Georges Santer (Fedil) préfère une réglementation «intelligente» à une réglementation excessive. (Photo: Fedil. Illustration: Maison Moderne)

Georges Santer (Fedil) préfère une réglementation «intelligente» à une réglementation excessive. (Photo: Fedil. Illustration: Maison Moderne)

Georges Santer, responsable du numérique et de l’innovation à la Fedil, explique les préoccupations de sa fédération concernant la loi européenne sur l’intelligence artificielle et ce qu’il faut faire pour que le Luxembourg et l’Europe restent compétitifs.

La Fedil exhorte les régulateurs européens à veiller à ce que les règles qui sous-tendent la loi européenne sur l’intelligence artificielle (IA) soient réalistes, claires et objectives, avec des obligations «proportionnelles aux risques encourus».

Dans sa prise de position de lundi, la fédération de l’industrie reconnaît la volonté de la Commission européenne de renforcer la compétitivité de l’IA en matière d’innovation et d’investissement tout en construisant un cadre standard, dont une a été présentée en avril 2021 pour éviter les problèmes ou les abus qui pourraient finalement avoir un impact sur les citoyens.

Mais l’organisme de lobbying appelle également les régulateurs à s’assurer que ces nouvelles règles «ne constituent pas un carcan réglementaire qui entrave l’innovation et l’investissement, conduit à des solutions plus coûteuses et ne permet finalement pas de réaliser l’ambition de l’UE de réaliser d’importantes avancées technologiques dans ce domaine».

Des obligations peu claires pour les entreprises

S’adressant à Delano et Paperjam la semaine dernière, le responsable du numérique et de l’innovation de la Fedil, Georges Santer, explique qu’il aimerait voir une réglementation «intelligente» plutôt qu’une surréglementation. «Les plus grandes préoccupations des entreprises aujourd’hui avec le GDPR, [etc.], c’est qu’[il y a] une charge administrative que les entreprises ont, donc la principale chose à savoir est, qu’est-ce que cela apporte aux entreprises? Quelles sont leurs obligations?»

La Fedil estime que les fournisseurs supporteraient le poids de ces obligations. Comme ce fut le cas pour le GDPR, les entreprises ont dû renforcer leur personnel – ou du moins leur expertise – afin d’être conformes. Avec l’innovation de l’IA, ajoute Georges Santer, «chaque minute, chaque seconde est importante… pouvez-vous introduire une [demande] d’autorisation pour votre système d’IA qui aille vite, qui ne soit pas bloquée, en raison de charges administratives, d’un personnel [insuffisant]? C’est le genre de choses que nous voulons éviter.»

Finalement, ce sont les entreprises qui finiront par supporter les coûts, ajoute-t-il. M. Santer souligne également que certains utilisateurs, «souvent des PME, pourraient ne plus investir dans le développement d’un système d’IA par un tiers».

La européenne classe les utilisations spécifiques de l’IA en quatre niveaux de risque: inacceptable, élevé, limité et minimal. Pour l’organisme industriel, la définition de l’application à haut risque est «trop large», non adaptée à tous les cas d’utilisation, avec des clarifications nécessaires dans des domaines tels que la gouvernance des données, la tenue de dossiers ou la surveillance humaine… «La Fedil recommande de définir le résultat souhaité de l’utilisation d’un système d’IA à haut risque et de laisser aux industries le soin de concevoir leur système pour y parvenir, notamment par le biais de normes.»

Déjà dans l’industrie, il y a de lourdes dépenses d’investissement dans les machines, dont une grande partie, de nos jours, est déjà équipée d’IA. «Toutes ces machines sont déjà soumises à la réglementation sur les machines», ajoute Santer. «Il y a déjà plusieurs mesures de sécurité dans ce règlement, et maintenant, vous avez encore un autre élément qui est l’IA, et vous devez prouver à nouveau que cette IA est sécurisée, et ainsi de suite, et ainsi de suite… ça devient lourd.»

Maintenir la «dynamique d’innovation»

La Fedil soutient que l’industrie a généralement une vision positive de l’IA, étant donné les promesses qu’elle porte en termes de productivité, d’optimisation des processus, de création de valeur pour les clients, mais aussi d’impact sur les matières premières qui, à leur tour, recèlent un vaste potentiel dans les transitions verte et numérique.

La fédération souhaite «éviter de créer des barrières à l’émergence de nouveaux cas d’utilisation, en décourageant les entreprises d’innover dans le domaine de l’IA» pour que «l’élan innovant» ne s’estompe pas.

Avec les évaluations, les notifications, «vous allez perdre du temps», dit encore Georges Santer. «Nous risquons d’être en concurrence avec d’autres marchés importants, comme les États-Unis et la Chine. Peut-être que l’Europe sera moins compétitive qu’avant.»

L’Europe, d’un côté, pourrait être bien placée pour rester un concurrent. «Vous avez l’Europe; nous avons la confiance, l’éthique et ainsi de suite, et vous pouvez la comparer avec la Chine, où l’IA [est utilisée] pour contrôler 1,3 milliard de citoyens. Il y a ensuite les États-Unis, qui ont une approche plus libérale de l’IA. Nous sommes entre les deux, je dirais.»

D’autre part, la possibilité que le règlement déclasse l’UE en tant que concurrent est une réelle préoccupation. «Un domaine qui est assez délicat est celui de la défense… si un pays européen veut se développer dans le domaine de la défense, il peut le faire», ajoute Santer. «L’image que l’on a toujours en tête est celle d’un robot qui tue des gens ou autre, et c’est quelque chose que nous ne voulons pas, mais nous sommes sûrs que certains pays sont déjà en train de développer cela.»

Au cours des prochaines semaines, la Fedil partagera ses opinions avec la représentation de l’UE à Bruxelles et les acteurs clés du Luxembourg pour voir comment ils peuvent influencer ou améliorer les textes et simplifier le développement, c’est-à-dire via des bacs à sable réglementaires. M. Santer ajoute: «Le plus tôt possible, nous devons informer nos entreprises et leur donner des conseils sur ce qu’elles devront faire, afin d’être prêtes lorsque cela commencera».

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.