Il n’aura fallu que 15 jours pour mettre l’économie globale par terre. La présente crise, plus grave que celle de 2008 pour ce qui est de son impact économique, va encore nous occuper pendant de longues années. La formule peut paraître banale, mais le virus est bel et bien en train de changer le monde. Le monde post-Covid-19 ne sera plus le même que celui d’avant la pandémie.
Et pourtant, l’année 2020 commence plutôt bien. La dette souveraine est en baisse, les dépenses publiques sont, pour ainsi dire, tenues, la crise bancaire est derrière nous, la zone euro s’est, entre-temps, dotée de mécanismes de sauvetage ou tout au moins de moyens susceptibles d’atténuer les chocs. L’Union européenne vient de désigner ses nouveaux dirigeants pour les cinq années à venir. Même si elle ne fait plus rêver, elle est encore en état de fonctionnement. Son plus grand souci en ce début d’année, c’est l’issue incertaine des négociations portant sur les relations futures avec le Royaume-Uni, qui vient de lui tourner le dos.
Que ce soit au Moyen-Orient, en Libye, dans le conflit ukrainien, on n’attend (plus rien) de l’Union européenne.
Après près de 23 semestres de croissance ininterrompue, ayant permis la création de plus de 13 millions d’emplois, l’UE semble s’être durablement redressée grâce notamment à son marché intérieur et sa monnaie unique, moins contestée que lors de la période qui a suivi la crise financière de 2008. Par contre, ses performances dans le domaine des exportations mises à part, la situation de l’Union dans le monde est bien moins reluisante. Que ce soit au Moyen-Orient, en Libye, dans le conflit ukrainien, on n’attend (plus rien) de l’Union européenne. Les États-Unis, qui dominent toujours l’Alliance atlantique, fondement de notre sécurité, sont devenus moins bienveillants à notre égard. Entre-temps, les effets dévastateurs de la pandémie nous confrontent à un défi existentiel.
C’est sur cette toile de fond que les 27 États membres doivent se réinventer. Très peu de secteurs restent épargnés par un recul économique sans précédent. Que les entreprises soient petites, moyennes, voire systémiques, elles se tournent toutes vers l’État. Jusque-là, un double constat s’impose: la plupart des entreprises qui ne peuvent plus s’en sortir seules demandent ensuite aux autorités politiques de leur venir en aide, premièrement, et deuxièmement, nos États, à part ceux dits frugaux, ont réalisé que la sortie de la crise est devenue impensable sans l’intervention massive de l’Union européenne. Il aura fallu, une fois de plus, le caractère exceptionnellement dramatique d’une crise pour implorer l’Union européenne.
Tout porte à croire que l’indispensable lutte contre le changement climatique ne sera pas sacrifiée sur l’autel du redressement économique.
Paradoxalement, c’est la chancelière allemande, dont la fin politique a été maintes fois annoncée, qui a pris de court l’ensemble de la classe politique. En présentant, avec le président Macron, une proposition de relance d’un montant de 500 milliards, elle a définitivement balisé le chemin du redressement de nos économies. Les propositions de la présidente de la Commission von der Leyen augmentant l’offre à 750 milliards d’euros ne sont guère plus que le prolongement logique de l’initiative franco-allemande.
Sans vouloir trop spéculer sur les détails du plan de redressement, dont l’adoption requiert encore l’accord unanime des 27, l’on peut deviner d’ores et déjà les contours du monde post-Covid. Tout porte à croire que l’indispensable lutte contre le changement climatique ne sera pas sacrifiée sur l’autel du redressement économique. Concevoir la transition énergétique à l’échelle globale sera crucial si nous voulons que l’économie zéro carbone devienne réalité.
Si nous ne nous y prenons pas trop mal, dans les six mois qui viennent, la gestion de la présente crise nous permettra d’avancer plus en matière d’intégration européenne qu’au cours des 30 dernières années.
Par ailleurs, la digitalisation, dont l’utilité pendant la période de confinement est reconnue même par les plus sceptiques, va s’imposer à un rythme accéléré tant dans le domaine économique que dans la vie de tous les jours. De toute évidence, des investissements considérables vont devoir y être consacrés.
La souveraineté européenne va figurer en bonne place à l’agenda de l’UE. Elle va devoir se concrétiser avant tout dans le domaine industriel. À ce propos, le citoyen avide de sécurité est en avance sur le politique. Le temps où un ou deux pays produisent les médicaments pour le reste de la planète a vécu.
Aussi, à l’avenir, l’UE se heurtera-t-elle à des résistances de plus en plus importantes de la part des citoyens dans ses négociations commerciales, à moins de voir ses partenaires partager nos standards environnementaux et sociaux.
Finalement, à en croire Pascal Saint-Amans, expert de l’OCDE en matière de taxation, la tolérance zéro envers la fraude, voire l’évasion fiscale va devenir la norme.
Comme par le passé, cette crise nous fait explorer des voies novatrices et découvrir de nouvelles opportunités. Si nous ne nous y prenons pas trop mal, dans les six mois qui viennent, la gestion de la présente crise nous permettra d’avancer plus en matière d’intégration européenne qu’au cours des 30 dernières années.