Une grosse moitié du prix du billet représente le coût de l’opération (frais de personnel, d’entretien des avions). Le carburant et les taxes représentent quasiment l’autre moitié.  (Photo: Shutterstock)

Une grosse moitié du prix du billet représente le coût de l’opération (frais de personnel, d’entretien des avions). Le carburant et les taxes représentent quasiment l’autre moitié.  (Photo: Shutterstock)

Au printemps, les prix des billets d’avion se sont envolés et ont augmenté de 19% en mai par rapport au mois précédent. Mais d’une compagnie aérienne à l’autre, les disparités en termes de prix questionnent. Alors, que paie-t-on vraiment lorsqu’on achète un billet d’avion?

Dans un récent rapport, le Statec souligne que les prix des billets d’avion se sont envolés de 19% en mai 2024 par rapport à avril. Pour les voyages à forfait, la hausse est de 9%. En cause, des retards de livraison d’appareils obligeant certaines compagnies à compenser une perte de passagers, mais aussi des opérations de maintenance forcée, comme pour la compagnie Wizz Air, qui a dû immobiliser 20% de sa flotte. Pour d’autres compagnies, comme Air France-KLM, les difficultés résident dans l’approvisionnement de pièces détachées.  

Plus que les hausses de prix, ce sont les écarts de prix entre les compagnies classiques et celles qualifiées de low cost qui sont plutôt frappants. Prenons quelques exemples concrets. Un vol Luxembourg-Lisbonne en plein mois de juillet: il est proposé à 339€ avec TAP Portugal et 452€ avec Luxair. Pour un Luxembourg-Berlin, le prix peut aller du simple au double: 64€ avec Ryanair, 116€ avec Luxair. Pour un Luxembourg-Barcelone, il faudra compter 113€ avec Ryanair et 262€ avec Luxair, mais pas les mêmes jours. Enfin, autre exemple avec un Luxembourg-Milan, fixé à 32€ par Ryanair, 40€ par Easyjet et 91€ par Luxair. Des différences de prix qui se justifient en grande partie selon le business model de chaque compagnie. 

Près de la moitié du prix d’un billet représente ce que l’on appelle le «base fare», comprenez le «coût de l’opération», c’est-à-dire le prix de base, sans compter les taxes et autres frais supplémentaires, selon l’Association du transport aérien international (Iata), qui précise: «C’est la partie du prix qui couvre les frais de fonctionnement de la compagnie aérienne, tels que le salaire des pilotes, du personnel de bord, les frais d’entretien des avions et autres frais opérationnels. Cela peut représenter environ 50% à 60% du prix du billet.» Dans son rapport intitulé «World Air Transport Statistics», l’agence internationale évoque l’autre coût majeur pour une compagnie lorsqu’elle fait voler ses avions: «les carburants et l’huile», ce qui représente de 15 à 30% du prix du billet – en moyenne 29,7% en 2023 compte tenu des prix du pétrole. Le document souligne aussi que cette répartition des coûts varie considérablement selon les régions d’où sont originaires les compagnies. Par exemple, «en Amérique latine et dans les Caraïbes, le carburant des avions représente 36,3% du coût total des compagnies aériennes, contre 25,5% en Amérique du Nord». En Europe, le taux est similaire à celui de l’Asie-Pacifique à environ 20% du prix du billet. Quoi qu’il en soit, «le coût du carburant est généralement l’un des éléments les plus importants, sinon le plus important, des coûts d’exploitation d’une compagnie aérienne».

Viennent ensuite «les taxes et frais, qui peuvent représenter 25 à 35% du prix du billet», détaille Luxair. La seule qui a accepté de nous répondre et de détailler ces frais, en partie. Parmi ces taxes, la taxe aéroportuaire perçue par les aéroports pour l’utilisation de leurs infrastructures et qui inclut notamment les frais d’atterrissage, de stationnement des avions et l’utilisation des terminaux; la taxe de sûreté, qui couvre les coûts de sécurité, tels que les contrôles de sécurité des passagers et des bagages; et la taxe de passage, souvent utilisée pour financer les infrastructures aéroportuaires. 

Luxair ajoute: «Les frais de réservation, tels que les commissions liées aux paiements par carte de crédit, peuvent représenter 10% du coût des billets.» Alors qu’en est-il, après cela, du profit de la compagnie aérienne? La compagnie luxembourgeoise n’a pas souhaité nous fournir plus de détails sur ce point: «Pour des raisons commerciales, nous ne partagerons pas plus de détails concernant les frais de personnel ou le bénéfice.» Selon l’Iata, «cette marge peut varier largement, mais elle est souvent faible, allant de 1% à 5% du prix du billet». 

Les compagnies low cost restent discrètes

Également contactées pour plus de détails sur leur politique tarifaire afin de comprendre les disparités d’un opérateur à l’autre, les compagnies low cost Ryanair et Easyjet n’ont pas répondu à nos sollicitations. La seconde nous a simplement répondu: «EasyJet propose des tarifs compétitifs et un bon rapport qualité/prix face à la concurrence grâce à notre modèle de maîtrise des coûts sur notre réseau d’aéroports principaux.»

