Frontaliers, bénévolat, santé et culture: autant de sujets passés au second plan lors de cette campagne pour les législatives. (Photos: Romain Gamba/Maison Moderne/Shutterstock)

Frontaliers, bénévolat, santé et culture: autant de sujets passés au second plan lors de cette campagne pour les législatives. (Photos: Romain Gamba/Maison Moderne/Shutterstock)

Retraites, pauvreté, migration, frontaliers, santé, droits de l’Homme, bénévolat, institutions européennes, culture, égalité entre les femmes et les hommes: après les quatre thèmes fortement médiatisés pendant la campagne, pour ce cinquième volet, Paperjam revient sur 10 préoccupations dont on a beaucoup moins entendu parler. 

Tout au long de la semaine, Paperjam vous a présenté les thèmes les plus abordés dans la campagne des législatives 2023. Pour ce dernier volet, le point sur ceux qui, au contraire, n’ont pas été (assez) développés.

1. Les retraites

La population grandit, les pensions à payer aussi. Leur nombre a augmenté de 26,47% entre 2015 et 2022 selon un ). À la fin de l’année, le régime général enregistre un déficit des opérations courantes de 2,5 milliards d’euros, qui vient réduire de 9,39% la réserve, à un montant de 24,5 milliards.

qui a pour but d’assurer la stabilité financière du système de pensions, a quant à lui terminé l’année avec -3,15 milliards d’euros. Sa réserve représente «4,29 fois les dépenses annuelles des prestations de la CNAP». En 2021, ce multiple était supérieur à cinq. Il diminue également par rapport à 2019 et 2020. C’est beaucoup plus que nos grands voisins mais la fonte va s’accélérer sans action.

l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) craignait un épuisement des réserves pour les pensions en 2045.

Que faire pour y remédier? Entre et , le sujet s’est parfois perdu dans la campagne. Même si plusieurs partis l’évoquent dans leurs programmes, de manière plus ou moins concrète.

Le LSAP souhaite étudier des «modèles de financement alternatifs», la «possibilité de taxer le travail robotique» ou encore une simplification de la procédure de rachats des droits. Le DP «analysera les recettes et les dépenses en continu et procédera, si nécessaire, à des adaptations». Déi Gréng veulent maintenir le principe des 40 années de cotisation et prendre en compte les années de formation tout au long de la vie. Pour financer le système, il propose de prélever des cotisations sur les revenus du capital. L’ADR propose une réforme des retraites d’ici 2028. «Une fois toutes les possibilités épuisées, nous n’excluons pas une augmentation progressive de 8 à 9% des cotisations avec une répartition égale entre salariés, employeurs et État.» En outre, le parti envisage d’inciter les gens à «travailler plus longtemps, volontairement», sans pression, mais avec des encouragements.

Il s’agit en tout cas d’un sujet sur lequel quelques organisations attendent des mesures fortes et rapides, comme la et la

2. La pauvreté

La pauvreté, . Techniquement, la part de ménages ayant des «difficultés à joindre les deux bouts» a diminué en 2021, pour atteindre 24,8%, Un taux comparable à 2012 (25%), même si on était à 20% en 2005. Malgré tout, le risque de pauvreté, quant à lui, augmente. En 2021, le pourcentage de personnes disposant d’un revenu inférieur à 60% du revenu équivalent médian – seuil établi à 25.489 euros annuels – a atteint 18,1%. Ce taux connaît une ascension «quasi ininterrompue depuis 2012», avec une baisse en 2015 et une stagnation en 2020.

Pour y faire face, déi Lénk veulent remplacer le Revis par un revenu minimum au niveau du seuil de pauvreté, étendu et indexé tous les deux ans à l’évolution des salaires. «Renforcer les bénéficiaires du Revis», «adapter l’allocation de vie chère» et établir un «plan d’action contre la pauvreté» font partie des propositions du DP. Le LSAP veut augmenter le salaire minimum de 100 euros net en juillet 2024. Le CSV met l’accent sur la pauvreté des personnes âgées avec son idée d’«amélioration structurelle du minimum de retraite». Déi Gréng s’engagent à créer un service national central de prévention de la pauvreté. Le Piratepartei milite pour que le salaire minimum devienne non-imposable. Pour Fokus, il s’agit de réduire la pauvreté par le développement économique. KPL veut augmenter le salaire minimum, la pension minimum, le Revis et le revenu pour personnes gravement handicapées de 20%.

