Carlo Thelen: «Il est important de s’inspirer de ce qui se passe à l’étranger.» (Photo: Guy Wolff/Archives)

Carlo Thelen: «Il est important de s’inspirer de ce qui se passe à l’étranger.» (Photo: Guy Wolff/Archives)

Cette année encore, le directeur général de la Chambre de commerce, Carlo Thelen, emmène une importante délégation luxembourgeoise au Mipim. Dans un contexte parfois tendu, le Luxembourg a des cartes à jouer, assure-t-il.

Pourquoi le Mipim reste-t-il, année après année, aussi important pour Luxembourg?  

. – «Le Mipim reste très important car c’est le rendez-vous mondial des acteurs de l’immobilier qui, au Luxembourg, réunit une série d’acteurs. Il y a bien sûr les promoteurs-développeurs, mais aussi des banquiers, des avocats, des architectes, des ingénieurs et de nombreux autres professionnels. Tous ces métiers et secteurs d’activité reflètent la diversité de l’économie. Les Luxembourgeois sont traditionnellement bien représentés au Mipim, ce qui témoigne aussi du dynamisme de notre Place.

Cependant, l’édition 2024 était marquée par l’accumulation des crises au niveau géopolitique et par leur impact sur le secteur de l’immobilier. L’édition 2025 s’inscrit toujours dans un contexte difficile, marqué par l’incertitude et une faible croissance en Europe. Mais, en même temps, les perspectives conjoncturelles s’améliorent, avec certains signes de reprise et une tendance baissière des taux d’intérêt. Aux États-Unis, la baisse des taux connaît une certaine pause, et si jamais les annonces de l’administration Trump de nouveaux tarifs douaniers se concrétisaient, une vague inflationniste pourrait en résulter aux États-Unis et freiner également la reprise économique en Europe.

L’immobilier est un secteur qui anticipe les nouvelles tendances, par exemple en matière de développement durable. Les développements afférents s’inscrivent dans le moyen et le long terme. Le défi consiste à se projeter dans l’avenir alors que le contexte est empreint de profondes mutations et d’absence de prévisibilité. En ce sens, le Luxembourg, avec son environnement stable et fiable, offre des atouts importants qui sont reconnus et appréciés par de nombreux investisseurs et acteurs présents au Mipim.

Tout l’art, de notre point de vue, consiste à promouvoir nos avantages auprès des visiteurs qui ne connaîtraient pas encore notre pays. Les professionnels luxembourgeois vendent donc non seulement leurs produits et services, mais sont aussi les ambassadeurs du site luxembourgeois. Par ailleurs, ils se rencontrent entre eux pour discuter tant des nouvelles tendances internationales que des opportunités et défis du marché luxembourgeois.

Oui, mais on a assez d’occasions de se rencontrer au Luxembourg ? 

«C’est vrai mais, premièrement, les acteurs ont l’opportunité de rencontrer des clients internationaux. Deuxièmement, ils découvrent eux-mêmes les nouvelles tendances du secteur, qu’il s’agisse de la construction, de l’immobilier, du télétravail, des nouvelles technologies, de l’intelligence artificielle, etc. Il est important de s’inspirer de ce qui se passe à l’étranger, afin d’avoir une vision plus large des évolutions au-delà du microcosme luxembourgeois.

L’immobilier est un secteur qui anticipe les nouvelles tendances, par exemple en matière de développement durable.
Carlo Thelen

Carlo Thelendirecteur général Chambre de commerce

Enfin, cet événement offre, pendant trois jours, un cadre propice aux rencontres avec des prospects luxembourgeois et aux échanges approfondis. Rassembler l’ensemble des acteurs en un même lieu durant trois jours est une belle occasion d’aller au-delà des réceptions du Nouvel An en janvier au Luxembourg.

Quelle est votre analyse de la situation du marché immobilier au Luxembourg ? Par exemple, les promoteurs du SPV, Prolog, disaient récemment que cette sorte de garantie des banques à aider au financement des projets n’avait été utilisée qu’une fois…

«Cet outil essaie de donner une réponse à un problème difficile à résoudre, c’est-à-dire redonner de la confiance, et donc agir dans le registre de la psychologie humaine. De plus, il vise à assurer la poursuite des projets en cours qui ont déjà atteint un niveau de prévente d’au moins 50 %. Ce plafond était trop élevé et il a été abaissé à 30%.

Il faut voir maintenant si cet ajustement booste cette mesure, si la confiance des acheteurs revient et si les promoteurs peuvent l’utiliser pour aider à financer leurs projets… Il est nécessaire de rappeler que le gouvernement a tout mis en œuvre pour son succès, avec des prolongations jusqu’au 30 juin 2025. La baisse des prix immobiliers est plus importante dans l’existant que dans les ventes en l’état de futur achèvement (Vefa). Il existe donc de belles opportunités sur le marché actuellement. Je ne pense pas que le gouvernement proposera de nouvelles mesures additionnelles. J’espère que l’amélioration timide actuelle se renforcera au cours des mois à venir.

De ce point de vue là, Donald Trump et son discours très offensif n’aident probablement pas beaucoup… D’un côté, on a l’impression qu’on a tout fait pour que la confiance revienne et, de l’autre, on commence à lire et à entendre un peu partout qu’on ne sait pas comment tout cela va se terminer.  

