«Nous nous sommes toujours considérés comme des ‘intrapreneurs’ au sein de la Chambre de commerce», déclare Sabrina Sagramola, gérante de l’EEN à la Chambre de commerce. (Photo: Nader Ghavami)

«Nous nous sommes toujours considérés comme des ‘intrapreneurs’ au sein de la Chambre de commerce», déclare Sabrina Sagramola, gérante de l’EEN à la Chambre de commerce. (Photo: Nader Ghavami)

L’initiative de «matchmaking» B2fair de la Chambre de commerce célèbrera ses 15 ans d’existence le 10 juillet. Ses responsables reviennent sur la méthode, les éléments marquants, et se projettent vers un avenir qui passera par l’Expo 2020 de Dubaï.

Comment est né le concept B2fair?

Sabrina Sagramola (responsable des Affaires européennes et Grande Région, et gérante de l’EEN, Affaires internationales à la Chambre de commerce). – «Il a été lancé en 2004 en tant que projet européen. Il s’agit d’un produit opéré par l’Europe Entreprise Network (EEN) de la Chambre de commerce qui nous a permis de franchir une étape supplémentaire en mettant en place un dispositif de ‘matchmaking’. Il a, entre-temps, inspiré d’autres acteurs privés et publics.

Entre 2002 et 2003, nous avions d’ailleurs étroitement collaboré avec la Commission européenne à la préparation d’un appel d’offres visant justement à mettre en place ce projet européen dont l’ambition était de lancer une nouvelle initiative de rapprochement des entreprises dans le cadre de foires internationales et de salons professionnels. Les négociations menées à l’époque s’inscrivaient dans une démarche stratégique permettant de combler des lacunes existantes par rapport à des programmes européens qui venaient d’être arrêtés.

Comment résumer 15 ans de mise en relation d’entreprises luxembourgeoises avec des prospects à l’international, en particulier durant des foires et salons?

Sabrina Sagramola. – «L’événement emblématique de ces 15 ans d’existence reste la Foire de Hanovre, où le Luxembourg a une présence historique en raison de la large place occupée par l’industrie. Nous nous sommes lancés à Hanovre et nous y sommes restés fidèles, en épousant l’évolution de l’événement qui s’est tourné vers l’industrie 4.0, l’innovation et les nouvelles technologies digitales. Ce qui correspond d’ailleurs aux ambitions économiques du Luxembourg.

Nous avons aussi beaucoup appris de la participation à la World Expo de Shanghai en 2010. Une première pour nous sur le continent asiatique. Cette expérience nous a permis de réaliser des ‘matchmakings’ de façon intense autour d’une soixantaine de tables. Nous avions été chaleureusement accueillis par différentes délégations, notamment chinoises, avec lesquelles nous entretenons encore des relations et qui nous rendent visite régulièrement.

Aujourd’hui, B2fair est une marque protégée à l’international appartenant à 100% à la Chambre de commerce. Les activités du concept B2fair occupent une place particulière dans les actions annuelles des Affaires internationales et de l’Enterprise Europe Network. Dans une approche intégrée et recherchant la complémentarité par rapport aux activités phares et classiques, les activités B2fair viennent compléter et enrichir utilement le programme de travail et le portefeuille des services existants.

L’idée était donc de pérenniser l’action de «matchmaking» dès le début…

Sabrina Sagramola. – «Nous ne sommes pas fermés à des collaborations ponctuelles, mais B2fair a dépassé le stade de projet européen pour devenir un produit pérenne. Dans notre méthodologie à l’international, nous recherchons plutôt la mise en place de stratégies de collaboration sur le moyen et long terme. Avec des résultats nettement plus concrets et tangibles pour nos entreprises et notre concept en général.

Il ne faut donc pas sous-estimer le suivi qui doit être fait des relations nouées sur une foire et, plus largement, l’entretien du réseau que l’entrepreneur se constitue.
Sabrina Sagramola

Sabrina Sagramolagérante de l’EENChambre de commerce

Quelle a été la philosophie initiale qui a permis ce développement?

Sabrina Sagramola. – «Notre méthodologie s’est développée autour des trois phases cruciales pour le développement d’une PME à l’international: avant, pendant et après. Une approche à 360 degrés que l’on retrouve maintenant chez d’autres acteurs… mais seules les belles choses sont copiées. Nous avons par ailleurs effectué un transfert de compétences profitable sur base de cette méthodologie au sein du réseau EEN et d’autres acteurs économiques internationaux.