3. Migration et intégration

31.433 personnes ont rejoint le pays en 2022, 17.227 l’ont quitté, selon les chiffres du . Une immigration amplifiée par la guerre en Ukraine. Les personnes originaires de ce pays étaient les plus représentées, avec 4.268 immigrants, devant les Portugais (3.633 immigrants) et les Français (3.107 immigrants).

Pour les intégrer au mieux, le LSAP veut simplifier l’accès à la nationalité luxembourgeoise et offrir des cours de langue gratuits. Le CSV évoque une «stratégie de migration» avec une procédure accélérée à 12 mois maximum pour les demandes d’asile. «Si la demande est rejetée, les réfugiés seront renvoyés dans leur pays d’origine dans les plus brefs délais».

Déi Gréng consacrent un chapitre à l’intégration avec des idées comme ne plus limiter le projet «Cash for Food» à l’achat de nourriture, mais permettre aux réfugiés de percevoir des prestations en espèces et pouvoir gérer leur propre budget. Le Piratepartei prône une «politique d’asile respectueuse des droits de l’Homme». Si aucune décision n’est prise un an après le dépôt d’une demande de protection internationale, elle devrait «être automatiquement acceptée.»

Déi Lénk se positionnent sur une «garantie d’emploi», un droit ouvert à tous dès la deuxième année de résidence. Pour l’ADR, «les frontières devraient être ouvertes, mais uniquement pour les honnêtes gens.» Volt réclame le droit de vote pour les étrangers. Fokus développe l’idée de «centres d’accueil dans le monde entier pour les personnes qui souhaitent s’installer professionnellement au Luxembourg, où elles peuvent entrer en contact avec des entreprises à la recherche de travailleurs hautement qualifiés.»

4. Frontaliers et Grande Région

479.000 salariés. Parmi eux, près de la moitié résident de l’autre côté de la frontière. 121.000 en France, 51.000 en Belgique et 52.000 en Allemagne. Omniprésents dans le paysage économique, les frontaliers, qui ne votent pas au Luxembourg, sont pourtant absents de la campagne.

Les mesures proposées par les candidats les concernant se résument en trois idées: aménagement du territoire, mobilité et télétravail. Le DP souhaite «créer des possibilités de stationner attractives pour les frontaliers» et encourager la création d’espaces de co-working aux frontières. «Nous continuerons à travailler sur les accords bilatéraux pour établir un modèle de télétravail adapté aux frontaliers.»

Le LSAP vise «deux jours de télétravail par semaine pour les résidents et frontaliers». Le CSV parle de «large région de projets concrets». Déi Gréng veulent renforcer la participation politique des frontaliers. Déi Lénk plaident pour un Observatoire transfrontalier du logement dans la Grande Région. Le Piratepartei cite «l’instauration de la rétrocession fiscale selon le

5. La santé

Prise en charge des médicaments à 100% pour les personnes atteintes de cancer, meilleur accompagnement dans la reprise progressive du travail, élargissement de la prolongation du congé pour raisons familiales à toutes les maladies incurables telles que le diabète de type 1, garantir l’accès aux soins pour les demandeurs d’asile…  Du côté

Un thème là encore peu entendu lors de la campagne. Que proposent les candidats? KPL inscrit dans son programme la «création d’un hôpital régional à Grevenmacher et d’une polyclinique dans le canton de Redingen» ou encore le «transfert de tous les formations et services de santé privés vers le système de santé public». Pour le DP, la «décentralisation des soins de santé» est un pilier. La médecine de proximité est aussi au programme du LSAP et du CSV. Le LSAP parle également d’une revalorisation des métiers dans ce domaine. Le CSV compte développer la médecine ambulatoire.

Déi Gréng veulent donner la priorité à la prévention, tout en évoquant la santé mentale, la digitalisation du secteur et plusieurs mesures pour pallier la pénurie de personnel, de la formation à la création d’un statut pour les cliniciens exerçant des missions de recherche et d’enseignement. Déi Lénk souhaitent «transformer les centres hospitaliers en établissements publics de fait» et instaurer une couverture de santé universelle, mais aussi revaloriser le métier de sage-femme et lutter contre les violences gynécologiques et obstétriques.

Le Piratepartei s’engage pour un «dossier de soins partagé qui fonctionne réellement et dans l’intérêt du patient» et «offrir davantage de services en dehors de l’hôpital, par exemple dans des cabinets privés». Fokus veut une «expansion et une rénovation du réseau des Maisons médicales».

