Catherine Bourin: «Les banques, aujourd’hui, font face à des coûts considérables dus à la mise en place de processus, de procédures, d’adaptation de leurs systèmes informatiques, juste pour transposer des textes européens.» (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

Catherine Bourin: «Les banques, aujourd’hui, font face à des coûts considérables dus à la mise en place de processus, de procédures, d’adaptation de leurs systèmes informatiques, juste pour transposer des textes européens.» (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

Originaire de Bretagne, Catherine Bourin fête cette année ses 20 ans de carrière au sein de l’ABBL (Association des banques et banquiers, Luxembourg). Membre du comité de direction, cette spécialiste en droit européen a été nommée en mai dernier à la présidence de l’ASTF (Association pour la santé au travail des secteurs tertiaire et financier).

Vous êtes arrivée à l’ABBL en 1999, c’était il y a 20 ans…

. – «Ce qui représente toute une évolution de carrière. Car j’ai commencé en tant que legal adviser. Et au fil des années, on m’a attribué plus de tâches, d’autonomie et de responsabilités. Et un jour, j’ai été nommée au sein du comité de direction de l’ABBL.

C’est une récompense?

«C’est une récompense, et finalement quelque chose qui se mérite. Parce que c’est beaucoup de travail, d’efforts, d’investissement personnel. Et en même temps beaucoup de chance. Car j’ai commencé à l’époque à temps partiel, en tant que mère de famille avec trois enfants. Et à mesure que mes enfants ont grandi, j’ai augmenté mon temps de travail.

L’impulsion ne vient pas uniquement du chef. Chacun peut s’exprimer librement.
Catherine Bourin

Catherine Bourinmembre du comité de directionABBL

J’ai eu la chance de pouvoir concilier les deux. Je pense que ce n’est pas donné à toutes les femmes de pouvoir allier vie privée et vie professionnelle.

En 2013, vous avez été nommée au comité de direction de l’ABBL. Vous chapeautez plusieurs services, dont les affaires juridiques et sociales, ainsi que les ressources humaines. Quel est votre style de management?

«Participatif. Je trouve qu’on doit aller de l’avant, vers une nouvelle philosophie de management qui est beaucoup plus participative, où l’on s’engage avec les équipes.

L’impulsion ne vient pas uniquement du chef. Chacun peut s’exprimer librement. Le brassage d’idées est aussi très important.

Quelle est l’actualité de l’ABBL?

«L’actualité bancaire européenne, c’est quelque chose que nous suivons de très près. Car la grande majorité des textes qui s’imposent aux banques proviennent de Bruxelles.

Que pensez-vous de l’Europe?

«Je dirais que l’Europe a surtout permis la paix entre les peuples européens et le partage de valeurs communes. Le deuxième acquis européen, c’est de promouvoir le développement économique des pays qui ne sont peut-être pas encore au niveau des pays les plus riches comme le Luxembourg.

Il y a une inflation législative issue des institutions européennes qui devrait, pour moi, rester raisonnable.
Catherine Bourin

Catherine Bourinmembre du comité de directionABBL

Le troisième élément est un peu plus négatif. Il y a une inflation législative issue des institutions européennes qui devrait, pour moi, rester raisonnable et être plus dans la proportionnalité.  Les banques, aujourd’hui, font face à des coûts considérables dus à la mise en place de processus, de procédures, d’adaptation de leurs systèmes informatiques, juste pour transposer des textes européens.

Quelles procédures législatives européennes vous ont marquée ces derniers temps?

«En 2018, le règlement sur la protection des données (GDPR) nous a beaucoup occupés. Dernièrement, ce sont plus des sujets de compliance, anti-blanchiment, surtout en vue de la préparation de la visite du Gafi, prévue en automne 2020. Nous avons revu le code de déontologie de l’ABBL et adopté un plan d’action de lutte contre le blanchiment d’argent.

Lorsque l’on a réussi à faire valoir une idée qui nous est chère auprès des autorités, surtout lorsque cela touche à la réputation du pays et du secteur financier, là, on peut dire que la journée a été bonne.
Catherine Bourin

Catherine Bourinmembre du comité de directionABBL

Qu’est-ce qui vous a poussée à faire des études de droit?

«À l’époque, je ne savais pas quel métier j’allais exercer, mais j’ai toujours su que je voulais donner une dimension internationale à mes études. C’est pour ça que j’ai étudié le droit européen.