Après 15 ans d’activité, nous avons relevé un taux de satisfaction de près de 75% dans les mises en relation proposées par notre solution ‘made in Luxembourg’. Un tiers des rendez-vous organisés permettent de générer des contrats ou collaborations durables, mais nos opérations doivent être évaluées sur le long terme.

Une carte de visite dans la poche d’un entrepreneur est comme un papillon dans un jardin: on ne sait pas toujours sur quelle fleur il va se poser. Dans notre cas, la carte de visite peut aussi être utile pour un besoin ultérieur et non tangible dans l’immédiat. Il ne faut donc pas sous-estimer le suivi qui doit être fait des relations nouées sur une foire et, plus largement, l’entretien du réseau que l’entrepreneur se constitue.

Sabrina Sagramola, Carlo Thelen et Amrita Singh. (Photo: Nader Ghavami)

Sabrina Sagramola, Carlo Thelen et Amrita Singh. (Photo: Nader Ghavami)

Quelle est justement la phase que l’entrepreneur doit particulièrement soigner dans son processus d’internationalisation?

Amrita Singh (business development manager du B2fair). – «C’est la phrase post-événementielle qui est la plus importante pour nous, car si les contacts glanés durant les foires et autres missions économiques ne sont pas soignés et entretenus, ils seront perdus. Si les entreprises ne suivent pas leurs contacts directement après, des opportunités d’affaires prometteuses peuvent vite s’évaporer. C’est un phénomène que nous observons assez souvent chez certaines entreprises, surtout celles de plus petite taille. Ainsi, nous essayons d’y consacrer beaucoup d’efforts afin d’encourager nos PME à faire le suivi de ces contacts, notamment par le biais d’un formulaire d’évaluation personnalisé pour chaque entreprise selon les rendez-vous organisés.

En 15 ans, la technologie a pris une place importante dans la communication B2B et la prospection. Comment percevez-vous cette tendance?

Amrita Singh. – «Au départ, tout se faisait par papier, et nous étions beaucoup plus limités dans nos actions. L’organisation d’un événement de ‘matchmaking’ nécessitait au moins une année de préparation.

Nous bougeons désormais dans un monde digitalisé où il est impératif de disposer d’un outil ‘smart’ et ergonomique qui permet aux organisateurs d’assurer un bon suivi, indispensable au succès d’un événement. L’informatique a révolutionné le B2fair, et aujourd’hui, nous sommes capables de monter une opération en six semaines ou même moins, grâce à notre logiciel B2fairplus. Celui-ci nous permet d’être flexibles et de nous adapter à des situations totalement indépendantes de notre volonté, comme lorsqu’en 2010, le volcan Eyjafjöll s’était réveillé en Islande avant la Foire de Hanovre et nous a poussés à revoir notre programme de ‘matchmaking’ en raison de l’annulation des vols, ou encore la tempête de neige qui nous avait poussés à reprogrammer tous les rendez-vous établis dans le cadre du salon Pollutec à Lyon.

L’ensemble de nos actions ne seront pas automatisées, car il faudra toujours une composante humaine pour qu’un ‘matchmaking’ soit efficace.
Amrita Singh

Amrita Singhbusiness development manager du B2fairChambre de commerce

En outre, chaque événement reste unique et nécessite des fonctionnalités spécifiques et un développement continu. Nos réflexions concernent notamment le digital, et la façon de l’intégrer dans la prochaine phase de notre développement futur. Comment intégrer l’intelligence artificielle et la réalité augmentée dans notre travail? Nous savons d’ores et déjà que l’ensemble de nos actions ne seront pas automatisées, car il faudra toujours une composante humaine pour qu’un ‘matchmaking’ soit efficace.

Mais la technologie pourra certainement nous aider à faire évoluer la façon de faire de la mise en relation et à optimiser la préparation des rencontres en fonction des profils de part et d’autre de la table. Nous sommes dans le ‘phygital’.

Sabrina Sagramola et Carlo Thelen. (Photo: Nader Ghavami)

Sabrina Sagramola et Carlo Thelen. (Photo: Nader Ghavami)

Quelles sont les actions prévues à Dubaï pour l’Expo 2020?

