Lors de sa traditionnelle conférence de presse de fin d’année, la Chambre de commerce a énuméré la liste des facteurs externes déstabilisant le modèle de croissance du Luxembourg. Une liste qui donne le tournis: instabilité géopolitique, Union européenne confrontée aux populistes, aux conflits internes et à la désinformation et incapable de prendre des décisions, déséquilibres démographiques, crise environnementale, scepticisme climatique et instabilité économique. «Des crises qui ne sont plus temporaires», insiste , le directeur général de la Chambre de commerce. Sur le front économique, il se dit inquiet du découpage entre la croissance mondiale et le commerce international. «Ce ralentissement de la mondialisation remet en cause nos modèles de croissance», insiste-t-il. En craignant que «ce découpage puisse s’accentuer avec les politiques protectionnistes de Donald Trump». Un décrochage qui s’accentue à chaque crise.
Panne de croissance
Dans ce contexte, le Luxembourg est en panne de croissance, constate Carlo Thelen. 2,7% en 2025 et 2% en 2026. «Des niveaux inférieurs à la moyenne historique de 1995 à 2023 de 3%.» Et pour ne rien arranger, la panne de croissance de l’Europe n’est pas une bonne chose pour le Luxembourg, «car 65% de toutes nos exportations vont dans nos pays voisins et 80% de toutes nos exportations vont dans l’Union européenne. Il est impératif de diversifier les destinations de nos biens et de nos services», détaille-t-il.
Ce contexte est anxiogène pour les entreprises, insiste Carlo Thelen. «Même si, selon les derniers résultats du Baromètre de l’économie, les entrepreneurs gardent espoir.» Notamment grâce à la stabilité gouvernementale. «Un gouvernement qui a une vision claire, qui a mis différents programmes pour soutenir l’économie et pour réguler la crise du logement et qui s’attaque aux procédures inutiles.» Les défis pour 2025, les entrepreneurs les voient dans le manque de main-d’œuvre (le plus grand problème pour 59% d’entre eux) et son coût (58%). Les problèmes liés aux conditions de financement (33%), les contraintes réglementaires (29%), l’accès abordable aux matières premières et à l’énergie (23%) et la perturbation des chaînes logistiques (8%) restent loin derrière.
Intelligence artificielle et défense
Si la Chambre de commerce se dit satisfaite des priorités et de l’action du gouvernement, elle l’encourage à aller plus loin pour se protéger contre toutes les sources d’instabilité énumérées et «qui semblent s’inscrire dans la durée». Et ce dans plusieurs directions.
La première d’entre elles est la restauration de la compétitivité et de la productivité. «Au-delà des réformes structurelles que nous appelons de nos vœux depuis des années, en matière de compétitivité-coûts notamment, il est urgent de stimuler la productivité par l’innovation», estime Christel Chatelain, la directrice des affaires économiques, pour qui il faut investir dans l’intelligence artificielle, vue comme «un levier qui pourrait faire repartir la productivité à la hausse». L’IA est vue aussi comme une source importante de diversification de l’économie, tout comme la défense. D’ici 2023, le Luxembourg doit porter son effort de défense à 2% du RNB – et peut-être même à 3%, anticipe Christel Chatelain, face au retour de Trump aux affaires. Soit, à terme, à plus de 1,4 milliard par an. Une manne que la Chambre espère voir investie dans l’économie nationale.
L’attractivité au cœur des réformes
Cette restauration de la compétitivité et de la productivité dépendront également, selon elle, de la poursuite de la politique de simplification administrative. Sur ce point, la Chambre a lancé une enquête auprès de ses membres pour identifier des axes d’amélioration concrets. «Axes qui seront communiqués au gouvernement en 2025.»
La Chambre de commerce insiste également sur la nécessité de rester attractif pour les talents. Elle a identifié deux «goulets d’étranglement» à cette attractivité: un marché du travail trop rigide et un manque criant de logements.
La grande question politique de 2025 sera liée au modèle social luxembourgeois. Et plus précisément, pour la Chambre de commerce, de sa soutenabilité. Soutenabilité au nom de laquelle elle presse le gouvernement de s’engager dans la triple réforme du système de pension, de l’assurance dépendance et de l’assurance maladie-maternité.