La crise de l’hiver dernier a forcé la Commission à revoir son approche de la question agricole. C’est à Christophe Hansen qu’échoit la tâche d’élaborer la vision à long terme de la Commission sur l’agriculture. (Photo: Shutterstock)

La crise de l’hiver dernier a forcé la Commission à revoir son approche de la question agricole. C’est à Christophe Hansen qu’échoit la tâche d’élaborer la vision à long terme de la Commission sur l’agriculture. (Photo: Shutterstock)

Christophe Hansen aura un agenda chargé ces 100 prochains jours. Sur la base des conclusions du dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture, il va devoir élaborer ce qui deviendra la vision pour l’agriculture et l’alimentation de la Commission.

, sous réserve que sa nomination soit entérinée par le Parlement européen, a hérité d’un portefeuille clé et convoité au sein de l’exécutif européen: celui de l’Agriculture et de l’Alimentation. Un portefeuille qui, traditionnellement, n’est attribué qu’à un grand pays agricole. Le PPE avait été très clair après le dernier scrutin européen: il n’était pas question que le poste de commissaire à l’Agriculture revienne à un autre parti. La crise agricole de l’hiver dernier avait remis l’agriculture, l’alimentation et la souveraineté alimentaire au premier rang des préoccupations politiques. Il était donc hors de question pour la droite européenne de laisser ce portefeuille à d’autres partis, en particulier aux Conservateurs et Réformistes Européens (CRE), comme ce fut le cas de 2019 à 2024, lorsque le portefeuille avait été confié au Polonais Janusz Wojciechowski. En échange, le groupe CRE a obtenu la présidence de la commission Agriculture du Parlement européen. Avec le soutien politique du PPE, le commissaire à l’Agriculture devrait avoir une influence considérable au sein de la Commission, mais pas au point d’avoir obtenu une vice-présidence exécutive.


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C’était pourtant une demande des principaux syndicats agricoles, renforcés par la crise de l’hiver dernier. Ces syndicats avaient été invités en janvier dernier par Ursula von der Leyen à contribuer à un «dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’Union européenne». Une trentaine d’organisations, censées représenter l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur agroalimentaire – des organisations agricoles aux associations environnementales, en passant par les distributeurs et les producteurs de produits phytosanitaires –, avaient été sélectionnées par la Commission. Ce dialogue stratégique a entraîné la disparition, dans l’agenda de la Commission, de la loi-cadre pour des systèmes alimentaires durables, autrement dit la stratégie dite «de la ferme à la table», déclinaison agricole du Green Deal de l’UE.

Après sept mois de travaux, les participants se sont mis d’accord sur l’évolution de la Politique agricole commune (PAC) qu’ils souhaitent voir mise en œuvre dès les deux prochaines versions de cette dernière qui devraient entrer en vigueur en 2028 puis en 2036.

La fin des paiements directs et de la conditionnalité

Quelles sont leurs propositions? Un plaidoyer pour une réforme en profondeur de la PAC via deux recommandations phares.

Première recommandation: mieux cibler l’aide au revenu de base des agriculteurs. Cette aide, qui est la mesure la plus coûteuse de la PAC, est souvent critiquée pour ne pas être liée aux besoins socio-économiques des agriculteurs. Comment? En s’éloignant du modèle actuel des paiements à la surface non dégressifs, également appelé «système des paiements directs actuels», afin de favoriser les petites exploitations, les exploitations mixtes et les jeunes exploitants.

Deuxième proposition: revoir l’architecture du volet environnemental de la PAC en abandonnant le système actuel basé sur le respect des «bonnes conditions agricoles et environnementales» (BCAE) – telles que les jachères ou l’interdiction du labour dans certaines zones – au profit d’un système de paiements environnementaux ciblés et axés sur les résultats. Ce nouveau système inciterait au développement de pratiques agricoles favorables à l’environnement, tout en offrant aux agriculteurs un revenu supplémentaire stable et prévisible. En parallèle, le rapport demande une augmentation substantielle du budget alloué au volet environnemental de la PAC.

Remettre les agriculteurs au centre de la chaîne des valeurs

À côté de ces deux recommandations centrales – la fin des «paiements directs» et de la «conditionnalité», comme on les appelle dans le jargon communautaire –, le rapport propose de nombreuses mesures pour renforcer le revenu des agriculteurs et leur place dans la chaîne de valeur. Parmi celles-ci, on trouve la garantie que les agriculteurs puissent recevoir des revenus décents du marché et ne soient pas contraints de vendre leurs produits en dessous des coûts de production. Le rapport recommande également d’encourager les agriculteurs à rejoindre des coopératives ou des associations de producteurs afin de réduire les coûts, d’accroître l’efficacité, de renforcer leur pouvoir de négociation et d’améliorer les prix du marché.

Les signataires du rapport demandent que les agriculteurs aient «une vue d’ensemble claire de toutes les législations applicables à leurs exploitations en matière d’environnement, de bien-être animal et d’emploi», et que des services de conseil et de formation leur soient fournis. Ils préconisent également une amélioration du système d’évaluation de la durabilité des secteurs et des exploitations agricoles, afin de favoriser la prise de mesures législatives «appropriées» et d’éviter une multiplication des normes qui compliquent, sur le terrain, la transition vers une agriculture durable.

Pour financer les mesures environnementales, les signataires proposent de créer deux nouveaux fonds, distincts de la PAC: un fonds de restauration de la nature et un fonds pour une transition agroalimentaire juste qui aiderait les acteurs aux moyens financiers limités de financer les investissements de transition.

Un poste politiquement exposé

Les participants à la discussion demandent aussi à la Commission de proposer une révision du paquet sur le bien-être animal d’ici à 2026. Un sujet qui n’est pas dans le champ des compétences de Christophe Hansen mais d’Olivér Várhelyi commissaire à la Santé et au bien-être animal.

Dernière recommandation: poursuivre et institutionnaliser le dialogue entre les institutions de l’UE, les acteurs de la chaîne de valeur agroalimentaire, les organisations de la société civile et les scientifiques via un «conseil européen de l’agroalimentaire».

Christophe Hansen va devoir s’emparer de ces propositions, mais aussi des «conclusions sur l’avenir de l’agriculture» adoptées par les ministres de l’Agriculture des États membres le 24 juin dernier pour dégager la nouvelle stratégie agricole de l’UE. Il devra également tenir compte de sujets potentiellement explosifs comme l’avenir des pesticides et l’intégration de l’agriculture ukrainienne – où comment aider Kiev tout en protégeant les agriculteurs européens d’une concurrence sans précédent?

Pour ce faire, Christophe Hansen devra composer avec les différents commissaires dont les attributions ont un impact sur la PAC. Il lui faudra donc de solides capacités de négociation pour dialoguer avec toutes les directions générales de la Commission impliquées, les États membres et l’ensemble des acteurs de la filière.