 (directeur général de la Chambre de commerce). – «Je note tout d’abord que le concept B2fair est dans l’air du temps, car les participants aux foires veulent optimiser leur investissement, à savoir la présence à ce type d’événement, souvent très coûteuse. C’est un concept dont la Chambre de commerce est très fière, parce qu’il nous permet d’accompagner le développement à l’international des entreprises, et en particulier des PME, microentreprises et start-up innovantes, et ceci à tous les niveaux et dans toute la chaîne de valeur de leur processus d’internationalisation.

En ce qui concerne l’Expo 2020 de Dubaï, nous allons nous inspirer de cette grande réussite que fut Shanghai et qui nous a permis d’intensifier notre collaboration avec des acteurs chinois qui se sont ensuite établis au Luxembourg.

Dubaï aura comme particularité de présenter un public beaucoup plus international au sein duquel B2fair trouvera toute sa place. Nous préparons la présence luxembourgeoise au niveau du Luxembourg Trade and Investment Board avec un point fort autour de la journée luxembourgeoise du 23 janvier 2021. Mais notre action ne se limitera pas à cette journée, puisque nous organiserons d’autres événements dédiés à différents secteurs tout au long des six mois de l’Expo.

Les start-up et la digitalisation de l’économie concernent tous les secteurs d’activité, toutes les foires et tous les salons.
Carlo Thelen

Carlo Thelendirecteur généralChambre de commerce

Comment faire évoluer les activités de «matchmaking» en fonction de la diversification économique du pays?

Carlo Thelen. – «Les start-up et la digitalisation de l’économie concernent tous les secteurs d’activité, toutes les foires et tous les salons. Nous percevons donc la digitalisation comme une opportunité énorme, d’où notre investissement dans la House of Startups. Elle agit comme élément fédérateur de l’écosystème, selon les ‘trois F’ qui conduisent toute l’action de la Chambre de commerce: facilitateur, fédérateur et force de proposition.

Les start-up d’aujourd’hui seront les entreprises et membres de demain de la Chambre de commerce. Elles peuvent aussi aider les plus grandes entreprises dans leur processus d’innovation. Ici, l’intégration de notre outil B2fair comme mesure facilitatrice de l’internationalisation des start-up sera très importante. La poursuite de son utilisation devra être exploitée encore davantage à ce niveau, à l’avenir.

Nous avons adopté la devise ‘Think Global – Act Local’ pour notre concept B2fair. Il nous permet de monter des opérations internationales à forte valeur ajoutée sur le marché national. Pour les TPE et PME qui n’ont ni le temps ni les moyens humains et financiers pour se déplacer en vue de développer leurs contacts internationaux, des mesures de ce genre sont très précieuses et fortement appréciées par les ressortissants de la Chambre de commerce.

Quels sont les chiffres-clés après 15 ans d’activité?

Carlo Thelen. – «Nous avons organisé, pour les entreprises nationales, plus de 30.000 rendez-vous d’affaires, pour quelque 3.750 chefs d’entreprise luxembourgeois qui exploitent les contacts noués à l’échelle étrangère.

L’avenir passera donc, en partie, par une remise en question nécessaire…

Sabrina Sagramola. – «Au niveau de notre équipe, nous nous sommes toujours considérés comme des ‘intrapreneurs’ au sein de la Chambre de commerce pour tenter de coller au mieux aux attentes de nos entreprises, de nos clients et des utilisateurs de notre produit qui est payant et qui n’est d’ailleurs pas ouvert qu’à nos ressortissants. Cet état d’esprit nous amène à être flexibles, à être attentifs aux détails, à nous adapter par rapport à l’évolution du marché et surtout à devoir anticiper.

Nous avons aussi à cœur de jouer sur l’effet [de] réseau à l’international via les ambassades, les consulats honoraires, les chambres bilatérales ou nos alter ego au sein de l’EEN. En effet, le concept B2fair puise sa créativité et sa dynamique d’action dans la force de cet effet [de] réseau. Il résulte de l’alimentation et de la coordination de relations professionnelles avec des interlocuteurs privilégiés et des partenaires stratégiques actifs dans le commerce international sur tout le territoire de l’Union européenne et à travers le monde.»