Mon premier poste, après avoir achevé ma thèse de doctorat, je l’ai décroché au Luxembourg, dans le laboratoire de recherche en droit de l’Université. L’idée était d’élaborer de nouveaux projets de loi pour des mandats qui nous étaient notamment donnés par le gouvernement. C’est ainsi que nous avons participé à la rédaction de la loi sur le commerce électronique, à la première refonte en germe du Code de la consommation… Après trois ans, j’ai rejoint l’ABBL.

Qu’est-ce qui vous passionne dans votre travail?

«Chaque jour est différent. Nous avons de multiples dossiers. L’aspect lobbying donne aussi vraiment le sentiment de faire avancer les choses. Nous proposons des amendements aux textes des projets de loi qui nous concernent et suggérons parfois de nouveaux textes au gouvernement dans l’intérêt du pays et de sa place financière.

La prévention du burn-out consiste à sensibiliser le management sur des méthodes de travail qui posent problème.
Catherine Bourin

Catherine Bourinmembre du comité de directionABBL

Une bonne journée au travail, c'est quoi?

«Lorsque l’on a réussi à faire valoir une idée qui nous est chère auprès des autorités, surtout lorsque cela touche à la réputation du pays et du secteur financier, là, on peut dire que la journée a été bonne.

Début mai de cette année, vous avez été nommée présidente de l’ASTF (Association pour la santé au travail des secteurs tertiaire et financier). Auparavant, vous y occupiez le poste de vice-présidente. Quel est votre constat en matière de santé au travail?

«Nous travaillons principalement sur deux axes: l’ergonomie et la prévention du burn-out. Une mauvaise position prolongée sur sa chaise, par exemple, peut induire pour le salarié des troubles musculo-squelettiques qui, associés au stress, peuvent induire d’importantes douleurs et autres pathologies. C’est pourquoi l’ASTF propose à tous ces membres des visites en matière d’ergonomie avec des conseils personnalisés et gratuits.

La prévention du burn-out consiste à sensibiliser le management sur des méthodes de travail qui posent problème et sur les facteurs qui peuvent induire le burn-out.

Le manque de reconnaissance d’un employé, bosseur et particulièrement sensible au stress par exemple, est un des nombreux facteurs qui peuvent conduire, à terme, au burn-out.

Le système éducatif ne favorise pas assez la créativité.
Catherine Bourin

Catherine Bourinmembre du comité de directionABBL

La créativité, c’est quelque chose qui vous tient à cœur. Pourquoi?

«Ma citation préférée est d’Albert Einstein: ‘L’imagination est plus importante que le savoir. Le savoir est limité alors que l’imagination englobe le monde entier, stimule le progrès, suscite l’évolution.’ Prenons l’exemple de l’éducation. Selon moi, le système éducatif ne favorise pas assez la créativité. Or, quand on favorise la créativité, on ouvre une porte de l’éducation à une dimension qui est infiniment grande.

C’est important d’éveiller la curiosité des jeunes dans le but de leur permettre de développer d’autres capacités que celles enseignées traditionnellement. Je pense que si la culture de la curiosité et de l’imagination était davantage enseignée, notre monde serait encore plus diversifié qu’il ne l’est.

Vous êtes d’origine bretonne et vivez au Luxembourg depuis 24 ans. Qu’est-ce qui vous plaît ici?

«Le Luxembourg est un pays que j’adore. Je m’y suis très bien intégrée. Je trouve que la multiculturalité est assez incroyable. Ayant passé mon enfance en France, je n’ai pas eu cette ouverture que mes enfants ont eue ici, car ils ont grandi dans une ambiance complètement internationalisée.

Habitant du côté de la Moselle, j’ai un plaisir énorme à m’arrêter parfois dans les vignes, même après mon travail.
Catherine Bourin

Catherine Bourinmembre du comité de directionABBL

C’est très différent de ma Bretagne natale, bien que ça reste une région très inspirante. Je prends toujours autant de plaisir à retourner en Bretagne, c’est très ressourçant.

Quel endroit appréciez-vous particulièrement au Luxembourg?

«Habitant du côté de la Moselle, j’ai un plaisir énorme à m’arrêter parfois dans les vignes, même après mon travail. Voir la beauté de la nature, respirer l’air.

Apprécier le point de vue sur la Moselle depuis les vignes, c’est magnifique.»

Catherine Bourin en trois dates:

- 1999: arrivée à l’ABBL

- 2013: nomination au comité de direction de l’ABBL en tant que legal adviser

- 2019: nomination à la présidence de l’ASTF (Association pour la santé au travail des secteurs tertiaire et financier.)