est directrice générale de Caritas Jeunes et Familles, une asbl qu’elle rejoint après 14 ans d’expérience professionnelle dans le secteur de l’assurance et le secteur social luxembourgeois auprès de PwC. Membre de Kiwanis Luxembourg Gëlle Fra depuis octobre 2021, elle a été présidente de cette association d’octobre 2022 jusqu’à septembre 2023.
Elle est aussi membre des conseils d’administration de Lalux Group, de Lalux Assurances et de Lalux Assurances-Vie. Depuis 2021, elle y est également présidente du comité d’audit et du comité Risk & Compliance.
Elle est titulaire d’une maîtrise en finances, banques et assurances de l’Université de Liège et du titre de réviseur d’entreprises. Elle est réviseur d’entreprises agréé depuis novembre 2009. Elle a obtenu la certification de l’International Directors Programme – Insead.
Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que femme administratrice indépendante?
«En tant que femme administratrice indépendante, l’un des défis majeurs que j’ai rencontrés a été de m’imposer dans un environnement historiquement masculin et plus âgé, où les codes et dynamiques de pouvoir, souvent implicites, restent parfois ancrés dans des traditions anciennes. Dans mon cas, c’est plutôt la différence d’âge qui a, à mes débuts, représenté un défi auprès de mes collègues.
Il a fallu développer une posture assertive, persuader, défendre mes idées avec fermeté tout en restant humble, authentique, à l’écoute et ouverte à la discussion pour établir ma crédibilité et ma légitimité. Je reste convaincue que l’humilité couplée à l’authenticité est la clé, plutôt que de chercher à se conformer aux attentes stéréotypées.
Néanmoins, sur base de mon expérience, j’ai pu constater que le président du conseil d’administration joue un rôle clé dans ce processus ‘d’acceptation’.
Comment gérez-vous les éventuelles résistances ou le scepticisme à votre égard?
«Je n’en ai heureusement pas vécu beaucoup! J’aborde généralement les résistances, souvent inhérentes à la nature humaine, avec professionnalisme, humilité et patience. Mes 13 années d’expérience dans un cabinet d’audit international m’ont appris à privilégier une communication impactante, en intervenant avec discernement et au moment opportun. Pour cela, l’écoute ainsi que la connaissance de ses propres limites (techniques également) sont primordiales.
Pensez-vous que l’égalité hommes-femmes progresse au sein des conseils d’administration? Pourquoi?
«Oui, des progrès sont visibles, mais la progression reste lente et inégale selon les secteurs. La prise de conscience progresse, notamment grâce aux débats publics et à des initiatives de gouvernance favorisant davantage l’inclusivité. Cependant, il subsiste des freins culturels et structurels qui demanderaient certainement des actions plus fermes.
Que pensez-vous des quotas pour les femmes dans les conseils d’administration? Sont-ils nécessaires ou contre-productifs selon vous?
«Les quotas sont un levier nécessaire, bien qu’imparfait. Ils contribuent à briser le plafond de verre et à accélérer la représentation féminine au sein des conseils d’administration. L’idéal serait d’atteindre un équilibre naturel, mais sans ces mesures, le changement serait encore plus lent. À long terme, ils peuvent également normaliser la diversité et instaurer un cercle vertueux, où la compétence remplace progressivement les mesures imposées.
Aussi, il me semble que plus qu’un quota de genre, il conviendrait de considérer les énergies féminines et les énergies masculines, deux énergies complémentaires. Peut-être que la question porte plutôt sur la polarité que la parité?
En tant que femme administratrice, vous sentez-vous investie d’une responsabilité particulière dans la défense de la parité et de l’inclusion?
«Absolument. Exercer un rôle de leadership implique d’être un modèle et d’utiliser sa voix pour promouvoir une plus grande diversité. Et surtout, il est important de le rappeler encore et toujours: les femmes ont les compétences nécessaires pour occuper des postes au sein des conseils d’administration. Il faut oser et s’outiller. Le genre n’est en rien un frein à l’excellence.
Selon vous, comment la diversité influence-t-elle la performance d’un conseil d’administration?
«La diversité est un facteur clé de performance, quel que soit l’environnement. Elle favorise une confrontation d’idées enrichissante, une gestion des risques optimisée et stimule l’innovation. Comme déjà indiqué, à mon avis, c’est la complémentarité qui est clé.
Mon expérience entre le monde de l’audit et celui du social montre combien des approches variées permettent des décisions plus équilibrées et humaines. La curiosité et une ouverture à l’apprentissage continu sont essentielles pour valoriser pleinement cette diversité.
Selon vous, quelles solutions ou quelle politique pourraient encourager une meilleure parité?
«Je pense que la solution ne peut être que profondément ‘culturelle’. De nombreuses initiatives, comme des programmes de mentorat, des formations ou encore une transparence accrue dans les processus de nomination, sont déjà en place. On peut certainement faire plus et mieux, mais les mentalités doivent continuer à évoluer, et surtout nous devons instaurer dans nos cultures occidentales une vraie culture de la ‘confiance en soi’, et ce dès le plus jeune âge.
Quel conseil donneriez-vous à une femme qui hésiterait à se lancer?
«Une hésitation est souvent le signe qu’une réflexion intérieure pousse déjà à envisager de se lancer. Ce qui est déjà un bon début. Il faut ensuite franchir le pas! Et c’est là que les barrières psychologiques et les peurs de ne pas être à la hauteur surviennent, et cela serait apparemment plus courant chez les femmes, qui, souvent, sous-estiment leurs compétences. Je leur dis: ‘Croyez en vous, en vos compétences, et osez saisir les opportunités.’ Quand on commence un mandat d’administrateur, il faut du temps et de l’investissement personnel afin de se familiariser avec la culture de la société. C’est comme pour toute nouvelle fonction ou nouveau projet, et c’est normal.
Une fois la décision prise de se lancer en tant qu’administratrice indépendante, je lui conseillerai de cultiver son réseau, d’investir dans la formation (également dans de nouveaux secteurs d’activité) et de chercher un mentor. Personnellement, je recommande le IDP Program de l’Insead. Défendez vos opinions et positions, restez curieuse et authentique: fidèle à vos valeurs et à votre style de management. Ce que je déconseillerais, c’est de chercher à se conformer à des attentes stéréotypées.»