Jean-Philippe Florent est le tout premier élu Ecolo de la province de Luxembourg à siéger en tant que deputé wallon. (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Jean-Philippe Florent est le tout premier élu Ecolo de la province de Luxembourg à siéger en tant que deputé wallon. (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Jean-Philippe Florent a prêté serment mardi en tant que député du Parlement wallon. Il est le premier Ecolo de la province de Luxembourg à siéger à Namur, où il compte s’investir dans les dossiers de mobilité, de l’énergie et de l’agriculture. Il était l’invité de la rédaction de Paperjam ce vendredi.

Après celle de journaliste, notamment à la télévision basque, puis d’employé de l’Office européen des publications au Luxembourg, Jean-Philippe Florent va découvrir à 42 ans la vie de et de la Communauté Wallonie-Bruxelles.

Conseiller provincial depuis 2012, il a accepté d’être la tête de liste luxembourgeoise d’Ecolo lors des élections régionales de mai dernier. Sachant que ses chances d’être élu étaient grandes et que son quotidien allait sans doute être bousculé.

«Le Conseil d’État a en effet ordonné ce qu’Ecolo réclamait depuis de longues années: la fusion des deux circonscriptions électorales de la province de Luxembourg. Auparavant, il était quasi impossible pour nous d’avoir un élu. Là, la donne changeait», explique-t-il.

D’autant que les Luxembourgeois étant plus nombreux, ils avaient cette fois le droit d’envoyer à Namur six députés pour cinq auparavant.

«En outre, la mobilisation pour le climat, l’environnement, mais aussi d’autres thèmes de société, laissait espérer que nous effectuerions un bon score.» Ce qui a été le cas puisqu’Ecolo a convaincu 14,74% des Luxembourgeois, signant une progression de + 6,23% par rapport à 2014. Jean-Philippe Florent a donc été élu et a prêté serment mardi.

Cinq années à venir qui seront cruciales

Déjà occupé à travailler à sa première question parlementaire, l'ancien frontalier parfaitement conscient que les cinq années à venir seront cruciales: «Le rapport du GIEC est clair: on doit réussir la transition climatique dans les 10 ans. Nous n’en sommes plus au stade de l’élaboration de solutions, mais de leur application.»

Mais cette transition écologique devra se faire en phase avec une transition sociale. «Sinon, on ne pourra pas la réussir. Je suis d’accord avec Nicolas Hulot disant qu’il  faut lier les problèmes de la fin du monde et de la fin du mois.»

Si on pouvait implanter en Wallonie les idées de l’étude Modu 2.0, ce serait fabuleux.
Jean-Philippe Florent

Jean-Philippe Florentdéputé wallon Ecolo

Et alors que les négociations sont en cours pour former des gouvernements, Jean-Philippe Florent estime «qu’Ecolo doit monter dans des majorités. En Wallonie, nous ne serions pas indispensables, une majorité PS-MR étant suffisante. Mais peu importe, même ainsi il faut y aller.

Tout tiendra alors à l’accord de gouvernement. Il faudra lire le moindre iota pour que les actions soient planifiées au millimètre. Le plus important sera que les partenaires soient sincères dans leur volonté de changer les choses. Ce sera, selon moi, une condition sine qua non pour Ecolo», dit-il.

«La transition écologique ne peut plus attendre, le rapport du GIEC est clair», indique Jean-Philippe Florent. (Photo: Patricia Pitsch /Maison Moderne)

«La transition écologique ne peut plus attendre, le rapport du GIEC est clair», indique Jean-Philippe Florent. (Photo: Patricia Pitsch /Maison Moderne)

Les dossiers urgents ne manqueront en tout cas pas. Notamment en ce qui concerne l’énergie, le logement ou la mobilité.

À ce titre, son expérience de travailleur frontalier sera fort utile. Tout comme les liens entre Ecolo Luxembourg et Déi Gréng. «Nous avons évidemment des contacts et on se voit plusieurs fois par an», confirme Jean-Philippe Florent. «Cela a été le cas tout récemment avec , qui nous a présenté l’étude Modu 2.0. Si on pouvait implanter cela en Wallonie, ce serait fabuleux.»

Camille Gira, le visionnaire

Car il semble évident à ses yeux «que ce que fait le Luxembourg doit nous servir d’exemple. Déi Gréng a remarquablement travaillé ces dernières années, en étant dans deux gouvernements. Dans sa commune, Camille Gira a été visionnaire, tout en faisant adhérer les citoyens aux projets.»

Et même les différences peuvent être source d’inspiration. «Ce que je retiens de la politique au Luxembourg c’est un pragmatisme qui nous manque en Belgique: ici, on connaît ses forces et ses faiblesses, et on établit un plan d’action efficace en conséquence, en commun.»

