Spécialisée dans le domaine de la banque, la gouvernance d’entreprise et la gestion des ressources humaines, travaille dans le département Marketing technologies auprès de la Banque et caisse d’épargne de l’État, Luxembourg. Elle est administratrice de la Spuerkeess depuis 2019, membre du conseil d’administration du fonds de pension CLP-ASSEP depuis 2023, membre du conseil d’administration de l’Association du personnel de la Banque et caisse d’épargne de l’État depuis 2004 et membre du conseil d’administration du Lobby européen des femmes depuis 2014.
Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que femme administratrice indépendante?
«Après mon intégration au sein du conseil d’administration de la Spuerkeess en 2019, le principal défi a été ma volonté de renforcer mes connaissances et compétences pour assumer ces nouvelles responsabilités. J’ai pu recourir à un mentor qui m’a beaucoup soutenue, j’ai effectué des formations et recherches personnelles, et j’ai participé à des formations organisées par la Banque.
Comment gérez-vous les éventuelles résistances ou le scepticisme à votre égard?
«La résistance et le scepticisme sont deux sujets qui ne me sont pas étrangers et il est important de ne pas les prendre personnellement et d’apporter simplement plus de clarté via une communication ouverte et honnête. À mon avis, il est important de rester ouvert au dialogue, même si l’on n’est pas du même avis. Souvent, il en résulte de nouvelles opportunités et de nouveaux défis.
Pensez-vous que l’égalité hommes-femmes progresse au sein des conseils d’administration?
«Oui, l’égalité hommes-femmes au sein des conseils d’administration au Luxembourg et au sein des postes de haut niveau dans la fonction publique a progressé ces dernières années, bien que des défis persistent concernant la parité et la représentation dans certains secteurs. À mon avis, le progrès peut être attribué à plusieurs facteurs: d’abord à une législation favorisant l’égalité des genres. Par exemple, l’UE impose un objectif minimum de 40% de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises d’ici 2026. Un autre facteur est la politique nationale, qui soutient activement les initiatives en faveur de la diversité et de l’égalité des genres dans les entreprises, mais aussi une évolution au niveau des mentalités qui accentue la conscience de l’importance de la diversité et la déconstruction de stéréotypes.
L’accès accru à l’éducation et au développement de programmes et formations spécifiques encouragent les femmes à intégrer des postes à responsabilité. Il y a aussi le soutien des syndicats, réseaux et associations féminins qui s’engagent pour une meilleure égalité hommes-femmes.
Un autre élément qui a contribué au progrès est la pression des investisseurs au niveau des critères ESG (environnement, social, gouvernance) et les attentes sociétales, où les consommateurs et employés recherchent des entreprises qui reflètent les valeurs d’inclusion et d’égalité. Et, finalement, les entreprises leaders qui intègrent activement des femmes dans leurs conseils d’administration, encourageant ainsi d’autres à suivre cet exemple.
Que pensez-vous des quotas pour les femmes dans les conseils d’administration?
«J’étais longtemps contre les quotas pour la seule raison que j’avais estimé que les quotas pourraient conduire à la nomination de candidates sur base de leur genre plutôt que de leurs compétences, créant une perception d’injustice et que les quotas pourraient renforcer les stéréotypes, certains pouvant penser que les femmes n’auraient pas accédé à ces postes sans mesures obligatoires. Aujourd’hui je supporte l’instauration des quotas sous réserve qu’une nomination soit faite à compétences égales (promotion du mérite et non sur le genre). L’avantage des quotas permet l’accélération de l’égalité des chances et permet de contourner les barrières systémiques.
Sans intervention, le progrès vers l’égalité peut prendre encore plusieurs décennies, voire plus de 100 années. Des études ont montré que les entreprises avec une représentation féminine équilibrée dans leurs instances dirigeantes obtiennent de meilleurs résultats financiers et organisationnels et qu’une diversité accrue dans la prise de décision enrichit les perspectives et favorise l’innovation. La présence accrue de femmes dans les postes à responsabilité inspire les jeunes générations et encourage d’autres femmes à aspirer à des rôles de leadership.
En tant que femme membre d’un conseil d’administration, vous sentez-vous investie d’une responsabilité particulière dans la défense de la parité et de l’inclusion?
«Oui, effectivement, je ressens une responsabilité particulière afin de défendre les questions de parité et d’inclusion, ce que je fais régulièrement, et j’ai constaté que la sensibilité du sujet a augmenté les dernières années. Je m’engage pour le futur des jeunes générations, j’aimerais bien voir mes nièces entrer dans un monde professionnel où l’accès à un poste à responsabilité est devenu une normalité pour les femmes.
Selon vous, comment la diversité influence-t-elle la performance d’un conseil d’administration?
«La diversité au sein d’un conseil d’administration a un impact significatif sur la performance, l’efficacité et la durabilité de la prise de décision. Un conseil d’administration qui réunit des personnes de divers horizons, qu’il s’agisse de genre, de culture, d’expérience professionnelle, d’âge ou d’origine géographique crée un environnement plus riche et plus dynamique pour les échanges, qui ne peuvent que conduire à de meilleurs résultats pour l’entreprise.
En effet, une plus grande diversité au sein des conseils d’administration devrait refléter l’image de notre société actuelle. Un groupe homogène de l’autre côté peut avoir tendance à suivre un consensus de manière trop rapide, par confort ou par convention. La diversité favorise un environnement où les membres sont encouragés à remettre en question les idées et apporter des critiques constructives. Ce processus améliore la qualité des décisions.
Bien que la diversité au sein d’un conseil d’administration soit importante, je suis d’avis que la diversité doit être vécue au sein de tous les niveaux d’une entreprise.
Selon vous, quelles solutions ou quelle politique pourraient encourager une meilleure parité?
«Afin de garantir la progression sur les prochaines années, il faut instaurer des objectifs ou des quotas afin d’accélérer la parité au niveau de tous les postes à responsabilité. Des mesures de soutien peuvent également encourager une meilleure parité, comme la formation, le mentorat et des politiques favorisant une meilleure work-life balance. Combattre les stéréotypes avec des campagnes de sensibilisation régulières à tous les niveaux. À mon avis, il faut davantage communiquer au niveau des ‘best practices’, et au niveau des ‘programmes d’actions positives’ au sein du secteur privé et au sein du secteur public et publier en toute transparence sur tous les postes à responsabilité occupés par les hommes et les femmes à tous les niveaux, ce qui permet de mesurer le progrès.
Quel conseil donneriez-vous à une femme qui hésiterait à se lancer?
«Reconnaître qu’elle dispose des compétences précieuses à offrir et que toutes les autres compétences peuvent être développées et acquises ou être apprises en chemin. Le but est d’apprendre constamment et de chercher des opportunités d’apprentissage.
Être consciente que les profils au sein des conseils d’administration ne doivent pas tous être homogènes. Chacun dispose de ses compétences, de son savoir-faire, de sa formation, de ses valeurs et de son expérience professionnelle. C’est la diversité qui fait la différence.
Accepter l’incertitude et qu’elle doit accepter de faire des erreurs. Rester identique et fidèle à ses valeurs. Défendre ses idées avec confiance et intégrité. Construire une bonne résilience pour bien gérer les résistances, situations de pression ou des décisions difficiles.
Soigner sa santé et planifier du temps de repos.»