Dans le vif du sujet. Depuis le 14 juin, les candidatures luxembourgeoises sont ouvertes en vue d’intégrer le programme Sandkëscht de la Commission nationale pour la protection des données (CNPD). «Nous souhaitons inclure une large sélection de participants provenant à la fois du secteur privé et du secteur public, annonce la CNPD, ainsi que des organisations de toutes tailles.» Pour les nécessités de ce bac à sable 100% IA, la CNPD précise qu’elle s’intéresse «particulièrement [aux] problèmes où règne une incertitude quant à l’interprétation et à la mise en œuvre des réglementations, et notamment le RGPD».
Le List n’est pas en reste, qui a conçu sa propre sandbox afin d’«aider l’écosystème luxembourgeois à accroître sa notoriété et ses capacités à améliorer la fiabilité des modèles d’IA et à réduire les risques pour leurs utilisateurs». L’institut de recherche dépeint ce bac à sable comme «un outil destiné à aider les acteurs concernés à se préparer lorsque la loi sur l’IA entrera en vigueur, et que les détails du bac à sable réglementaire pour l’IA seront disponibles».
Un échange ouvert avec les citoyens et avec les entreprises dans la régulation d’un sujet aussi dynamique que l’IA sera crucial.
Alors, oui, ça y est: dans la foulée de l’adoption par le Conseil européen – le 21 mai dernier – de l’AI Act, la première réglementation au monde encadrant l’utilisation de l’intelligence artificielle, les acteurs du marché se mettent en ordre de bataille. Tant pis pour le coup de semonce de la Cour des comptes européenne qui, dans un récent rapport, a pointé la faible portée des investissements engagés jusqu’ici et des retards par rapport à la Chine et aux États-Unis, l’UE revendique haut et fort un statut de pionnière, invitant les Vingt-Sept à embrayer sans traîner. Un impérieux besoin d’accélérer que l’on repère dans les mots de la ministre déléguée aux Médias et aux Communications, (CSV). Une ministre déterminée à transposer en droit grand-ducal les textes européens dans les meilleurs délais, afin de «réussir l’adoption rapide de l’IA dans l’économie luxembourgeoise réelle».
Opportunités
«L’IA et l’AI Act occupent déjà aujourd’hui une place stratégique dans le futur proche de la compétitivité de notre pays. Nous ne pouvons rater les opportunités que présente une adoption rapide de l’IA dans notre économie, par exemple dans les services financiers. Le gouvernement doit donc identifier les barrières actuelles et rapidement mettre en œuvre l’AI Act parmi les autres cadres du digital rulebook, afin de ne pas freiner les projets d’avant-garde. C’est aussi une question d’alignement avec nos trajectoires ambitieuses du processus Digital Decade, que je coordonne avec les autres ministères concernés, nous détaille-t-elle. Oui, le digital rulebook est un ensemble complexe, je l’observe en tant que juriste, poursuit l’avocate de formation. En même temps, nous avons l’intention de réduire au mieux le red tape correspondant et de ne pas oublier les raisons pour lesquelles nous avons instauré ce cadre: un marché numérique unique qui fonctionne efficacement.»
Sur la méthode, continue Elisabeth Margue, «nous identifions surtout des opportunités avec l’AI Act, par exemple la mise en place d’une sandbox régulatoire. Aussi, l’approche risk-based qui assure une réglementation ciblée sur les scénarios vraiment cruciaux, par exemple dans les ressources humaines, est une approche positive, tandis que l’innovation est activement soutenue par l’AI Act. En même temps, un échange ouvert avec les citoyens et avec les entreprises dans la régulation d’un sujet aussi dynamique que l’IA sera crucial pour les régulateurs concernés.»
«Priorité politique»
«Une stratégie holistique en matière d’IA est, pour moi, une priorité politique», souligne Elisabeth Margue. Ainsi, l’exécutif est «en train de revisiter la vision gouvernementale en matière d’IA, qui date de 2019. En tant que coordinatrice de la stratégie, j’ai lancé ces travaux au printemps avec mes collègues responsables pour la Recherche, la Digitalisation et l’Économie, et », développe Elisabeth Margue. Avec quelles urgences? «Nous allons certainement nous concentrer sur les secteurs économiques stratégiques pour le pays, de même en ce qui concerne les priorités en matière de recherche», déclare la ministre déléguée. Fintech, espace et santé comptent au nombre des périmètres plus spécialement concernés.
Quoi qu’il en soit, «ce qui compte pour moi, termine Elisabeth Margue, c’est un régulateur ouvert au dialogue avec des entreprises innovantes, une vue d’ensemble sur la transition économique déclenchée par l’IA et une attente particulière liées aux droits des citoyens. Ceux-ci, tout comme les entreprises, devront toujours avoir la garantie de pouvoir échanger avec un humain et pas avec un algorithme. Le principe du human-centric AI sera respecté au Luxembourg.» La feuille de route prend forme.
40%
L’année dernière, selon Eurostat, seulement 8% des entreprises de l’UE ont eu recours à l’IA dans le cadre de leurs activités. Un domaine dans lequel le Luxembourg se classe en haut du tableau puisqu’avec 14,4% de sociétés utilisatrices, le pays apparaît dans le top 3 derrière le Danemark (15,2%) et la Finlande (15,1%). La Belgique se situait sous les 14%, l’Allemagne sous les 12%, et la France sous les 6%.