Les récipients devront être réutilisables dans la restauration en salle dès 2023 et dans la vente à emporter à partir du 1 er  janvier 2025. (Photo: Mathilde Obert/Maison Moderne)

Les récipients devront être réutilisables dans la restauration en salle dès 2023 et dans la vente à emporter à partir du 1 er  janvier 2025. (Photo: Mathilde Obert/Maison Moderne)

«Impossible» pour certains, économiquement rentable pour d’autres… La mise en pratique du zéro déchet est vue de différentes manières dans la restauration. Qu’on parle de coût ou de gain, plusieurs ont fait le calcul.

Le compte à rebours est lancé. . Mais combien cela va-t-il leur coûter?

Au Phenicia, où la vente à emporter représente 10% du chiffre d’affaires, le budget emballages correspond à environ 10.000 euros par an. «Une boîte pour un taouk coûte 40 centimes», illustre le propriétaire du restaurant libanais, Kefah Bader Aldin. Auxquels on peut ajouter «15 centimes pour la petite boîte dans laquelle on met la sauce, 16 centimes pour une autre avec les frites, 16 centimes avec l’entrée». Ce qui amène à un coût d’environ «80 centimes» pour une commande à emporter, arrondit-il. Celui-ci est compris dans le prix total. La première option à laquelle le restaurateur pense lorsqu’on lui parle d’emballages réutilisables, c’est déjà existante. Son coût: 5 euros l’unité, sous forme de «consigne». Ainsi,  après utilisation de l’Ecobox, le client peut en recevoir une nouvelle ou récupérer ses frais de caution, peut-on lire sur le site dédié à ce système.

Nous pourrons trouver des solutions, faire des Ecobox pour pizzas.

Hamza OthmaniresponsableCheesy

22.500 euros d’investissement, mais 10.000 euros en moins par an

Pour une «bonne journée de livraison, on aurait besoin de 60 Ecobox», calcule alors Kefah Bader Aldin. Pour lui, il serait nécessaire de les commander au mois, pour éviter d’en manquer lorsque les clients ne les ramènent pas ou tardent à le faire. Soit 1.500 pour 25 jours, à multiplier par cinq, le prix de l’Ecobox. Ce qui représenterait un investissement de 7.500 euros, estime-t-il. Sans compter les , le set coûtant 10 euros, qui pourraient revenir à 15.000 euros par mois si tous les clients en prenaient.

L’investissement serait cependant rentabilisé en moins de trois ans puisque les 22.500 euros en une fois remplaceraient les 10.000 euros par an d’emballages jetables.

Le restaurateur devra aussi prendre en charge le nettoyage des Ecobox qui lui sont retournées. Kefah Bader Aldin imagine que cela représentera «une heure de travail en plus» à payer au niveau de la main-d’œuvre chaque jour.

Concernant les boissons, la consigne coûte aujourd’hui 20 centimes pour une bouteille en verre de 20 centilitres utilisée en salle et rendue au fournisseur, révèle-t-il. Un prix qui pourrait revenir aux frais du client à long terme, si la consigne s’applique aussi dans la vente à emporter.

Une demande des clients

L’utilisation de contenus réutilisables semble plus difficile pour les pizzas, même si des modèles existent sur le marché, découvre-t-on après une rapide recherche internet. «Nous pourrons trouver des solutions, faire des Ecobox pour pizzas», ajoute Hamza Othmani, responsable du restaurant italien Cheesy. Qui voit l’utilisation d’emballages réutilisables comme une bonne solution d’un point de vue écologique, mais aussi économique. «Les emballages sont quand même coûteux.» Aujourd’hui, un carton à pizza personnalisé revient à 60 centimes et une boîte pour les pâtes à 50 centimes. «Avec le sachet et les couverts, cela peut aller jusqu’à 1 euro» par vente à emporter. Sachant que le take-away représente près de 50% de son activité. Le restaurant, ouvert depuis seulement deux mois, commence d’ailleurs à se renseigner pour acquérir des Ecobox pour ses pâtes. «Je reçois un à trois clients par jour qui en ont une, mais je ne peux pas la récupérer pour en donner une nouvelle», comme le veut le système. Il estime en nécessiter une cinquantaine. Soit un investissement de 250 euros à 5 euros la boîte.

