Les députés de la commission de la justice ont pris connaissance, mercredi 2 février, du projet de loi 7961 qui vise à réformer la base légale du Registre de commerce et des sociétés (RCS) et de celui des bénéficiaires effectifs (RBE). . Le point sur ces registres et leur possible évolution.
À quoi servent le RCS et le RBE?
Le Registre du commerce existe depuis et s’est transformé, en 2002, en . Une grande partie des entreprises doivent s’y inscrire et y renseigner un certain nombre d’informations. Une obligation qui leur sert, à la base, de publicité, mais qui permet surtout à leurs interlocuteurs de vérifier leur authenticité, dans une optique de transparence. Le est quant à lui opérationnel depuis le 1er mars 2019 et repose sur une directive européenne. Son premier objectif est la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il oblige les entités inscrites au RCS à identifier et à rendre publics leurs bénéficiaires. Ces deux registres sont gérés par le groupement d’intérêt économique (GIE) Luxembourg Business Registers (LBR).
Qui doit s’inscrire au RCS?
Sont concernés par cette obligation:
- les commerçants personnes physiques
- les sociétés commerciales
- les GIE
- les groupements européens d’intérêt économique
- les succursales créées au Luxembourg par des sociétés commerciales et civiles, des GIE et des GEIE, relevant du droit d’un autre État
- les sociétés civiles
- les associations sans but lucratif (asbl)
- les fondations
- les associations d’épargne-pension
- les associations agricoles
- les établissements publics de l’État et des communes
- les associations d’assurances mutuelles
- les associations d’assurances mutuelles
- les sociétés en commandite spéciale
- les fonds communs de placement
- les autres personnes morales et entités dont l’immatriculation est prévue par la loi
Concrètement, «pratiquement toutes les entreprises», résume Yves Gonner, directeur du LBR. Ce n’est pas le cas des artisans, qui s’inscrivent à la Chambre des métiers. Sauf s’ils pratiquent sous forme d’une société. «Par exemple, dans le bâtiment, celui qui construit votre maison est un artisan. Pourtant, la plupart sont des sociétés commerciales». Les indépendants, médecins et avocats ne doivent pas non plus s’inscrire au RCS. Sauf s’il s’agit d’une société d’avocats.
Et au RBE?
En principe, les entités inscrites au RCS doivent entrer leurs bénéficiaires au RBE. Sauf «les commerçants qui sont des personnes physiques, parce qu’on sait déjà qu’elles sont les bénéficiaires».
Qui sont les bénéficiaires effectifs à inscrire au RBE?
Une personne qui détient plus de 25% du capital ou de 50% des droits de vote. En cas d’impossibilité de définir les bénéficiaires effectifs, il faut inscrire les dirigeants principaux. Le LBR a publié un . Pour les , il s’agit «dans la majeure partie des cas des membres de leur conseil d’administration».
Combien cela coûte-t-il?
Le tarif de l’immatriculation varie selon la forme de l’entreprise. Par exemple, celle d’une société anonyme coûte 105,91 euros. Le dépôt électronique coûte, quant à lui, 19 euros pour tout le monde, mais son prix augmente lorsqu’il n’est pas effectué dans les délais. Le détail est disponible à
Quelles informations doit-on publier au RCS?
«Il faut séparer deux choses», avertit Yves Gonner. Il y a d’abord toute une liste d’informations demandées à l’entreprise pour l’identifier. «C’est comme leur état civil.» Dénomination, siège social, date de constitution, mandataires… la liste peut varier selon la forme juridique.
Puis s’ajoute l’obligation de déposer certains documents. Ceux d’ordre juridique: statuts de l’entreprise, nominations de mandataires, ou liquidations par exemple – ils doivent être envoyés dans le mois suivant la date de l’événement – et les comptes annuels: «Ils comprennent le bilan, le compte de profits et de pertes ou encore le rapport de l’auditeur», détaille le directeur du LBR. Là encore, cela «dépend du type d’entreprise». Les plus petites (ne dépassant pas deux sur les trois limites suivantes: un bilan de 3,125 millions d’euros, un chiffre d’affaires net de 6,25 millions d’euros, 50 salariés à plein temps) ont par exemple droit à un bilan abrégé. «Si on a une petite entreprise, avec un petit chiffre d’affaires, on peut facilement deviner ses clients. Plus on grandit, plus les informations à livrer au public deviennent importantes», justifie Yves Gonner. La publication de ces documents doit se faire dans le mois après la clôture des comptes, qui peut se faire dans les six mois après la fin de l’année comptable.
Quelles informations doit-on publier au RBE?