L’ADR souhaite de son côté un «effort pour aider les personnes qui ont subi les désavantages professionnels de la non-vaccination» contre le Covid. Et promet une «analyse complète neutre des mesures qui ont restreint les libertés pendant cette crise».

6. Les droits de l’Homme

L’Initiative pour un devoir de vigilance pointe du doigt «les entreprises domiciliées au Grand-Duché» dont les «activités à l’étranger menacent les droits humains et l’environnement». Composée de 17 organisations issues de la société civile, l’Initiative souhaite créer un «organe de contrôle indépendant» capable de sanctionner les entreprises ne respectant pas les «droits humains, [les] normes de travail ainsi que [les] accords et [les] dispositions environnementaux internationaux dans l’ensemble de la chaîne de valeur des entreprises».

Dans son programme, le LSAP dit qu’il s’engage à «créer un cadre en ce qui concerne le devoir de vigilance des grandes entreprises au niveau européen» et qu’ils continueront «à appliquer le “Pacte national”, basé sur les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains». Déi Lenk propose de veiller à ce que «toutes les dispositions des traités internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels qui ne sont pas suffisamment précises et complètes pour être directement applicables deviennent des droits opposables». Le DP et le CSV se disent contre une «législation nationale» concernant une «transposition de la directive européenne» sur le devoir de vigilance si celle-ci échoue.

Au sujet du devoir de vigilance des entreprises, plusieurs candidats ont répondu à un questionnaire que leur a soumis l’Initiative. Les représentants du DP et du CSV se sont dits «contre un renversement de la charge de la preuve en faveur des victimes» de violations des droits humains. Au sujet de la «responsabilisation de tout le secteur financier» «tous les “Spetzekandidaten” sont pour (…) sauf le représentant du DP», , a indiqué l’Initiative.

7. Le bénévolat

Tandis que l’Agence du bénévolat dit «observer un nombre croissant de bénévoles sur leur plateforme», l’«enquête sur le bénévolat au Luxembourg», réalisée par l’institut de sondage Ilres pour le ministère de la Famille, de l’Intégration et de la Grande Région en décembre 2021, indique «59% de résidents bénévoles actifs» et «69% de non-bénévoles» qui «se disent prêts à consacrer du temps à une association/organisation sur une base volontaire à l’avenir». Parmi les bénévoles actifs, de manière formelle ou informelle, «55%» s’engagent «au moins une fois par semaine». Il s’agit donc d’un sujet du quotidien pour de nombreux électeurs.

Volt estime que «le travail bénévole non rémunéré (…) n’a pas moins de valeur pour notre société que le travail rémunéré» et qu’ainsi «un revenu de base peut être un moyen de réévaluer la contribution des personnes». Déi Gréng, quant à eux, proposent dans leur programme d’introduire un «congé bénévolat», c’est-à-dire un «congé temporaire facultatif non – rémunéré d’une heure par semaine» pendant le temps de travail pour «permettre aux travailleurs de s’engager dans des causes sociales d’intérêt général».

Le CSV dit vouloir soutenir «davantage le volontariat sportif grâce à des avantages fiscaux» et vouloir «reconnaître davantage le travail bénévole» car «sans bénévoles, le monde du sport ne fonctionne pas.» Le Piratepartei veut «introduire une carte sportive, qui bénéficiera aux bénévoles des clubs sportifs et leur offrira des réductions et des avantages». L’objectif de cette proposition est que «le travail important des bénévoles [soit] indirectement récompensé et valorisé».

8. Le Luxembourg dans les institutions européennes

Alors que le Luxembourg est une des trois capitales de l’Union européenne (UE) avec Strasbourg et Bruxelles, et accueille onze institutions ainsi que deux écoles européennes, l’UE et la place du Grand-Duché dans l’Union n’a pas suscité de grandes envolées lors de la campagne. Déjà en 2022, le président de l’Union syndicale Luxembourg, le syndicat des fonctionnaires de l’UE ici, déplorait qu’il y ait «de moins en moins de personnes intéressées à venir travailler au Luxembourg».

Cela tient surtout au fait que le pouvoir d’achat au Luxembourg est inférieur de plus de 20% à celui de Bruxelles – mais le salaire est le même.» C’est pourquoi, selon le syndicat, «sur les 11.000 fonctionnaires européens travaillant au Luxembourg, 4.000 ne résident pas au Grand-Duché, mais dans la Grande Région.»

