La vente de cigarettes rapporte 752 millions d’euros à l’État en accises. Par contre, ce que les problèmes de santé causés par le tabac coûtent est plus difficile à estimer. (Photo: Shutterstock)

La vente de cigarettes rapporte 752 millions d’euros à l’État en accises. Par contre, ce que les problèmes de santé causés par le tabac coûtent est plus difficile à estimer. (Photo: Shutterstock)

Les coûts directs et indirects du tabac au Luxembourg en termes de santé publique semblent moins importants que ce que les ventes de cigarettes rapportent à l’État, sauf si l’on prend en compte les coûts invisibles. Cette déduction a été faite à partir d’études internationales, aucun chiffre luxembourgeois officiel ne semblant disponible.

Pourquoi le Luxembourg n’augmente-t-il pas le prix de ses paquets de cigarettes, à l’instar de ses voisins, pour diminuer le tabagisme et ses impacts sur la santé? Est-ce parce que la vente de ces produits est très profitable, rapportant bien plus que ce qui doit être dépensé dans le domaine de la santé pour faire face aux affres du tabagisme? Paperjam a posé la question mardi 31 mai, à l’occasion de la , au ministère de la Santé. Qui n’y a pas répondu.

Nous avons donc tenté de le faire.

Sans surprise, le tabac est nettement moins cher au Luxembourg. Le site internet  estime qu’un paquet de Marlboro coûte en moyenne 5,40 euros au Luxembourg. Dans un bureau de tabac de la capitale, on retrouve en effet ce produit à quasi ce montant: 5,60 euros. Alors que, selon le même site, ce paquet coûte 7 euros en Allemagne (il devrait coûter 7,70 euros en 2026), 7,50 euros en Belgique, et 10 euros en France.

Avec leur prix compétitif, les cigarettes luxembourgeoises attirent frontaliers et touristes.

Des coûts invisibles bien plus importants

Tabac signifie aussi cancers, maladies cardiovasculaires, ainsi que tous les soins qui y sont liés… et forcément un coût important en termes de santé publique. Au Luxembourg, ni le ministère de la Santé, ni la Caisse nationale de santé (CNS), ni la Fondation Cancer n’ont pu fournir d’estimation à Paperjam sur ce que ces frais de soins liés au tabagisme actif et passif représentent.

En Belgique, des chercheurs des universités de Bruxelles et de Gand ont effectué ce calcul, en 2016, dans le cadre de l’étude (coût des drogues licites et illicites en Belgique), financée par le programme de recherche drogue de la politique scientifique fédérale (Belspo). Les montants sont pharaoniques: 615 millions d’euros de coûts directs (soins de santé, accidents de la route, etc.) pour l’année 2012, et 746 millions d’euros de coûts indirects (baisse de la productivité). Auxquels s’ajoutent 12 milliards d’euros de coûts dits invisibles, notamment liés aux décès prématurés et au nombre d’années de vie vécues avec une maladie (parfois avec, à la clé, une incapacité de travail, et donc des cotisations sociales diminuées, ndlr). Soit un total plus de quatre fois supérieur aux revenus fiscaux issus du tabac en 2016, qui atteignaient 3,08 milliards d’euros chez notre voisin.

Le même calcul pour le Luxembourg est possible, même si fragile, car il ne s’agit que d’une estimation, et en aucun cas de données officielles. 

Ainsi, selon Eurostat, 23% de la population belge fumait en 2014 (année la plus proche de 2012, l’étude européenne étant réalisée tous les cinq ans). Année où le pays comptait 11,2 millions d’habitants. Ce qui représente donc environ 2,5 millions de fumeurs.

61,1 millions d’euros de coûts directs et indirects

Pour le Luxembourg, Eurostat relevait 18,3% de fumeurs en 2019, quand la population s’élevait à 613.894 personnes. Soit 112.342 fumeurs.

Si on met les dépenses de santé belges à l’échelle luxembourgeoise, on serait donc à 27,6 millions d’euros de coûts directs, 33,5 millions d’euros de coûts indirects, et 539 millions d’euros de coûts invisibles liés au tabagisme. Soit plus que le montant perçu par l’État.

D’autres études existent, avec des méthodologies, et donc parfois des résultats qui diffèrent. .

Avec la même méthode appliquée au Luxembourg, on arriverait cette fois à 721,4 millions d’euros. Soit moins que ce que les accises rapportent aux caisses de l’État…

Une étude nationale permettrait d’objectiver la situation au Luxembourg et serait, sans aucun doute, riche en enseignements divers.