Le Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff a été inauguré mercredi 30 novembre 2022. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff a été inauguré mercredi 30 novembre 2022. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

À Sanem, le nouveau bâtiment du centre pénitentiaire d’Uerschterhaff a été livré. Il a été inauguré mercredi 30 novembre et à partir du 5 décembre, il pourra héberger jusqu’à 400 hommes en détention préventive.

Le nouveau centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (CPU) est fin prêt à entrer dans sa phase active, 11 ans après le début de sa conception et cinq années après le début des travaux. Conçu par Christian Bauer et Associés Architectes, en collaboration avec les bureaux d’ingénieurs-conseils T. R. Engineering (génie civil) et Goblet Lavandier & Associés (génie technique) pour le compte de l’Administration des bâtiments publics, il a été inauguré mercredi 30 novembre.

Ce projet s’inscrit dans le contexte d’une modernisation du système pénitentiaire et contribue à l’amélioration des conditions de détention. Il permet en effet de séparer les personnes en détention préventive des détenus condamnés, et met l’accent sur le détenu et sa réinsertion sociale, avec une forte attention portée sur le maintien des liens familiaux.

Pour créer ce centre pénitentiaire, de nombreuses études ont été menées, ainsi que des voyages d’études dans d’autres centres en Belgique, en Allemagne, en France et en Suisse. La conception a également été le fruit d’une discussion collaborative soutenue entre l’équipe de maîtrise d’œuvre et l’Administration pénitentiaire. Il en résulte un bâtiment dont la conception permet de disposer d’unités de vie plus petites, accueillant donc moins de détenus, ce qui garantit davantage de liberté de mouvement au sein de celles-ci. Afin de répondre aux besoins des familles, le centre pénitentiaire dispose aussi d’une grande salle de visite, de parloirs séparés, ainsi que des chambres pour visites familiales.

Un schéma organisationnel strict

Le centre se répartit sur un terrain vaste de 8,6 ha et son architecture prend en considération la topographie naturelle du site, ce qui a permis de limiter son impact en hauteur. De forme hexagonale, il est ceint d’un mur haut de six mètres et long de 800 m. Au total, il peut héberger 400 hommes en détention provisoire et les 350 membres du personnel présents sur le site en roulement.

Dans l’enceinte, le CPU est composé de deux parties aux fonctions bien distinctes. La première est un bloc longitudinal de deux bâtiments parallèles dans lesquels se trouvent les espaces administratifs, l’institut de formation pénitentiaire, l’espace visiteur, l’espace des admissions, les espaces d’auditions, le centre médical, la cuisine, l’espace religieux, le hall sportif et un terrain de sports extérieur… Entre ces deux bâtiments parallèles se trouve un espace paysager comme on pourrait plus classiquement le retrouver dans des espaces de bureaux.

La seconde partie est composée de quatre bâtiments en forme de Y accolés se déployant en anneau. Ils sont réservés au séjour des personnes détenues. Ces bâtiments sont hauts de trois étages et peuvent accueillir jusqu’à 100 personnes. À chaque niveau, trois unités d’hébergement sont organisées autour d’un pôle central de surveillance. Dans chacune des ailes d’hébergement, on trouve trois types de cellules (individuelle de 11 m2, double de 15,8 m2 ou double pour PMR de 18 m2). Ces espaces de cellules sont complétés par des douches, une kitchenette équipée, des salles d’activités, une cabine téléphonique, une buanderie, des bureaux.

Ne pas punir par l’architecture

«Notre volonté était de ne pas punir les détenus avec l’architecture», explique Frank Murawski, architecte et managing partner chez Chrisitan Bauer & Associés Architectes. «Nous avons développé le projet dès le début main dans la main avec l’utilisateur et d’Administration des bâtiments publics, ce qui a permis une collaboration étroite et fructueuse pour trouver les meilleures solutions possibles.»

On peut souligner par exemple que les cellules disposent toutes d’une grande fenêtre avec un ventail pour l’aération naturelle et un rideau, et que les barreaux ne sont pas disposés de manière verticale, mais horizontale, ce qui est moins agressif pour le regard et se rapproche plus, esthétiquement parlant, d’un store ou d’un pare-soleil fixe, sans pour autant être moins sécurisant. «Les murs sont laissés en béton brut, mais sont associés à un sol en résine et à un plafond peint, ce qui induit une certaine qualité architecturale à l’intérieur des cellules.» Au niveau du mobilier, on trouve dans chaque cellule un lit une personne, un bureau, une armoire ouverte, une télévision, un frigo, un lavabo et un w.c..

