Marché du travail, transition énergétique, digitalisation, logement, attractivité et compétitivité économique, finances publiques… Un véritable inventaire à la Prévert. Et un décodage fouillé de l’accord de coalition à l’aune de ses propres recommandations, qu’elle avait consignées dans la demi-douzaine de livrets thématiques produits en amont des dernières élections législatives. C’est ce qu’a proposé la Chambre de commerce, ce 13 décembre, à l’occasion de sa conférence de presse de fin d’année, dite d’«analyse conjoncturelle».
Distribution de bons points
Assez facile de résumer cette séance de distribution de bons et de mauvais points: dans le document de synthèse distribué, au code couleurs semblable à un «nutriscore», les bons points l’emportent haut la main sur les mauvais. «Sur beaucoup de points, on est très contents. Par exemple, ils ont écrit à plusieurs reprises le terme “croissance”, alors qu’avec le dernier gouvernement on avait l’impression que l’on ne pouvait plus prononcer le mot», relève le directeur général . «On retrouve beaucoup d’éléments que nous avions proposés, c’est positif», souligne la directrice des affaires économiques Christel Chatelain.
Au rang des satisfactions, la Chambre de commerce identifie le maintien de la semaine de 40 heures, les engagements pris en matière de transition énergétique, la simplification administrative, l’extension de la digitalisation, les réponses apportées sur le logement, l’annonce de la réduction du taux d’imposition pour les entreprises – «un premier pas nécessaire», précise-t-elle. Là-dessus, tous les voyants sont au vert. «On a un cadre très pro-entrepreneuriat», salue Christel Chatelain. Un cadre propice au «renforcement de la substance économique», pour plagier Carlo Thelen.
La tranche indiciaire de 2024 risque de faire souffrir les entreprises.
En revanche, les indicateurs virent au rouge sur plusieurs dossiers où la Chambre de commerce estime qu’il manque un geste ou un effort de plus. Sans surprise, il en va ainsi du système d’indexation. «Bien sûr, on est contents qu’une tripartite soit demandée lorsqu’il y a plusieurs tranches», note la directrice des affaires économiques. «Mais on est toujours dans la discussion, il n’y a pas de système prévisible pour les entreprises», regrette-t-elle. «Peut-être aurait-on pu mieux faire. Surtout que l’on voit bien que les taux d’inflation redescendent. Cela restera une problématique dans les mois à venir, avec le risque d’un coût du travail qui s’envole.» «La tranche indiciaire de 2024 risque de faire souffrir les entreprises», prévient d’ores et déjà Carlo Thelen. La Chambre de commerce, et elle l’a rappelé lors de ce traditionnel rendez-vous de décembre, milite en faveur d’une «véritable réforme du système d’indexation des salaires selon trois piliers cumulatifs», que sont l’économique, le social et l’environnemental.
«On ne pourra pas faire plaisir à tout le monde, tout ne sera pas possible du point de vue des finances publiques», s’inquiète encore Christel Chatelain. Qui dit s’être étonnée de la fréquence à laquelle des termes comme «aides», «subsides» ou «subventions» apparaissent dans la feuille de route gouvernementale. «C’est une problématique. On ne dit pas que lorsque l’on sera à 30,1% [du PIB de dette publique], ce sera le cataclysme, mais c’est l’évolution qui est importante, et cette évolution n’est pas soutenable. À ce rythme-là, le plafond de 60% on y est dans 10 ou 15 ans. C’est beaucoup trop pour un petit pays ouvert qui compte autant sur le triple A.»
Faire vite
D’ici là, la Chambre de commerce réclame que soit résolue toutes affaires cessantes la crise de confiance des entreprises, illustrée par le Baromètre de l’économie du mois de novembre. L’indice obtenu après enquête auprès d’environ 650 organisations avait glissé sous la barrière symbolique des 50 sur 100 (48,9) pour la première fois depuis la crise sanitaire de 2020. En somme, la Chambre exige non seulement de passer à l’action, mais aussi de le faire vite.
«C’est en agissant dès les premiers mois de son mandat que le gouvernement enverra les signaux qu’attendent les entreprises pour retrouver la confiance perdue», juge Carlo Thelen. Pour lui, le logement compte au nombre des volets prioritaires. «C’est dans ce secteur qu’il faut agir à court terme pour redonner confiance dans l’offre. En parallèle, il y a des mesures pour alléger les coûts pour les ménages. Il faut la rétroactivité dans ces mesures. Cela peut relancer la demande», analyse-t-il.
On a besoin d’éléments concrets et d’un timing qui s’accélère.
«Bien sûr que la confiance peut revenir, on n’est pas négatifs», synthétise Christel Chatelain quand on lui demande le fond de sa pensée. «Mais la confiance s’érode depuis plusieurs mois. Ce qui pourrait la ramener, ce sont les premiers actes. Les premières mesures du gouvernement donneront le ton.» «Il ne suffit pas de lister des éléments, il faut savoir quand ils seront mis en œuvre, avec quelles priorités et avec quel impact sur les finances publiques», ajoute la dirigeante. Pour qui trop de chantiers sont en stand-by: «Au niveau de la digitalisation par exemple, des points comme le Only Once sont très positifs, mais il n’y a rien de nouveau. Le précédent gouvernement l’avait déjà mis dans ses priorités, et la loi européenne date de 2014.»
Même chose avec la réforme fiscale à l’écouter: «On en parle depuis longtemps, elle a été bottée en touche lors de la précédente coalition parce qu’ils ont estimé qu’il n’y avait pas les moyens budgétaires. Mais à côté de ça, l’environnement fiscal international continue de bouger. Il y aura notamment ces réglementations internationales sur le taux minimum d’imposition, il faudra que le gouvernement agisse au bon moment pour les entreprises.» Moralité: «On a besoin d’éléments concrets et d’un timing qui s’accélère.»
Une année «charnière»
Au vu d’un contexte international compliqué du fait des conflits armés et de leurs dommages collatéraux, la Chambre de commerce en convient: l’exécutif «n’a pas toutes les cartes en main». Mais «il appartient désormais au gouvernement de passer des annonces aux actes. Et surtout de le faire rapidement», insiste à son tour Carlo Thelen. «Les finances publiques luxembourgeoises étant fortement corrélées à l’évolution macroéconomique, les impacts sur les soldes budgétaires seront importants si les projets tardent à se concrétiser.» Autrement formulé, 2024 s’annonce comme une «année charnière pour la relance économique».