Revitaliser la ligne Florenville-Virton-Luxembourg

Jean-Philippe Florent a en tout cas des idées pour les travailleurs frontaliers. Notamment en ce qui concerne la mobilité.

«Nous avons évoqué avec François Bausch la possible revitalisation de la ligne de chemin de fer Florenville-Virton-Luxembourg. L’infrastructure est là et on compte 50.000 personnes qui pourraient en profiter. Le Luxembourg a besoin de main-d’œuvre, tandis qu’il y a du chômage en Gaume. Les intérêts sont partagés. Aussi en termes de mobilité. Que font les Virtonais s’ils prennent le train pour aller à Luxembourg et doivent changer à Rodange? Ils vont jusqu’à Arlon en voiture! Une ligne directe se justifie pleinement.»

D’autant que de nombreux étudiants pourraient être aussi intéressés «par l’Uni, puisque la ligne passe aussi par Belval et que cette université se développe de manière très intéressante». Il faudra donc investir, surtout côté belge, «où on investit environ trois fois moins dans le rail qu’au Luxembourg».

Le parking P+R à Arlon sera aussi une priorité. «Tout est là. Je ne dis pas ‘qu’il n’y a plus qu’à’, mais presque... C’est au niveau fédéral que cela coince. Il y a eu clairement un manque de volonté politique dans ce dossier.»

Par contre, il voit évidemment comme une bonne chose l’accord sur un nombre de jours de télétravail porté à 48. Et estime que la création d’espaces de coworking pour travailleurs sous statut luxembourgeois sur le sol belge «va générer des problèmes complexes au niveau de la fiscalité. Il faut du pragmatisme.»

Nous estimons qu’il faut moins imposer le travail et donc imposer plus le capital.
Jean-Philippe Florent

Jean-Philippe Florentdéputé wallon Ecolo

Pour investir, il faut des moyens. Ecolo ne risque-t-il pas d’arriver avec une kyrielle d’impôts et de taxes sous le bras?

«On nous a fait ce procès durant la campagne, ce n’est pas nouveau. Nous ne sommes pas pour une hausse de la fiscalité, mais pour une autre fiscalité. Oui, en diminuant celle sur le travail pour augmenter celle sur le capital. Et modifier aussi la taxation pour par exemple favoriser les produits bio et faire payer les autres. Le futur accord Mercosur va faire arriver en Europe 99.000 tonnes par an de viande rouge dont on n’a pas besoin. Cela va tuer nos éleveurs.»

Jean-Philippe Florent a partagé le petit-déjeuner de la rédaction de Paperjam. (Photo: Patricia Pitsch /Maison Moderne)

Jean-Philippe Florent a partagé le petit-déjeuner de la rédaction de Paperjam. (Photo: Patricia Pitsch /Maison Moderne)

Favorable à une baisse des avantages fiscaux liés aux voitures de société, Ecolo ne plaide pour une taxe kilométrique «que pour Bruxelles, ville engorgée» et ne voit pas l’intérêt d’un péage autoroutier «alors que la taxe kilométrique pour les camions est efficace».

La fin du nucléaire en 2025

L’éolien, il faut continuer à l’encourager «mais sans se tromper. Je donne souvent l’exemple de Bourcy, village près de Bastogne qui est encerclé par les éoliennes. Dès qu’un nouveau projet sort, les détracteurs évoquent Bourcy, et ils n’ont pas tout à fait tort. C’est par exemple à cause de cela qu’on a raté un projet ambitieux le long de l’E411. L’offshore est aussi une solution, plus coûteuse mais de plus en plus rentable.»

Luxembourg-ville est la métropole de la province de Luxembourg.
Jean-Philippe Florent

Jean-Philippe Florentdéputé wallon Ecolo

De tous les députés wallons, il sera le seul à avoir connu la situation d’un travailleur frontalier. Jean-Philippe Florent aura sans doute à plus d’une reprise l’opportunité de casser quelques idées reçues quant au frontalier qui gagne très bien sa vie, ne paie pas d’impôt...

«Le frontalier a des avantages par rapport à d’autres, c’est clair. Ce que je vais surtout essayer de faire comprendre, c’est que Luxembourg-ville est la métropole de notre province, sa grande ville. D’ailleurs, trop de frontaliers ne font qu’y travailler alors qu’il y existe une belle offre culturelle, de loisirs, gastronomique...»

Il sera donc un peu la voix des frontaliers et de leurs spécificités à Namur: «Bien sûr, puisque la province compte 280.000 habitants et que 47.000 vont chaque jour travailler au Luxembourg.»