Tom Wirion, directeur général de la Chambre des métiers: «La gestion de ce budget, c’est un pilotage à vue… pour le gouvernement comme pour les entreprises.» (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

Tom Wirion, directeur général de la Chambre des métiers: «La gestion de ce budget, c’est un pilotage à vue… pour le gouvernement comme pour les entreprises.» (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

Pour Chambre des métiers, l’État mène avec les finances publiques un périlleux exercice d’équilibriste. La très grande incertitude conjoncturelle pourrait demander plus d’efforts budgétaires que prévu en 2023 et la Chambre reproche à l’État de ne pas les avoir budgétisés.

Dans un avis publié le 15 novembre, la Chambre des métiers (CDM) soutient globalement du gouvernement pour lutter contre les crises. Face à ce qu’elle appelle tantôt une «polycrise», tantôt une «permacrise» (notamment en raison de l’importance et de la récurrence des déficits publics depuis trois ans), elle émet tout de même quelques réserves. La Chambre dit ainsi «oui» aux investissements soutenus, au report de la grande réforme fiscale, mais «non» à la probable troisième indexation de 2023 si les entreprises doivent, à elles seules, la supporter financièrement. 

Enfin, elle propose des mesures concrètes pour booster la décarbonisation des entreprises – mesures qui vont plus loin que ce que l’État a budgétisé – tout en alertant sur le fait qu’il faut constituer des réserves financières. Un «exercice d’équilibriste périlleux» comme le souligne le titre de son avis public qui prend également, sous certains aspects, des électorale.


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Un exercice d’équilibriste périlleux

La CDM convient que le gouvernement n’a d’autre choix que d’avoir recours à plus d’endettement pour financer des mesures de soutien exceptionnelles. Selon son directeur général, «la gestion de ce budget, c’est un pilotage à vue… pour le gouvernement comme pour les entreprises. Les montants qui ont été prévus dans le budget sont conséquents. Mais pour nous, dépasser les 30% d’endettement, ce serait ouvrir la boîte de Pandore. Les ménages ont été entendus. Les entreprises le sont moins, mais les mesures existent et nous le reconnaissons.»

Toutefois dans son avis, la CDM se montre plus circonspecte sur l’état des finances publiques qui seraient selon elle, «sur une trajectoire inquiétante». Elle reproche notamment à l’État de ne pas se soucier de la baisse des recettes de la sécurité sociale, dans ce qu’elle qualifie de «système non soutenable à long terme».

Pas de grande réforme fiscale financée par la dette

Si les ménages ont été entendus à l’issue de la tripartite, la CDM affirme dans son avis que l’impact réel des mesures prises pour atténuer l’inflation «reste incertain». Dans ce contexte, ne serait pas d’actualité selon elle, car elle induirait une moins-value de recettes fiscales au moment où l’État a justement besoin de constituer des réserves. Elle rejoint en ce sens l’avis du gouvernement de reporter une telle réforme, mais qualifie toutefois de «vagues» les possibles allègements fiscaux supplémentaires pour les entreprises.

Pour nous, dépasser les 30% d’endettement, ce serait ouvrir la boîte de Pandore.
Tom Wirion

Tom WirionDirecteur généralChambre des métiers

Amender le surcoût d’une troisième tranche indiciaire

Pour la CDM, le gouvernement n’a pas anticipé la sortie de crise et aurait dû provisionner plus tôt de quoi soutenir d’éventuelles dépenses supplémentaires en 2023. Par dépense supplémentaire, la Chambre pointe spécifiquement la probable troisième tranche indiciaire en 2023. Sur ce point, elle demande à l’État de prévoir dans le projet de loi une compensation financière auprès des entreprises, via des amendements gouvernementaux, dans le cas où une troisième indexation a bien lieu.

Pour endiguer l’évolution des dépenses publiques, elle propose aussi de repenser le système de gratuité de certains services sociaux et d’aller vers plus de digitalisation, sous peine d’arriver à «une mentalité d’assurance tout-risque» qui encouragerait «l’assistanat». Remplacer la gratuité par des allègements fiscaux serait une piste.

Plus de soutien à la compétitivité des entreprises

Dans son rôle de chambre patronale, la CDM ne perd pas de vue que les entreprises qui se sont déjà engagées dans un effort de décarbonisation doivent être davantage soutenues, notamment en ce qui concerne l’efficacité énergétique. Elle demande «un régime d’aide et un cadre fiscal attractif» pour promouvoir les investissements allant dans ce sens, notamment concernant les énergies renouvelables ou l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques le long des frontières.

Dans l’artisanat, la compétitivité passe par l’apprentissage. La CDM propose la création d’un fonds public, notamment pour financer les indemnités payées aujourd’hui par les entreprises. Enfin, elle propose de réfléchir à une véritable «stratégie nationale des compétences», pour pallier les problèmes de recrutement dans l’artisanat.

Prémisses de campagne?

Lors de la présentation de son avis, la Chambre des métiers a donc décliné un certain nombre de propositions qui, selon elle, contribueraient à sortir de ce contexte de crise et à «façonner la société de demain». Cela sonne d’ores et déjà comme un air joué en prélude à la campagne électorale à venir. D’ailleurs, Tom Wirion ne le nie pas: «Nous venons d’adresser 30 propositions dans 7 domaines clés aux partis politiques pour nourrir la réflexion… Les points abordés aujourd’hui concernent aussi l’avenir, notamment ceux sur la transition énergétique et les compétences, et nos propositions ont un impact budgétaire. Nos propositions vont au-delà de la crise, et certaines idées, comme la création d’un fonds pour financer les coûts ou les primes pour les apprentis, n’existent pas aujourd’hui.»