Pour les boucheries Emo, qui proposent également des points de restauration sur place ou à emporter, «c’est techniquement impossible» de passer à des contenants réutilisables, estime Jean-François Dieuze, responsable Grands comptes pour le groupe Cobolux, dont Emo fait partie. «Je vois mal un client se balader avec ses cinq boîtes pour le burger, les frites, la boisson, la salade…» L’entreprise affirme avoir augmenté ses coûts d’emballage de «10-15%» l’année dernière pour mettre fin au plastique réutilisable. «Nous avons mis en place des cuillères et des fourchettes en bois, en bambou.» Aujourd’hui, les emballages représentent un budget annuel de «160.000 euros» pour tout le groupe. Un emballage pour un burger, par exemple, coûte «0,0003 centimes», selon Jean-François Dieuze. Si l’entreprise doit passer au tout réutilisable, «cela aura un coût, c’est clair. Je n’ai pas de chiffre, mais peut-être 10-20% en plus», imagine-t-il.

La crainte de perdre des clients

Cela se répercutera sur le prix final pour le client, «en plus des hausses des coûts de l’essence, de la viande. Les gens vont réfléchir à deux fois avant d’acheter un filet de bœuf», craint-il.

Pour les boissons, «nous suivrons le mouvement, mais nous n’avons pas de machine pour les consignes. Les clients devront aller dans un centre.»

Le take-away est un achat souvent non planifié.
Tom Steffen

Tom SteffenCEOGroupe Steffen

«Le risque du manque à gagner me fait plus peur que le coût du changement», confirme Tom Steffen, CEO du groupe Steffen. Il ne communique pas son budget emballages, mais affirme que cela ne le dérangerait pas de l’augmenter pour des raisons écologiques. «C’est le prix du changement, c’est une bonne chose.» Le problème pour lui vient du fait que «le take-away est un achat souvent non planifié, qui répond à un besoin immédiat». Il raconte être passé, sous les conseils de son distributeur, d’un emballage en verre à un emballage en plastique pour ses soupes. «Les ventes ont été multipliées par six. Au moment de l’achat, le client reste dans le confort.» Il s’interroge également sur l’organisation, en cas de forte affluence. «Je ne peux pas remplir des salades minute, elles doivent être pré-emballées.» Lui interprète cependant la loi comme une «non-gratuité d’emballage» plutôt qu’une interdiction totale des emballages jetables. Cela concerne en fait la vente de marchandises ou de produits. Le ministère de l’Environnement prévoit une conférence de presse pour préciser les mesures.

Le casse-tête des fast-foods

Selon la coordinatrice aux Affaires européennes de la Chambre des métiers, Anne Majerus, pour les restaurants, il s’agit bien d’une obligation de passer au zéro déchet. Elle cite le texte 7659, dans lequel on peut lire: «À compter du 1er janvier 2025, les récipients, barquettes, assiettes et couverts utilisés dans le cadre d’un service de livraison de repas à domicile ou en cas d’un service de repas à emporter sont réemployables et font l’objet d’une reprise.»

Cette même obligation s’applique d’ailleurs au service en salle dès le 1er janvier 2023. Rien de nouveau pour la restauration classique, en revanche, il s’agit d’un changement total pour les enseignes de restauration rapide, dans lesquelles on jette ce qu’il reste du plateau dans la poubelle une fois le repas terminé.

Comment vont-elles s’adapter? «La personne responsable de Subway pour la France, la Belgique et le Luxembourg doit venir en mai pour en discuter», révèle Soumaila Traoré, propriétaire de deux magasins Subway au Luxembourg. Pour lesquels le budget emballages s’élève à 20.000 euros par an. Pour lui, la loi déchet «nous arrange en matière de coûts». La charge de travail supplémentaire pour nettoyer les emballages réutilisables remplacerait peut-être celle, déjà importante, selon lui, pour la gestion de ceux jetables, de leur arrivée au restaurant à leur départ, sous forme de déchets. «On a un carton par semaine.» Reste donc à savoir à quoi ressembleront ces fast-foods zéro déchet.