Ambassadeur d’Israël en Belgique et au Luxembourg depuis 2019, Emmanuel Nahshon était en visite mercredi chez Maison Moderne, la maison d’édition de Paperjam. Quelques jours après l’exposition en pleine rue de caricatures antisémites lors du cortège du carnaval d’Alost, en Belgique. Sans que les autorités locales s’en soient offusquées.
«Je me suis rendu à Alost pour me rendre compte personnellement des choses, et j’en suis revenu profondément choqué et attristé que ce genre de chose puisse avoir lieu en Europe, 75 ans après la libération des camps, dans une Europe qui s’est juré de ne jamais plus plonger dans l’horreur», déclare Emmanuel Nahshon.
Des images qui n’ont rien à avoir avec l’humour et le sens de la fête prônés lors d’un carnaval. Mais qui renvoient à une certaine résurgence de l’antisémitisme, stimulé par la force des mouvements nationalistes, comme ce fut le cas à Alost, ville dirigée par un bourgmestre N-VA, parti séparatiste belge.
«Je suis choqué par ces caricatures, car elles rappellent ce que nous avons pu observer dans les années 30…sans que personne ne s’en indigne», ajoute l’ambassadeur. «L’antisémitisme n’est d’ailleurs pas qu’un problème juif. Nous devons combattre et nous opposer à toute forme de racisme qui concerne n'importe quelle minorité, n'importe quelle religion.»
Au-delà de la commémoration des 75 ans de la fin de la Shoah, l’ambassadeur en appelle à une prise de conscience en Europe quant à la concordance de circonstances qui pourraient, à nouveau, mener vers une période sombre. Et en appelle à des actes.
«Nous vivons un replay des années 30»
«Le retour des juifs de la diaspora au pays s’explique par le sentiment de malaise auquel ils font face et qui est la conséquence de la trinité malsaine que nous connaissons, à savoir l’extrême gauche, l’extrême droite et l’islamisme», ajoute Emmanuel Nahshon.
L’espoir pourrait venir notamment de l’éducation et d’une sensibilisation des jeunes générations aux drames d’un autre temps pourtant si proche. Elles qui grandissent dans une époque d’individualisation exacerbée et d’idéologies étiolées.
«Les garde-fous ont sauté, je suis très pessimiste, car ce que nous vivons maintenant est un ‘replay’ des années 30, et ce pour les mêmes raisons: une crise économique et une crise identitaire», ajoute l’ambassadeur. «Avec le paradoxe que l’Union européenne, qui s’était promis de ne plus jamais revivre cela, n’a pas su suffisamment créer une identité européenne pour contrer les identités organiques qui s’expriment sur le plan national. Or, l’identité organique est la base du nazisme, puisqu’elle conduit à l’incapacité d’accepter que quelqu’un qui n’est pas semblable à vous fasse partie du même groupe.»
L’idée du retour des vols directs…
Autre lueur d’espoir, des pays comme le Luxembourg restent préservés par ces montées de haine et d’humiliations. C’est donc la nation et le peuple ami qu’Emmanuel Nahshon visite une fois par moi, lui qui était, entre 2014 et 2019, porte-parole du ministre des Affaires étrangères à Jérusalem.
À son agenda prévoit une prochaine rencontre avec le nouveau ministre de l’Économie Franz Fayot (LSAP) pour poursuivre sur le chemin des collaborations économiques qu’ont pris les deux pays.
«Au cœur de nos relations, figure la volonté luxembourgeoise de diversifier son économie. Nous disposons d’une offre en Israël qui peut faire du sens pour de nouvelles collaborations, que ce soit dans le domaine des fintech, de l’espace et d’autres secteurs», relève Emmanuel Nahshon.
La «start-up nation» israélienne fait référence sur le plan mondial et inspire le Luxembourg depuis plusieurs années. Encore faut-il faire évoluer l’approche vis-à-vis du risque, de l’échec… et oser parler de réussite, voire de richesse. «Nous nous sommes ‘auto-américanisés’ sur ces points», note l’ambassadeur, qui souligne qu’«un échec est une opportunité manquée».
En parallèle, le diplomate veut remettre sur le tapis la question du retour des vols directs entre le Findel et son pays. «Alors que le marché était limité par le passé et mis en concurrence par d’autres capitales, le développement du tourisme, des relations d’affaires, ou encore l’intérêt de la communauté gay pour la région de Tel-Aviv apportent un nouveau public demandeur d’une liaison directe», appuie Emmanuel Nahshon.
Un signal qui serait positivement accueilli par un public de plus en plus large.