFEP obtienne le droit d’initiative législative.
Chambre professionnelle et syndicat: la complémentarité
Alors que le tissu syndical est très dense au Luxembourg, quel est l’intérêt des chambres professionnelles? Faisons un retour en arrière, toujours sous la conduite de Romain Wolff: la création des chambres professionnelles n’était pas basée sur les revendications des organisations professionnelles, mais sur l’initiative des dirigeants politiques de l’époque. En partie en réponse aux problèmes économiques et sociaux d’après-guerre, qui atteignirent leur paroxysme lors des grandes grèves de 1921, détaille-t-il. «C’est à cette époque qu’est née l’idée d’impliquer plus directement les partenaires sociaux dans le processus législatif, simplement pour leur donner le sentiment d’être pris au sérieux.»
Pour le président de la CHPEP – également président de la CGFP –, entre chambres professionnelles d’une part et associations ou syndicats professionnels de l’autre, il ne faut pas parler de «dualisme», mais de «complémentarité». «Une chambre professionnelle se doit de faire preuve de plus de retenue qu’un syndicat», résume-t-il, en insistant sur le fait que ces deux acteurs du dialogue social «disposent de possibilités d’action totalement différentes».
Un travail mal pris en compte
Les chambres professionnelles – auxquelles, à la différence des syndicats, l’adhésion est obligatoire – défendent les intérêts de leurs membres. Elles disposent pour cela de deux outils: un droit d’initiative législative et l’obligation d’être consultées et de rendre un avis motivé sur tous les textes législatifs et réglementaires affectant directement les salariés du secteur public, ainsi que sur les projets de loi et des règlements à caractère général, comme le projet de budget. La CHFEP a d’ailleurs rendu . Pour Romain Wolff, le droit d’initiative tel qu’il est organisé «ne tient pas ses promesses». Ce qui mériterait, selon lui, sinon une réforme, du moins un toilettage.
Il a également insisté sur le fait que «les avis rendus nécessitent énormément de travail» et qu’il serait bien que ces avis «soient lus et pris en compte encore plus à l’avenir par les dirigeants politiques, afin d’éliminer dès le départ les incohérences qui s’insinuent dans les projets législatifs».
Il a également fait référence à la réforme de l’armée luxembourgeoise, votée le 21 juillet 2023. Réforme qui touchait, entre autres, à l’organisation des carrières militaires et à la notation des personnels. Notation inacceptable pour la CGFP. «Intentionnellement ou non, notre Chambre n’a pas été sollicitée pour donner son avis sur ce dossier éminemment important. C’est quelque chose qui n’aurait jamais dû arriver», a martelé Romain Wolff.
Luc Frieden réaffirme son attachement au dialogue
Devant l’auditoire, le Premier ministre, , a commencé son intervention en remerciant les fonctionnaires, garants «d’un État bien organisé, bien géré et géré d’une manière impartiale». Et face à une augmentation conjointe de la population et de la complexité des questions que doit traiter au quotidien l’administration, «alors que notre système scolaire ne produit pas autant de personnes que l’État, les communes ainsi que le secteur privé auraient besoin», il a estimé que pour être plus efficace, il fallait faire des efforts en matière de digitalisation et de recours à l’intelligence artificielle. «Autant d’outils qui doivent permettre de résoudre rapidement les problèmes des citoyens et de renforcer, ce faisant, la confiance dans l’État.»
Il a réaffirmé sa volonté de simplification administrative et de réduction de la bureaucratie pour mieux servir les citoyens et les partenaires de l’État. Le tout dans le dialogue. «L’État patron travaillera avec la CHFEP», a insisté Luc Frieden. «Ce gouvernement est pour le dialogue. Il est pour le dialogue avec les chambres professionnelles et apprécie leur contribution à notre société.»
Élection en mars 2025
Le 12 juillet, la loi du 12 juillet 2024 – loi votée à l’unanimité – a réformé le statut de la CHFEP. Il s’agissait d’en simplifier le fonctionnement et d’en modifier la composition afin de tenir compte «de la diversité de la fonction publique» et de l’évolution des effectifs dans la fonction publique. Suite à cette réforme, le nombre de membres effectifs est passé de 27 à 29, répartis dans dix groupes, contre huit précédemment. La loi a également réformé le processus électoral. Processus qui subira son baptême du feu en mars prochain. La liste des électeurs sera arrêtée le 2 décembre prochain et les candidatures devront être déposées avant le 27 janvier. «Pour les syndicats du service public, c’est un moment très important. Je dirais même que c’est le plus important du calendrier.»
Aux dernières élections, en 2020, la CGFP avait porté 21 sièges; la FGFC (Fédération générale de la fonction communale), quatre sièges; la SEW/OGBL, un siège, comme la FNCTTFEL (Fédération nationale des cheminots, travailleurs du transport, fonctionnaires et employés luxembourgeois).