Des espaces de promenade sur le toit

Sur la toiture plate de ces unités de logement se trouve une cour à l’air libre accessible par une cage d’escalier extérieure à l’unité d’hébergement. D’une surface de 150 m2, elles sont grillagées, ouvertes à l’air libre et équipées d’une zone couverte pour se protéger des intempéries. «Le fait que chaque Y dispose de sa cour permet aux détenus de pouvoir passer plus de temps à l’air libre que s’il n’y avait qu’une seule grande cour pour l’ensemble des détenus», explique Frank Murawski.

De plus, les architectes ont proposé d’ajouter des «puits» ouverts au sein de chaque bâtiment permettant à tous les détenus d’avoir une relation supplémentaire avec l’extérieur et de la lumière naturelle.

Des défis inhabituels

Mais ce projet n’a pas été sans défi. Certains éléments qui sont d’habitude sans grande difficulté ont pris dans ce projet une autre dimension. C’est le cas par exemple de la gestion de la sécurité contre le feu. «Nous avons dû prévoir un système qui assure la sécurité, mais prévient de la fuite. Cela a demandé beaucoup de réflexion technique et une coordination intense avec les ingénieurs du bureau Goblet Lavandier & Associés», précise Frank Murawski. Autre défi peu courant: le nombre de portes. «Il y a 2.300 portes dans l’ensemble du centre, avec de nombreuses caractéristiques et spécificités différentes», détaille l’architecte.

Au cours de la conception, une grande vigilance était également de mise: l’ensemble des plans ne pouvaient pas être transmis aux différents corps de métier, les prestataires devaient se déplacer au bureau des architectes pour consulter les plans et les brouillons étaient détruits par un déchiquetage certifié.

Une zone dédiée aux transports

Une dernière zone est placée à l’extérieur de l’enceinte. Il s’agit des espaces réservés à l’unité de garde et de réserve mobile de la Police grand-ducale qui assure le transport des prévenus entre la Cité judiciaire à Luxembourg et le centre pénitentiaire. Cette dernière est placée à l’extérieur du périmètre, sans lien direct avec le service du Centre pénitentiaire.

En complément, un vaste parking surveillé de 301 places se déploie devant la zone d’entrée. 80 places supplémentaires sont réservées pour le personnel et le public.

Par ailleurs, l’ensemble de ce nouveau complexe est conçu pour répondre aux exigences énergétiques que s’impose l’Administration des bâtiments publics: efficacité de l’enveloppe extérieure, réduction des pertes énergétiques, activation thermale des dalles et optimisation des installations techniques en vue d’une consommation d’énergie réduite. Aussi, la production d’eau chaude est assurée par des capteurs solaires thermiques, la production d’électricité par des panneaux de photovoltaïque.

Le centre pénitentiaire a une forme d’hexagone. (Photo: Administration pénitentiaire)

Le centre pénitentiaire a une forme d’hexagone. (Photo: Administration pénitentiaire)

La mise en service du Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff se fera de manière progressive à partir du 5 décembre. Environ 250 prévenus, actuellement à Schrassig, seront transférés à Uerschterhaff. En date du 29 novembre, le Centre pénitentiaire de Luxembourg comptait 635 détenus, dont 322 hommes en détention préventive.

La prison de Schrassig, qui est en mauvais état, va connaître une série de travaux et de réaménagements, confiés au bureau architecture et aménagement qui sont les architectes du bâtiment original.

D’autres photos sont également disponibles

Fiche technique

Maître de l’ouvrage

Ministère du Développement durable et des Infrastructures

Administration des bâtiments publics

Maîtrise d’œuvre

Architecte: Christian Bauer et associés architectes

Ingénieur en génie civil: TR – Engineering

Ingénieur en génie technique: Goblet Lavandier & Associés Ingénieurs-conseils

Bureau de contrôle technique: Vinçotte Luxembourg

Expert en sécurité: BULL Ingenieurplan

Organisme agréé: Luxcontrol

Coordinateur sécurité santé: D3 Coordination

Concept énergétique: Ernst Basler + Partner

Entreprises

Travaux de terrassement et de gros œuvre: Association momentanée Soludec/Poeckes/Karp-Kneip

Surfaces et volume

Surface nette d’exploitation totale: 23.100 m2

Surface brute totale: 45.300 m2

Volume brut construit: 170.000 m3

Coût du projet

Budget: 171 millions d’Euros TTC

Dates-clés

Vote de la loi: 24 juillet 2014

Début de chantier: mai 2017

Inauguration: 30 novembre 2022

Mise en service: décembre 2022

Localisation:

9, rue d’Uerschterhaff

L–4985 Sanem