Nom, prénoms, nationalités, date et lieu de naissance, pays de résidence, adresse privée ou professionnelle, nature et étendue des intérêts effectifs détenus doivent être inscrits pour chaque bénéficiaire effectif. Pour les personnes inscrites au Registre national des personnes physiques, on demande le numéro d’identification. Pour les autres, un numéro d’identification étranger est demandé.
Dans quel cas peut-on rendre ces informations confidentielles?
On peut en faire la demande «lorsqu’on estime qu’il y a un risque disproportionné à la publication des bénéficiaires par rapport au risque de fraude», précise Yves Gonner. Cela ne vaut que pour le RBE et pas pour le RCS. Elles doivent tout de même être envoyées, mais ne sont accessibles qu’aux autorités et aux professionnels. Sur les 2.049 demandes d’exemption reçues depuis le lancement du RBE pour 3.915 bénéficiaires effectifs, seulement 40% ont été acceptées. Elles concernaient toutes des mineurs. Le bénéficiaire a le droit à un recours devant la justice à la suite du refus. 635 dossiers se sont ainsi retrouvés devant le tribunal.
Combien d’entreprises respectent les règles?
Le consortium de 17 médias à l’origine d’OpenLux qu’une société sur deux n’aurait pas désigné son ou ses bénéficiaires, ou pas les bons. Un chiffre contesté par le ministère des Finances. Selon Yves Gonner, 92,5% des 152.000 sociétés enregistrées au RCS ont renseigné leurs bénéficiaires effectifs.
Concernant le RCS, le GIE estime que toutes les sociétés qui y sont obligées s’inscrivent, «sinon, elles ne peuvent pas faire d’affaires. Certaines banques demandent d’ailleurs des extraits RCS». Il ne dispose pas de chiffres sur la conformité de leurs déclarations.
Quelles sanctions en cas de non-respect?
L’entité immatriculée qui ne transmet pas de demande d’inscription au RBE ou transmet une demande inexacte, incomplète ou non actuelle risque une amende de 1.250 à 1.250.000 euros. Le bénéficiaire effectif qui ne fournit pas à l’entité immatriculée les informations nécessaires pour qu’elle puisse l’inscrire risque la même chose.
Pour le RCS, «vous avez différentes sanctions pénales, à l’appréciation des parquets», complète Yves Gonner.
Que doit changer ce projet de loi?
«Le but est de confier au GIE le droit de sanctionner», résume (déi Gréng), nommé rapporteur du projet de loi. «Actuellement, comme il s’agit de droit pénal, les procédures sont longues. Quand une entreprise a quelque chose à cacher, elle fait traîner les choses», explique-t-il.
Ainsi, dans le projet, il est écrit que le gestionnaire du RCS qui constate l’absence de données exactes et actuelles peut adresser un premier avertissement. Si le dossier n’est pas régularisé dans les 30 jours, il peut le mettre en avant sur son site internet. Et prononcer une amende administrative d’un montant de 3.500 euros, à partir du premier jour du septième mois qui suit la date d’envoi de la demande de mise à jour. Le montant de l’amende est de 250 euros pour les asbl ou fondations. Si elle n’est pas payée dans les 30 jours, le gestionnaire peut procéder lui-même à son recouvrement forcé. Le GIE en charge du registre pourrait aussi radier d’office le dossier de la personne ou entité concernée, sans que cela emporte dissolution, à partir du premier jour du 12e mois qui suit la date d’envoi de la demande de mise à jour.
Même si, selon le , cette question des sanctions n’a pas fait l’unanimité au sein de la commission parlementaire. Des députés de l’opposition estiment que l’affichage sur le site internet de la non-conformité de certaines sociétés serait trop coercitif.
Le projet de loi prévoit aussi un volet préventif. Un mécanisme de notification doit être introduit pour avertir les entreprises lorsqu’un dépôt ou une inscription doivent être effectués. «Il y aura une interconnexion entre les registres pour que, lorsque l’un est mis à jour, cela se fasse de l’autre côté», ajoute Charles Margue.
Le projet de loi ajoute aussi à la liste des entités devant s’inscrire au RCS les fonds d’investissement juridiques.
Quand la nouvelle loi s’appliquera-t-elle?
«On n’en est qu’au début», admet Charles Margue. «Le projet est actuellement déposé au Conseil d’État.» Une fois que ce dernier aura rendu son avis, ce qui peut «prendre quelques mois», les députés membres de la commission poursuivront les discussions. Pour une entrée en vigueur «j’espère, avant les prochaines élections», prévoit-il. Soit 2023.