Les gérants, administrateurs, cadres étrangers et indépendants ne peuvent bénéficier du gel du nombre de jours de télétravail. Le fisc belge s’était jusque-là bien gardé de le dire. (Photo: Shutterstock)

Les gérants, administrateurs, cadres étrangers et indépendants ne peuvent bénéficier du gel du nombre de jours de télétravail. Le fisc belge s’était jusque-là bien gardé de le dire. (Photo: Shutterstock)

Info Paperjam – L’accord quant au gel du nombre de jours de télétravail passé entre la Belgique et le Luxembourg, et prolongé jusqu’au 31 décembre, exclut une série de travailleurs: indépendants, gérants, administrateurs... Qui seront donc imposables dans leur pays de résidence.

La nouvelle va donner quelques aigreurs d’estomac à certains… Alors que la Belgique et le Luxembourg ont conclu pour les frontaliers, on découvre maintenant que nombre d’entre eux ne peuvent en réalité en bénéficier. Une information passée totalement sous les radars.

Pour rappel, une convention fiscale visant à éviter la double imposition des résidents belges qui travaillent au Luxembourg a été signée en 2015 entre les deux pays. Cet accord précise qu’un résident belge peut travailler hors Luxembourg, là où se trouve son lieu de travail, 24 jours par an, par exemple pour des missions à l’étranger, de la prospection ou du télétravail. S’il dépasse ce seuil de 24 jours, il redevient imposable dans son pays de résidence. décembre, une mesure de bon sens, puisque le lockdown a imposé largement le télétravail et .

Mais voilà que l’administration fiscale belge vient d’apporter des précisions quant à cet accord Covid. Et elles ne constituent pas une bonne nouvelle pour des centaines de travailleurs. «Nous avons été très surpris de découvrir ces spécificités et avons commencé à nous renseigner auprès des administrations en Belgique et au Luxembourg», indique Nesh Istrefaj, chargée de clientèle chez VO Consulting, qui a mis le doigt sur le problème.

Danger pour les indépendants, les administrateurs, les gérants…

En bref, le fisc belge considère que la barre des 24 jours reste totalement d’application pour une série de personnes, qui sont donc exclues des accords pris dans le cadre de la crise sanitaire. «Notamment les ‘détachés temporaires’, c’est-à-dire ces personnes qui effectuent des missions temporaires dans un autre pays, comme les consultants. Mais aussi tous ceux qui sont considérés comme cadres étrangers», précise-t-elle. Un cadre étranger est pour l’administration un «cadre détaché en Belgique ou recruté à l’étranger pour travailler temporairement en Belgique».

Surtout, sont aussi exclus des mêmes accords Covid les indépendants. Mais aussi les administrateurs et les gérants qui reçoivent de leur société un revenu en raison de leur activité.

Même les rares employés de la fonction publique luxembourgeoise qui habitent en Belgique font partie des concernés par l’exclusion.

L’impact est énorme. «Cela concerne beaucoup de nos clients, en effet», confirme Nesh Istrefaj. Les avocats et autres professions juridiques sont particulièrement concernés.

Ce qui motive cette position du fisc belge? «L’administration considère que les accords pris ne concernent que les salariés ‘simples’. Car ils se trouvent dans un cas de force majeure, comme les accords le soulignent: on leur impose de travailler de chez eux. Les autres, ceux qui sont visés par les exclusions, ont, pour le fisc, le choix: personne ne leur impose de rester chez eux, puisque ce sont eux leurs propres patrons. C’est évidemment une position discriminatoire», complète Nesh Istrefaj.

Et qui peut être vue comme allant dans le sens inverse des recommandations sanitaires. «Au final, c’est dire à des catégories de personnes d’aller sur leur lieu de travail, peu importe le contexte, sous peine d’en payer le prix fiscal.»

Techniquement, le gel des jours de télétravail selon la lecture belge ne porte que sur le seul article 15 de la convention de 2015 (les professions dépendantes), mais pas sur l’article 16 (les dirigeants de société). Pourtant, le paragraphe 2 de cet article 16 renvoie vers les dispositions de l’article précédent. «C’est vrai. Mais l’interprétation belge est que cette disposition est valable pour la convention de 2015, mais n’est pas visée par les mesures exceptionnelles prises dans le cadre de la crise sanitaire, qui n’évoquent pas cet article 16. On peut voir cela comme une manœuvre un peu vicieuse…», conclut Nesh Istrefaj. Qui déplore, renseignements pris, que «le Luxembourg se pliera aux interprétations belges».

Justifier tout son emploi du temps au fisc

Et ce n’est pas tout: la Belgique a aussi averti que tous les salariés belges du Luxembourg étaient susceptibles d’un contrôle fiscal. Si cela est le cas, ils devront fournir à l’administration un emploi du temps professionnel précis de leurs activités. «Il faudra attester en tant qu’employeur que, tel jour, l’employé était au bureau, tel jour, il était en maladie ou en congé, tel jour, en télétravail… Le fisc dit que c’est une demande légitime. Ce n’est pas faux. Mais dans le cadre de la crise sanitaire, nombre d’entreprises n’ont peut-être pas su ou pu tenir un relevé précis, prises par d’autres missions. Il faudrait en tenir compte.»

Le surcroît de travail dans les services RH sera, si cela n’a pas été fait, bien réel.

Selon les informations de Paperjam, , ni l’Allemagne, avec qui le Luxembourg a aussi des accords, n’ont décidé des mêmes contraintes et de considérer des cas d’exclusion.