« Nous vivons actuellement dans une grande incertitude en effet. Donald Trump réagit souvent “à chaude” annonces “chocs”. C’est une nouvelle manière de faire de la politique, mais nous devons garder la tête froide et ne pas surréagir à chaque annonce, qui ne se concrétisera pas nécessairement. L’Europe doit prendre conscience du rôle qu’elle a à jouer. Nous devons rester unis et, entre le programme de la Commission européenne autour de la compétitivité et l’omnibus en matière de simplification administrative qui sera présenté fin février, nous avons des éléments positifs.

Nous devons avoir une position commune pour conserver une marge de négociation avec les États-Unis. Tout cela impacte profondément le secteur du real estate, où les gens ont besoin de prévisibilité. Ils regardent les taux et s’intéressent aux grandes tendances. Beaucoup estimaient que 2025 serait l’année de la reprise, tant dans l’économie en général que dans l’immobilier en particulier, après un fort ralentissement au cours des deux dernières années. Finalement, faire des prévisions est très difficile à l’heure actuelle. D’autant plus que dans les pays autour de nous, la situation politique n’est pas aussi stable, que ce soit en France, en Allemagne ou en Belgique.

Au vu du paquet de mesures en faveur du secteur du logement, on peut envisager l’avenir avec un certain optimisme.
Carlo Thelen 

Carlo Thelen Directeur généralChambre de commerce

Combien de temps le Luxembourg peut-il conserver son microclimat favorable lorsqu’il y a des tempêtes autour ? Rappelons que le pays exporte 65% de tout ce qu’il produit vers ses voisins et 85% en Europe. Nous devons donc rester prudents, audacieux et agiles en même temps. Au vu du paquet de mesures en faveur du secteur du logement, on peut envisager l’avenir avec un certain optimisme.

Le gouvernement a compris qu’une économie compétitive est le prérequis pour un modèle social généreux. Il faut créer les richesses avant de pouvoir les redistribuer. Il y a eu aussi des avancées au niveau de la fiscalité des personnes physiques, ce qui est très important pour attirer des talents, mais aussi pour la fiscalité des entreprises. Et le volet des start-up devrait être approfondi prochainement. J’espère également que des mesures seront prises au niveau du système d’assurance pension. Débattre autour de sa soutenabilité n’est pas suffisant, il faut rapidement agir en ce sens.

Ce sont ainsi des signaux positifs pour les investisseurs étrangers, surtout ceux qui observent le Luxembourg, car ils ont conscience qu’il y a une plus grande stabilité que dans beaucoup d’autres États européens.

Les messages qui parlent du Luxembourg, c’est un peu ce que vous allez délivrer au Mipim? 

«Mettre en évidence la stabilité du Luxembourg au Mipim, ce n’est pas nouveau. Mais c’est encore plus important aujourd’hui quand on voit la situation autour de nous.Au niveau des fonds d’investissement, il faut rester prudent. Les Irlandais nous rattrapent et ils vont nous dépasser dans certains domaines. Mais dans d’autres secteurs, la place financière se porte bien malgré tous les enjeux de régulation. Les investissements dans les technologies et la question de la sécurité des données restent élevés. La diversification économique se poursuit (les écotechnologies, les technologies de la santé, le secteur spatial, le secteur de la défense…).

C’est en tout cas un message positif que nous voulons faire passer. Je pense que, jusqu’à présent, le Luxembourg n’a jamais été particulièrement offensif dans sa manière de promouvoir son site. Nous sommes relativement discrets. Nos avantages compétitifs pourraient être davantage valorisés dans une approche proactive de promotion de l’expertise luxembourgeoise et du site d’investissement luxembourgeois. Nous disposons de bonnes infrastructures par rapport à d’autres États, grâce aux investissements publics dans de nombreux domaines. Et c’est un message que nous portons. Les visiteurs qui prennent un rendez-vous sur notre stand sont informés. Ils ne viennent pas par hasard. De manière générale, lors de nos missions à l’étranger, nous constatons toutefois que le Grand-Duché n’est pas assez connu par de nombreux investisseurs et partenaires potentiels.

Au Mipim, il se passe quoi ? Quoi de concret ? 

«Nous allons visiter les pavillons d’autres pays. Les visiteurs de notre pavillon peuvent prendre rendez-vous avec les exposants et se réunir dans un petit salon discret spécialement aménagé. Pour que le Mipim soit un succès, il faut espérer que le contexte géopolitique devienne plus prévisible et stable, que les Européens se ressaisissent et que la baisse des taux puisse continuer. Les taux directeurs de la Banque centrale européenne pourraient redescendre jusqu’à 2% en fin d’année. Des experts estiment même que ce ralentissement pourrait être plus marqué, atteignant 1,5% d’ici la fin de l’année. Si une trop grande divergence survient par rapport au dollar américain, cela peut déclencher une fuite vers cette monnaie. En effet, l’économie américaine se porte bien, et l’inflation est restée relativement forte, raison pour laquelle ils ne baissent pas leurs taux directeurs aussi vite. 

L’autre aspect des tensions géopolitiques, c’est l’absence de certaines nations, comme la Russie, non? 

«De manière générale, il y a moins de nations représentées et de participants qu’avant le Covid, mais la qualité est bien présente, ce qui est le plus important. Les visiteurs peuvent accéder plus facilement aux différents pavillons et à leurs rendez-vous. Le changement, le mouvement, font aujourd’hui partie intégrante de tout business. Nous avons à nouveau l’un des plus grands pavillons, avec pas moins de treize exposants. Cette année, plusieurs acteurs de la Place ont lancé un nouvel événement, le Luxembourg Evening pour marquer le coup et réunir les participants luxembourgeois et leurs nombreux partenaires nationaux et internationaux le mercredi 12 au soir.»

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de , parue le 26 février. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

 

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