Et face aux modèles low cost, Luxair dit vouloir exprimer «sa préoccupation quant aux pratiques tarifaires de certaines compagnies aériennes qui proposent des billets à des prix extrêmement bas, souvent inférieurs même aux coûts des taxes aéroportuaires. Cette stratégie de tarification ne permet pas de couvrir adéquatement les frais essentiels tels que le personnel, le carburant et l’entretien, compromettant ainsi la durabilité et la qualité des opérations aériennes. Ces pratiques de sous-tarification peuvent induire les consommateurs en erreur, leur donnant l’impression que voyager en avion est exceptionnellement économique. Il est crucial de reconnaître que ces offres sont souvent des tactiques commerciales agressives destinées à éliminer la concurrence. Ces tactiques nuisent non seulement à l’industrie en créant une fausse impression de la réalité économique du transport aérien, mais elles portent également préjudice à des compagnies comme Luxair», commente la compagnie luxembourgeoise. 

Mais ce qui explique la différence de prix entre une compagnie traditionnelle et une compagnie low cost tient d’abord dans la structure des coûts et son business model. Les «low cost» parviennent à minimiser leurs coûts de plusieurs façons pour pouvoir proposer des billets dont le prix de base se veut plus compétitif. Si les coûts du carburant sont plus difficiles à réduire, selon leur business model, les compagnies low cost peuvent par exemple «jouer» sur le coût de l’opération (base fare).

Cela dépend de leur politique de rémunération par exemple, mais aussi des frais d’entretien des avions. En la matière, les compagnies low cost disposent souvent de flottes standardisées, pour réduire les coûts de maintenance et la formation de pilotes sur d’autres appareils. Ainsi, Ryanair vole principalement avec des avions Boeing, tandis que la britannique Easyjet a opté pour le concurrent Airbus. Pour réduire le montant des taxes, Ryanair privilégie les aéroports secondaires, où les taxes aéroportuaires sont habituellement moins élevées. Elle assure une rotation de ses avions, ce qui contribue aussi à réduire ses frais de stationnement. Contrairement à Ryanair, Easyjet privilégie les aéroports principaux, mais elle use de la même stratégie pour générer des revenus supplémentaires, en proposant des services optionnels, et de moins en moins gratuits.  

L’utilisation de revenus accessoires

Un aspect clé de la stratégie tarifaire des compagnies low cost est l’utilisation de revenus accessoires. Elles facturent des frais supplémentaires pour presque n’importe quel service en plus de l’achat du billet d’avion. Parfois, l’accumulation de tous ces services annexes fait doubler le prix initial et la différence avec le prix d’un billet vendu par une compagnie classique se réduit. Par exemple, chez Ryanair, pour pouvoir choisir son siège, le surcoût peut aller de 4,50€ pour un siège standard à 33€ pour un siège «avec plus d’espace pour les jambes». D’autres services sont quasiment imposés. Par exemple, «au moins un adulte voyageant avec des enfants de moins de 12 ans (à l’exception des bébés) doit acheter un siège réservé et s’asseoir à côté d’eux». Comptez 6 à 10€ de plus.

Ryanair facture aussi la réémission de la carte d’embarquement à l’aéroport (20€), mais aussi les frais d’enregistrement sur place (55€). Les amateurs de sport ou de musique doivent aussi mettre la main à la poche, une fois de plus, pour transporter par exemple un instrument de musique assez volumineux (50€), un équipement de golf (30€) ou de ski (45€). Viennent ensuite les bagages dont on peut plus difficilement se passer, de 6€ pour un bagage cabine à 60€ pour un bagage de 20kg en soute.

Si Luxair blâme le modèle de réduction des coûts des compagnies low cost, ces dernières ont aussi leur bête noire. Et cela joue encore sur le prix, payé par le client. Dans une récente communication, Ryanair fustigeait l’agence de voyages en ligne eDreams, qui vend notamment des vols et séjours sur son site. L’opérateur propose aussi un abonnement Prime qui promet des «réductions pour chaque vol». Selon Ryanair, dans une de ses publications datée du 11 juin, eDreams, via ce programme Prime, comme d’autres opérateurs qualifiés d’«OTA pirates» (Online Travel Agency), «surcharge les utilisateurs d’un coût supplémentaire de 38% par billet». L’étude publiée par Ryanair accuse ces OTA de vendre par exemple à 44€ des vols Easyjet que cette dernière ne vendait qu’à 31,99€ ou encore des vols Wizz Air à 60€ alors que sur le site de Wizz Air, le même vol coûtait 38€.  

Cette fois, dans sa dernière enquête mondiale menée auprès des passagers et dont les résultats ont été publiés fin 2023, l’Iata indique que 52% des consommateurs préfèrent toutefois acheter leur billet directement auprès de la compagnie. De quoi éviter les «fausses réductions» d’opérateurs tels qu’eDreams.

Le prix n’est plus la principale préoccupation des clients

Concernant les attentes des consommateurs, l’Iata indique aussi dans ce rapport que le prix n’est plus la priorité du consommateur, qui accorde davantage d’importance à la vitesse et à la commodité. «Les passagers l’ont exprimé clairement: ils veulent consacrer moins de temps aux formalités de réservation et accélérer les déplacements à l’aéroport. Et ils sont de plus en plus disposés à faire usage des données biométriques pour remplir des tâches hors de l’aéroport», détaillait le vice-président de l’Iata, Nick Careen. La proximité de l’aéroport était la principale priorité des passagers (71%). Plus que le prix du billet (31%).