Après 41 ans, l'entreprise de construction Manuel Cardoso, ici son siège à Niederkorn, va mettre la clé sous la porte juste avant le congé collectif, ce vendredi. (Photo: Guy Wolff / Maison Moderne)

Après 41 ans, l'entreprise de construction Manuel Cardoso, ici son siège à Niederkorn, va mettre la clé sous la porte juste avant le congé collectif, ce vendredi. (Photo: Guy Wolff / Maison Moderne)

Il y a ceux qui prédisent un retour de «congé collectif» terrible et ceux qui relativisent l’impact de la faillite de l’entreprise générale de construction Manuel Cardoso. Plus de 80 employés ont quitté l’entreprise ces neuf derniers mois parce qu’ils n’étaient pas payés régulièrement. Les recruteurs se bousculent.

Le téléphone de Jean-Luc de Mattéis n’arrête pas de sonner. Le secrétaire central du syndicat bâtiment, artisanat du bâtiment et constructions métalliques de l’OGBL assure avoir déjà transmis six mails d’entreprises du bâtiment qui cherchent à recruter un ou des employés de «Manuel Cardoso». Un tiers des entreprises du bâtiment souffrent d’une pénurie de main d’œuvre selon la Chambre des métiers, ce qui pour une fois est une «bonne» nouvelle. 34% des 838 entreprises dans le secteur des installations techniques (électrique, plomberie, air conditionné) – elles qui emploient déjà plus de 14.000 personnes – et 33% des 590 entreprises du gros œuvre (7.191 employés) cherchent du personnel. Ce mardi 25 juillet matin, le syndicat avait organisé une réunion pour informer les salariés de Manuel Cardoso au siège de l’entreprise de construction au Kirchberg.

À trois jours du congé collectif, ce vendredi, peut-on s’enregistrer à l’Adem? Doit-on rester disponible pour trouver un nouveau travail? Ou peut-on partir puisque le secteur est en congé et que tout pourra très bien attendre la fin août? Les frontaliers ont-ils les mêmes démarches à accomplir que les résidents?

«Après avoir reçu leur lettre, lundi, ils voulaient savoir quoi faire. Nous avons appelé l’Adem, qui s’est arrangée avec le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire pour pouvoir les préinscrire», explique M. De Mattéis. «Certains d’entre eux ont passé 15 ou 20 ans dans ces carrières, parfois dans cette société, et ils sont démunis. Nous, nous ferons tout ce qui est possible pour transmettre les coordonnées des employés aux fédérations professionnelles et à l’Adem pour que tout le monde retrouve un travail le plus tôt possible.» À la demande du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire, (LSAP), une nouvelle réunion sera organisée ce mercredi 26 juillet, à 9 heures à l’agence Esch-Belval de l’Adem.

Le seul véritable problème, indique le syndicaliste, tient dans les travailleurs les plus âgés, qui auront peut-être plus de difficultés à se relancer dans ce secteur très exigeant.

4.600 emplois menacés à terme, selon la Chambre des métiers

Depuis que Contacto a rendu publiques les difficultés de cette société emblématique du secteur la semaine dernière, tout s’est emballé. Ce mardi matin, en marge de la conférence de presse de présentation du cinquième plan national en faveur des PME, le directeur général de la Chambre des métiers, , explique «avoir prévenu le gouvernement il y a dix mois. Avec une chute des constructions de 30%, il était évident que ce genre de situation se présenterait. Le problème, c’est que les difficultés liées à l’approvisionnement en matières premières et à l’inflation se sont ajoutées à l’interruption des projets dans les communes liée aux élections, et que la perspective des élections législatives ne va rien arranger malgré les mesures prises par le gouvernement.»

que «la Fédération des entrepreneurs de construction et le Groupement des entrepreneurs ont contacté les syndicats en vue de la signature d’un plan sectoriel de maintien dans l’emploi, et ce dans l’intérêt principal des salariés du secteur au cas où la situation se dégraderait encore davantage après les congés collectifs. À ce stade, la réduction d’effectifs concerne avant tout les intérimaires. À terme, 4.600 emplois risquent d’être touchés.»

La construction de neuf, 15 à 20% du secteur seulement

Off the record, certains entrepreneurs confient qu’ils sont ouverts à reprendre des actifs et des employés des entreprises qui ne passeraient pas l’été, évidemment dans certaines conditions. Mais le sujet n’est pas si «grave» pour le secrétaire central du syndicat bâtiment, artisanat du bâtiment et constructions métalliques de l’OGBL. «Franchement, dans le secteur du bâtiment, il y a toujours eu beaucoup de faillites et une grande création d’entreprises. Ce n’est rien de si extraordinaire. Il y a deux autres choses à prendre en compte. D’abord, on ne parle là que d’activités de promotion ou de construction de logements neufs. Qui ne représentent que 15 à 20% du secteur, en marge de ceux qui font des trottoirs, de la rénovation ou d’autres choses. Ensuite, la construction de logements neufs n’est pas à l’arrêt. Au lieu de 3.500 logements, on est descendu à 2.000. Il y a quelques grands projets en train de sortir. Si vous regardez les mesures annoncées par le ministre du Logement, , qui s’engage pour le logement abordable et lui-même acheter, des projets continuent d’avancer.»

Après huit ou neuf mois à se battre contre une situation devenue compliquée, Daniel Cardoso a démissionné le 19 juillet. Les comptes 2022 de l’entreprise ne sont pas encore connus mais les sept exercices précédents étaient positifs, 2016 étant la dernière année où les dirigeants ont sorti 250.000 euros de dividende. Deux chiffres témoignent des difficultés: le résultat brut a tourné autour de 10,3 à 10,6 millions d’euros avec des charges en personnel de 9,7 à 10,14 millions d’euros. Très peu de marge de manœuvre donc, d’autant que le groupe avait des dettes «stables» autour de 11 à 12 millions d’euros.

Parmi les dettes, 1,5 million de dettes fiscales ou de dettes à la sécurité sociale, en 2021. Mardi matin, si le ministre des Classes moyennes, (DP), n’a pas souhaité aborder le cas particulier de Cardoso, grâce au nouveau dispositif qui doit voir le jour, la cellule d’évaluation des entreprises en difficulté, aurait été alertée par l’Administration de l’enregistrement et de celle de la Sécurité sociale, ce qui aurait permis – dans l’idéal – d’anticiper les ennuis de la société.

«Depuis mars, nous avons plusieurs arriérés de salaires. Ils ont commencé à nous payer le 15 du mois suivant jusqu’à ce qu’ils cessent tout simplement de payer», raconte un employé à Contacto. D’autres n’auraient pas reçu leur salaire de juin ni leur prime pour 2022.