Pour le président, «il faut se demander pourquoi tant de gens ne veulent pas vivre dans ce pays».

Le Piratepartei souhaite créer un «grand fonds régional pour des projets communs dans la zone frontalière», afin d’«améliorer la qualité de vie des deux côtés de la frontière» et de fournir «des critères clairs pour une approche territoriale commune». Volt se prononce «en faveur d’une introduction massive du système de l’école européenne dans tout le pays, dans le but de remplacer à terme complètement le système scolaire luxembourgeois traditionnel».

L’ADR exige «un référendum obligatoire pour les modifications des traités européens, pour l’admission de nouveaux membres dans l’Union européenne, pour le transfert de droits de souveraineté à l’UE (…) et pour les changements importants dans la constitution luxembourgeoise.» Ces référendums ne seraient accessibles qu’aux personnes de «nationalité luxembourgeoise».

9. La culture

Un rapport de synthèse sur le public des musées de 2021, réalisé par le ministère de la Culture et le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser), montre que «les monuments historiques et les lieux industriels, qui avaient recensé les plus fortes hausses de fréquentation entre 1999 et 2009, voient cette croissance ralentir au cours de la décennie suivante. À l’inverse, le taux de fréquentation des musées et des sites archéologiques affiche une hausse constante de dix points tous les dix ans depuis 1999.»

Cependant, sur le panel de personnes interrogées, 49% répondaient que c’était le «manque d’information sur l’offre existante» qui faisait qu’ils n’allaient pas au musée. 21% mettaient le coût élevé des billets en cause tandis que 11% expliquaient qu’ils ne pouvaient pas se rendre dans des musées qui sont «souvent inaccessibles pour des personnes à mobilité réduite». De même, «mis à part les journées et entrées gratuites et les tarifs réduits pour les -21 ans, plus d’un visiteur sur deux n’a pas connaissance de différentes formules d’entrée à prix réduit», relate le rapport.

Dans son programme, déi Gréng s’engagent à «soutenir la culture “queer” et “drag” en tant que formes d’art» ou propose, afin d’encourager «les échanges culturels et l’esprit de communauté internationale», d’offrir «un billet Interrail financé par l’État» pour le «18e anniversaire» des jeunes adultes. Le DP souhaite la création d’un «dictionnaire numérique des artistes luxembourgeois et de l’artisanat local (…) sous la responsabilité du ministère de la Culture et en collaboration avec différents acteurs du milieu afin de faire connaître le pouvoir créatif de nos artistes aux plus jeunes» et s’engage à ce que «le budget alloué à la culture soit d’au moins 1% du budget de l’État.» Déi Lenk expliquent que «la culture n’est pas un luxe, elle est un moyen d’émancipation qui doit être accessible à tout le monde». Ils proposent «de créer une École supérieure d’Art (Kunsthochschule) qui sera intégrée dans le tissu académique du Luxembourg».

10. L’égalité femmes-hommes

L’Observatoire de l’Égalité fait état de «2.521 victimes de violence domestique physique» en 2022 contre 1.588 en 2018. Parmi ces personnes, l’Observatoire recense «3.022 femmes» contre «1.508 hommes». Dans le détail, 81 femmes ont été victimes de «violence domestique sexuelle», contre neuf hommes. 1.666 femmes et 855 hommes ont été signalés comme victimes de «violence domestique physique».

Dans un autre domaine, l’Observatoire remarque qu’en 2022, il n’y avait aucune femme CEO ou présidente des «plus grandes sociétés cotées». De même, «en 2022, la part des hommes et des femmes entre 15 et 64 ans en emploi est respectivement de 73% et de 67,1%.» L’égalité femmes-hommes reste donc un sujet, que ce soit dans la sphère privée ou publique.

Cependant, il s’agit d’un des grands absents des débats de la campagne électorale. Pourtant, la question de l’égalité de genres apparaît dans tous les programmes des plus grands partis. Certains d’entre eux, comme le LSAP, déi Gréng, déi Lenk et le Piratepartei utilisent même l’écriture inclusive. Fokus souhaite «que les deux parents aient la possibilité de travailler moins d’heures pendant une certaine période et d’avoir plus de temps pour la famille – sans perte de revenu». Le parti propose que «l’offre de garde d’enfants gratuite [soit] étendue». L’ADR met en avant que «l’égalité des chances ne signifie pas effacement des différences» et que «les valeurs de la famille et de la société ne doivent pas céder à la soi-disant “idéologie de genre”.»