Ni Vladimir Petrovitch Ievtouchenkov, ni son groupe Sistema, ni sa filiale EWUB ne figurent pour l’instant sur la liste des sanctions de l’Union européenne visant les personnalités clés du régime russe et les entreprises liées à l’État ayant joué un rôle dans la crise ukrainienne. Mais cela ne pourrait être qu’une question de temps tant l’homme comme son entreprise font partie intégrante du système.
L’impact pour la place financière serait cependant limité. La somme du bilan de banque «maison», pour East-West United Bank, atteignait, fin 2020, 677 millions d’euros. Un chiffre à mettre en perspective face au bilan de tous les établissements de crédit de la Place, qui est, selon la Banque centrale du Luxembourg, de 953,69 milliards.
Qui est Vladimir Petrovitch Ievtouchenkov?
Cet oligarque – terme qui désigne les apparatchiks depuis la chute de l’URSS – entretient des liens compliqués avec Vladimir Poutine. Liens qui lui ont valu un passage en prison sur fond de conflit pétrolier. Accusé de blanchiment lors du rachat de Bashneft, une compagnie pétrolière, il connaît la prison, et Bashneft est nationalisée.
Le détour par la case prison sera cependant rapide. Tout comme son retour en grâce, au moment de la première vague de sanctions contre la Russie lors de l’invasion de la Crimée. L’heure était à l’union sacrée au sein de l’élite. Et si la nationalisation de Bashneft lui coûte quasiment toute sa fortune, estimée alors à 7 milliards de dollars, il conserve le contrôle de sa société d’investissement, Sistema.
En septembre 2017, il participe à une réunion de l’élite russe des affaires autour de Poutine, qui prépare sa réélection. Ce jour-là, 192 milliards d’euros sont réunis autour du président de la Russie. L’équivalent des recettes du budget de l’État de l’époque.
Sistema, un conglomérat actif dans 25 pays
Sistema est un vaste conglomérat fondé en 1993 et dont Vladimir Petrovitch Ievtouchenkov détient actuellement 59,2% des parts. Le reste du capital est coté à la Bourse de Londres. C’est la 25e entreprise russe en matière de chiffre d’affaires. Présent dans 25 pays, le conglomérat est actif dans les secteurs de l’IT, des télécoms, de l’électronique, de l’immobilier, de l’hôtellerie, du commerce, du bois, des médias, de la pharmacie.
Et dans la banque: Sistema fait l’acquisition de 49% du capital d’East-West United Bank en 2005.
«Une banque luxembourgeoise autonome fondée en 1974», insiste néanmoins la banque dans un communiqué daté de ce 25 février. «Nous ne faisons pas partie de l’État russe ni d’aucun groupe bancaire.»
Cela n’a pas toujours été vrai. EWUB a été créée en 1974 en tant que banque «fille» de la Banque centrale de Russie et comme une des cinq banques étrangères du réseau de la banque russe VTB.
Sistema prendra 100% du capital en 2018. Capital qui s’élevait, fin 2020, à 115 millions. EWUB se positionne depuis comme «une banque luxembourgeoise spécialisée dans la banque privée et présente dans les métiers de corporate banking, transactional banking et global market, qui bénéficie d’un avantage concurrentiel grâce à sa compréhension des systèmes financiers et juridiques européens, russes et de la CEI».
Pour son exercice 2020, dont les résultats annuels ont été publiés en juin 2021, la banque annonçait une perte de 4,1 millions d’euros, contre un bénéfice de 4,4 millions un an plus tôt, pour un bilan de 677 millions. EWUB totalise 965 millions d’actifs sous gestion.
Face à la crise ukrainienne, EWUB a été forcée de réagir. Elle dit «soutenir le dialogue comme moyen de résoudre les conflits et espère une résolution rapide et pacifique de la situation actuelle». Et insiste sur son caractère luxembourgeois et sur le côté international de sa clientèle.
Des liens anciens avec le Luxembourg
Les liens entre Vladimir Petrovitch Ievtouchenkov, Sistema et le Luxembourg ne datent pas d’hier et semblent solides. On en prendra pour preuve la fonction de consul honoraire du Grand-Duché de Luxembourg dans la Fédération de Russie, avec compétence sur les régions d’Ekaterinbourg et de Khabarovsk. Ou encore la présence, lors de la commémoration du , en 2019, de (DP), Premier ministre, d’ (LSAP), vice-premier ministre et ministre de l’Économie de l’époque, ainsi que de (LSAP), son mentor et prédécesseur à ce ministère.
Jeannot Krecké est entré au conseil d’administration d’EWUB, dont il occupa la présidence en 2012 suite à sa démission du ministère de l’Économie. Étienne Schneider est , après avoir quitté son poste de ministre de l’Économie. Une autre figure de la Place est également présente au conseil d’administration, , ex-directeur de la supervision des systèmes d’information et des PSF de support à la Commission de surveillance du secteur financier, .
Suite à l’offensive russe en Ukraine, les deux premiers cités .