Alors que la Commission européenne vient d’adopter une directive interdisant l’usage d’une dizaine de produits plastiques à usage unique d’ici 2021, il semble urgent de trouver des solutions de remplacement. Parmi celles-ci, l’amidon de maïs, le kraft, le coton, la bagasse (résidu de canne à sucre), le bois ou le papier sont régulièrement cités.
À Luxembourg, ces produits font fureur sur le marché des consommables. Mais sont-ils si écolos que cela? On en est loin, selon Jean-Michel Voets, responsable des achats chez Muller & Wegener, leader des consommables à Luxembourg.
«On veut laver plus blanc que blanc, mais ces produits sont fabriqués principalement en Asie et l’empreinte carbone est énorme pour les acheminer en Europe. Pour les sacs papier, il faut quatre fois plus de carton pour les emballer et de camions pour les acheminer que les sacs en plastique. Le papier est bien plus épais que le plastique, donc plus lourd et plus encombrant», déplore-t-il.

Jean-Michel Voets propose de nombreux substituts au plastique. (Photo: Muller & Wegener)
Un coût de fabrication trop élevé
Quant au coton, qui est une autre alternative aux sacs plastiques, c’est le procédé de fabrication qui nécessite le plus de besoins en eau. «Aucune de ces options n’est pleinement efficace. L’idéal, c’est de sensibiliser les consommateurs à se servir de sacs réutilisables», estime Jean-Michel Voets.
L’une des options également à l’étude et déjà en place chez nos voisins belges, c’est le sac de jute pour les fruits et les légumes. «C’est une excellente alternative, mais la plupart sont fabriqués en Inde. Cela reste toutefois un produit naturel qui demande peu d’eau pour sa production et pousse rapidement. Mais il n’est pas encore tout à fait apte au contact alimentaire, car cette matière ‘pluche’ énormément», explique notre interlocuteur.
Des déchèteries inadaptées aux nouvelles matières
Du côté de l’administration du ministère de l’Environnement, on est bien conscient de cette problématique, sans pour autant proposer de solution miracle.
«Les plastiques biodégradables constituent aujourd’hui, en dehors de certains domaines de niche, une très petite part des polymères utilisés. Bien que les chiffres exacts manquent au Luxembourg, leur part dans les modes d’élimination et de recyclage existants sera probablement inférieure à 1%. La problématique est de faire en sorte que les quantités et la qualité nécessaires à un tel investissement puissent être assurées», nous explique Simone Dengler, responsable de la communication de l’administration, qui ajoute qu’il «faut arriver à un tri des matériaux plus judicieux, mais c’est rendu compliqué par la multitude de produits, ainsi que par le manque de signalisation et les habitudes des gens lors du triage».
Néanmoins, lorsqu’on interroge Valorlux sur des adaptations éventuelles des déchèteries au Luxembourg, il semble que cela soit loin d’être fait. «Nous ne connaissons pas de projet d’adaptation en ce sens», nous dit-on dans l’entreprise de gestion des déchets.
Considérés comme des impuretés
Concrètement, les emballages à base de kraft peuvent techniquement être recyclés dans les déchèteries luxembourgeoises, mais dans les faits, ils le sont rarement. «Du papier souillé de nourriture n’est pas accepté dans cette collecte et doit être éliminé avec les déchets ménagers. Le plus souvent, ces papiers sont triés en tant qu’impuretés et retirés du processus de recyclage», confirme Simone Dengler.
Sans compter que, souvent, les papiers utilisés dans la restauration contiennent un revêtement plastique, afin d’être étanches. Ceux-ci ne se décomposent pas et sont donc aussi retirés du processus de recyclage.
Quant aux matières de type PLA (amidon de maïs) ou bagasse, il n’existe tout simplement pas de filière de recyclage, ni au Luxembourg ni dans les pays voisins.
La biodégradation des plastiques
Selon un rapport de la Commission européenne datant de 2018, «la fragmentation des plastiques oxodégradables (plastiques traditionnels qui contiennent des additifs destinés à accélérer la fragmentation de la matière en très petits débris, sous l’effet d’ultraviolets ou de la chaleur) nécessite de l’oxygène. Toutefois, dans la plupart des zones d’une décharge, notamment les zones intérieures, la quantité d’oxygène présente est faible.»
D’après ce rapport, «dans les couches profondes des décharges, la biodégradation des plastiques oxodégradables est faible, voire inexistante. En revanche, dans les couches externes, où la matière a accès à l’air, la dégradation aérobie est possible. Du point de vue de la protection de l’environnement, la principale différence est que la dégradation aérobie produit du CO2, alors que la dégradation anaérobie produit du méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus nocif que le CO2.»
La mauvaise influence des plastiques oxodégradables
Sans compter que ces additifs nécessaires à la biodégradation ne sont pas sans danger pour l’environnement. Ces résidus préoccupent la Commission européenne, qui ajoute: «S’il ressort des données disponibles que l’industrie des plastiques oxodégradables est en mesure de créer des produits dont les effets toxiques sur la flore et la faune seraient minimes, l’absence d’incidences négatives n’a toutefois pas été démontrée de manière concluante.»
Enfin, le rapport s’inquiète du fait de présenter les plastiques oxodégradables comme étant la solution au problème des déchets plastiques dans l’environnement. Cela pourrait, en effet, influencer sur le nombre d’abandons de déchets dans la nature, en augmentant la propension des consommateurs à se débarrasser des déchets plastiques de façon inappropriée.
Plus de 30.000 tonnes de déchets plastiques
Alors qu’en 2016, 30.901 tonnes de déchets d’emballages en plastique ont été générées au Luxembourg, 32,6% ont été recyclés et 62,5% ont été valorisés énergiquement, selon les chiffres fournis par l’Administration de l’environnement.
Dans le même temps, les ventes de sacs plastiques ont chuté de 50% chez Muller & Wegener. La moitié des plastiques vendus par cette firme au Luxembourg ont donc été supprimés et/ou remplacés par des matières biodégradables. Sans pour autant causer de dégâts sur le chiffre d’affaires puisqu’il était de 27,8 millions euros en 2018 et 27,5 millions en 2017.